Retraites : la réforme présentée en Conseil des ministres, la pression continue dans la rue

Retraites : la réforme présentée en Conseil des ministres, la pression continue dans la rue

Présentée en Conseil des ministres, la réforme des retraites arrivera à l’Assemblée en février. « L'âge d'équilibre reste dans la loi » a rappelé la ministre Agnès Buzyn. La stratégie du gouvernement était justement de « focaliser sur l’âge pivot », retiré pour obtenir le « compromis » avec la CFDT, afin de « faire passer le reste », confie un fidèle macroniste.
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La contestation contre la réforme des retraites est toujours là, mais le gouvernement avance. Le projet de loi a été présenté ce vendredi 24 janvier en Conseil des ministres. Deux textes exactement, un projet de loi organique et un ordinaire. Ils seront examinés en commission à l’Assemblée nationale à partir du 3 février puis en séance le 17 février. Leur examen est prévu fin avril et début mai ensuite au Sénat. Si les plans de l’exécutif se déroulent sans accroc, « le final cut », selon les mots d’un macroniste, arrivera fin mai, avec l’adoption définitive de la réforme.

Deux textes au Parlement

Alors que la grève a repris ce vendredi dans les transports parisiens et que la contestation a pris une nouvelle tournure, à coups de chorégraphies, coupure d’électricité et retraites au flambeau, la ministre de la Solidarité et de la Santé, Agnès Buzyn, et le secrétaire d’Etat en charge du dossier, Laurent Pietraszewski, ont présenté les grandes lignes des textes après le Conseil des ministres : universalité, fin des régimes spéciaux, règle d’or sur la valeur du point, on connaît les grands principes. Petite précision au passage d’Agnès Buzyn : les articles 3, 4 et 5 du projet de loi organique « permettent de faire revenir dans le régime universel les Parlementaires, notamment les sénateurs » ou des « magistrats ». « Il faut une loi organique pour les intégrer au système universel ». Une précision qui n’est pas anodine, alors que LREM, et en particulier le questeur de l’Assemblée, Florian Bachelier, multiplie les attaques contre le régime de retraites de sénateurs, il est vrai pour le moins avantageux. Ce que reconnaît Gérard Larcher, qui assure que les sénateurs s’appliqueront la réforme.

Laurent Pietraszewski a rappelé que l’âge d’ouverture des droits à la retraite restera à 62 ans, comme Emmanuel Macron l’avait promis. Reste encore beaucoup de flou sur l’impact financier de la réforme. Les réponses viendront peut-être dans l’étude d’impact, qui fera 1.000 pages. Mais il faudra attendre que le texte soit transmis à l’Assemblée pour la lire.

Le simulateur individuel en ligne « quelques semaines après l’adoption de la loi »

Quant au simulateur du gouvernement, bientôt enrichi d’une trentaine de nouveaux cas types, il sera individualisé seulement une fois que « les paramètres définitifs » seront arrêtés. Soit un simulateur réellement opérationnel « quelques semaines après l’adoption de la loi »… Et donc après le débat parlementaire, quand il sera trop tard pour modifier la réforme. Pour compliquer le tout, « il y a une part d’inconnue dans les projections ». Pas de quoi rassurer les Français.

Evoquant le titre V du projet de loi, le secrétaire d’Etat évoque des « habilitations d’ordre général. Il ratifiera certaines ordonnances prises dans le cadre de la loi pacte ». Ce que Laurent Pietraszewski ne précise pas, c’est que ces ordonnances, qu’on retrouve dans l’article 64, concernent l’épargne retraite, c’est-à-dire les retraites par capitalisation, comme nous l’expliquions (voir notre article). Le gouvernement avait pourtant assuré que la réforme n’en parlait pas.

Tactique et stratégie

Concernant le retrait provisoire de l’âge pivot, pour la période 2022-2027, les partenaires sociaux ont donc pour mission d’essayer de trouver un plan B dans la conférence de financement, qui s’ouvre le 30 janvier pour trois mois. Mais à partir de 2027, « l'âge d'équilibre reste dans la loi » a clairement rappelé Agnès Buzyn. Cette notion d’âge d’équilibre, assorti d'un « mécanisme de bonus-malus » de 5% par an, sera « autour de 64 ans ». Mais il pourra augmenter avec le temps.

Sur l’âge pivot, les macronistes ne sont pas mécontents de leur coup. « La stratégie de sortie de crise avec les syndicats réformistes est plutôt réussie. Il y avait des interrogations sur la valeur du point, l’universalité, une capitalisation cachée. Mais la stratégie du gouvernement était plutôt de focaliser sur l’âge pivot. Ce qui a créé un accès de fixation qui a permis un truc : la tension avec la CFDT et une sortie de crise. L’objectif tactique du gouvernement est plutôt atteint » confie avec franchise un proche d’Emmanuel Macron. Certains y verront du cynisme. D’autres, un classique élément de négociation, un chiffon rouge agité, hypothèse que nous avions évoquée dès le 16 décembre. Reste à savoir si la CFDT avait intérêt à rentrer dans ce jeu. Le même ajoute :

L’âge pivot, ça permet la sortie de crise et de faire passer le reste (un proche d’Emmanuel Macron)

Mais l’histoire n’est pas terminée. L’exécutif compte maintenant insister sur la transition – elle concerne des millions de personnes – et aborder l’aspect « justice sociale et solidarité » de la réforme, selon les mots d’Agnès Buzyn. Car ce que le gouvernement n’a pas souhaité crier sur les toits jusqu’à présent, c’est que la réforme fait bien des gagnants et des perdants. Mais pas forcément ceux qui votent pour Emmanuel Macron, c’est le problème (politique). « La réforme est très redistributive. Et les CSP+, les électeurs macronistes, seraient plutôt perdants. Ce qui a empêché un vrai discours sur l’aspect redistributif » décrypte un parlementaire LREM, selon qui « la majorité est un peu emmerdée sur les gagnants/perdants ». Et d’ajouter, sans rire : « Prendre aux riches pour donner aux pauvres, ce n’est pas dans l’ADN de notre majorité ».

« Ils ont éteint les flammes mais la braise est là »

L’arrivée du texte au Parlement sera la prochaine étape. « L’opposition prépare une obstruction parlementaire assez lourde » pense-t-on en macronie. Un débat parlementaire qui pourra s’appuyer sur le climat social. Les syndicats et opposants vont certainement continuer la pression jusque-là. « Ils ont éteint les flammes mais la braise est là. Et les braises, ça dure beaucoup plus longtemps que les flammes » souligne un sénateur PS. Des braises qui pourraient bien durer « jusqu’à la fin du quinquennat ».

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