Retraites : la majorité sénatoriale n’a pas voté d’un seul bloc la réforme

Retraites : la majorité sénatoriale n’a pas voté d’un seul bloc la réforme

Plus d’un sénateur sur cinq dans la majorité sénatoriale, composée des Républicains et de l’Union centriste, n’a pas souhaité voter en faveur du projet de loi le 11 mars. La proportion est notable, d’autant que les défections relevaient de l’exception lorsque la majorité sénatoriale défendait chaque automne un relèvement de l’âge légal à 64 ans.
Guillaume Jacquot

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« Nous la votons, car c’est notre réforme. C’est ici qu’elle est née. Nous la votons car nous l’avons modifiée. » En conclusion de l’examen sur la réforme des retraites, Bruno Retailleau a tenu à revendiquer au nom de la droite sénatoriale la paternité du texte. Ces mots, d’abord adressés au président de la République, pouvaient tout aussi bien être destinés aux électeurs des Républicains. En substance, le président du groupe LR rappelle ici que le recul de l’âge de départ à la retraite était porté de longue date au Sénat, et que ses collègues ne sauraient être accusés d’être à la remorque du gouvernement.

Comme l’illustrent les données du scrutin public sur l’ensemble du texte, plusieurs ont exprimé leurs désaccords, leurs états d’âme ou leurs doutes dans le groupe majoritaire du Sénat. Parmi les 144 membres du groupe qui ont pris part au vote, 6 ont voté contre et 18 se sont abstenus. C’est un sixième du groupe, le chiffre est loin d’être négligeable. Surtout en se projetant sur la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, où les députés Républicains sont en position de groupe charnière. Si le gouvernement veut éviter de recourir à une adoption au travers de l’article 49-3 de la Constitution, chaque voix en moins lui coûtera cher.

Les soutiens à droite moins nombreux sur l’ensemble du texte que sur l’article 7

Ces voix qui ont manqué à la droite sont même en progression par rapport au scrutin du 8 mars sur l’article 7 (report de l’âge légal), où l’on ne relevait que 2 votes contre et 15 abstentions dans le groupe. Déjà à cette date, le sénateur Bernard Jomier (apparenté PS) considérait que la majorité autour de la réforme était « en train de s’écrouler ». Notons surtout que le 12 novembre, lorsque le Sénat s’est prononcé sur le traditionnel amendement du rapporteur René-Paul Savary au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, seulement un sénateur du groupe s’était abstenu. La quasi-totalité du groupe avait décidé de soutenir le report de l’âge légal à 64 ans, mais la disposition n’avait quasiment aucune chance d’être retenue dans le texte final.

Parmi les membres du groupe LR à avoir voté contre la réforme des retraites, on retrouve des sénateurs qui s’inscrivent dans une opposition frontale au gouvernement, comme Sylvie Goy-Chavent, Alain Houpert, Laurence Muller-Bronn, Sylviane Noël ou encore le sénateur Sébastien Meurant (Reconquête). Ce groupe de sénateurs qui contestait la politique sanitaire du gouvernement durant le covid-19, s’est aussi illustré en fin d’année dernière par un vote négatif sur le projet de loi de finances. « Cette réforme n’est pas la mienne », écrivait, au lendemain de l’adoption de l’article 7, Sylvie Goy-Chavent. Selon elle, adopter le recul de l’âge légal à 64 ans, contre l’avis des deux tiers des Français, serait une « erreur ».

D’autres sénateurs LR n’ont pas souhaité soutenir le texte, en préférant s'abstenir. Cette forme d’expression traduit à minimum un malaise sur la réforme, tout en laissant la porte ouverte à l’adoption. Certains font partie des visages bien connus du Sénat, tel Mathieu Darnaud, l’ancien président de la délégation aux collectivités territoriales, Jean-François Rapin, le président de la commission des affaires européennes et proche de Xavier Bertrand, ou encore Didier Mandelli, l’un des cadres de la commission de l’aménagement du territoire, qui avait été élu sur la liste de Bruno Retailleau lors de la dernière élection sénatoriale de Vendée.

Interrogée sur cette fraction du groupe qui n’a pas souhaité apposer son nom à la réforme, la sénatrice Christine Lavarde mettait ce matin en avant sur Public Sénat une « opposition forte », pour les uns, et un « contexte local » voire « électoral », pour d’autres. Sur les 24 sénateurs LR qui ont voté contre ou qui se sont abstenus, seulement six sont élus dans des départements concernés par les élections sénatoriales de septembre. Et l’un d’entre eux, François Calvet, ne se représente pas.

Un tiers du groupe Union centriste a manqué à l’appel

De façon plus visible encore chez l’Union centriste, les alliés des Républicains, la réforme a également manqué singulièrement de soutiens lors du scrutin final. Sur les 57 membres de ce groupe, pourtant beaucoup moins imperméable aux orientations du gouvernement que le groupe LR, plus d’un tiers n’a pas cautionné le texte. Six membres ont voté contre, comme Nathalie Goulet (déjà opposée à l’amendement débattu cet automne dans le budget Sécurité sociale) et Arnaud de Belenet, qui était entré initialement au Sénat dans le groupe des marcheurs.

Au sein des 14 abstentionnistes, beaucoup de membres de premier plan dans le groupe, comme deux anciens présidents de commission, Catherine Morin-Desailly et Hervé Maurey, ou encore l’une des vice-présidents du Sénat, Valérie Létard. A noter également les abstentions de Philippe Folliot, parlementaire qui avait soutenu Emmanuel Macron avant même le premier tour de la présidentielle de 2017, et le sénateur MoDem Jean-Marie Vanlerenberghe. L’ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales s’est également abstenu sur l’article 7, tout comme lors du vote sur la proposition de recul de l’âge légal à l’automne, dans le cadre du budget de la Sécurité sociale. Ce 12 novembre, quand l’amendement Savary a été soumis au vote, ils n’étaient que 5 sénateurs centristes à s’être abstenus. Le contexte a fortement évolué depuis.

Interrogé sur Public Sénat, Hervé Marseille, le président du groupe minimise le mouvement. « J’ai un groupe où il y a liberté de vote, ils votent en fonction de leurs convictions, de leur conscience », rappelle-t-il. Selon lui, plusieurs explications motivent ces mises en retrait. « Certains avaient des convictions par rapport à ce qui se passait dans leurs départements », relate-t-il. Mais d’autres « considéraient que le texte n’allait pas assez loin ». « J’ai un certain nombre de sénateurs qui se disent : tout ça pour ça. » La fronde est allée plus loin au moment de l’examen de l’article 7, puisque ce ne sont pas 20, mais 22 sénateurs centristes qui se sont abstenus ou opposés.

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