La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Retraites : « La vraie négociation, c’est le délai de transition »
Par Public Sénat
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Négociations, phase deux. Un mois après le début du conflit social contre la réforme des retraites, gouvernement et partenaires sociaux vont se retrouver à nouveau pour tenter de sortir de l’impasse. Les rencontres, interrompues par la coupure hivernale, reprennent ce mardi 7 janvier au ministère du Travail, notamment autour des questions liées aux situations de pénibilité, de la gestion des fins de carrière, ou de la prise en compte des carrières longues. « Nous souhaitons que cette sortie de crise intervienne rapidement », a résumé la porte-parole du gouvernement ce lundi, à l’issue du premier Conseil des ministres de l’année. Une façon de répéter la demande d’un « compromis rapide » formulé par Emmanuel Macron lors de ses vœux.
Sorti de sa réserve, le président de l’Assemblée nationale a esquissé une idée pour trouver un compromis avec la CFDT, qui a fait de l’âge pivot sa principe ligne rouge. S’inspirant du modèle de la retraite complémentaire des salariés du privé (Agirc-Arrco), Richard Ferrand a suggéré d’aménager les dispositions autour de l’âge pivot : en rendant la décote, en cas de départ avant cet âge, limitée dans le temps. « Une très bonne proposition », a estimé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, pour qui « jamais le compromis n’a semblé aussi proche ».
« On trouve des pistes de contournement », regrette le sénateur LR René-Paul Savary
Des sénateurs que nous avons interrogés sont encore sur leur faim. La Haute-assemblée rentre dans le vif du sujet dès sa semaine de rentrée, en organisant ce mardi un débat interactif sur le projet de réforme. Seul membre du gouvernement annoncé, Laurent Pietraszewski, le secrétaire d'État chargé des Retraites, devra faire le service après-vente de l’exécutif. La droite, partisane d’un recul de l’âge de départ à la retraite à 64, voire 65 ans, ne se montre guère convaincue par les solutions mises sur la table. « Le gouvernement s’est figé sur la promesse du président de la République de maintenir l’âge légal de départ à 62 ans. C’est un bricolage. On trouve des pistes de contournement, pour éviter de dire la vérité aux Français, à savoir qu’il faudra travailler plus longtemps », réagit le sénateur LR, René-Paul Savary.
Dans l’hémicycle, la droite sénatoriale attendra le gouvernement au tournant sur le financement des nouveaux droits prévus par le projet de régime universel par point, mais aussi sur les inflexions de ces dernières semaines. Départs anticipés, compromis sur certains régimes spéciaux ou encore compensations pour limiter des baisses brutales de pension : plusieurs catégories de salariés se sont déjà vues proposer des aménagements dans le projet gouvernemental. « Toutes ces mesures pour adoucir la réforme ont un coût qui commence à être prohibitif », s’inquiète René-Paul Savary. « Je ne sais pas où l’on va ! » Malgré ces concessions, le gouvernement assure que la « promesse d’un régime universel » sera « tenue ». « Reconnaissons aussi des situations spécifiques, exceptionnelles, qu'il faut regarder », a toutefois précisé Laurent Pietraszewski, dans les colonnes du Parisien.
Une survivance des régimes spéciaux ?
Cette prise en compte de situations spécifiques était d’ailleurs déjà évoquée dans les préconisations de Jean-Paul Delevoye, dans son rapport remis au mois de juillet. On peut notamment y lire que « la mise en place d’un système universel n’interdira pas des prises en charge de cotisations par des tiers lorsqu’elles sont justifiées par un objectif d’intérêt général ou portées comme un enjeu d’action sociale ». La pérennisation du régime des pilotes de ligne, hôtesses et stewards sous forme d’un régime complémentaire obligatoire – donc en dehors du champ de l’État – va-t-elle faire des émules ? Et si oui, sous quelles conditions ? C’est l’une des principales interrogations de la sénatrice centriste Sylvie Vermeillet, à la veille du débat au Sénat. « Je demanderai si dans la réforme, l’État continuerait à financer un milliard d’euros d’avantages spéciaux de la SNCF et de la RATP ».
Comme son collègue LR, elle siège au Conseil d’orientation des retraites, et réclame des éléments financiers sur la trajectoire de la réforme. « Dans toutes les auditions que j’ai conduites, personne n’a de projection sur le coût et l’effet de cette réforme. J’aimerais bien l’avoir […] Je vais avoir du mal à voter ce texte si je n’ai pas l’incidence financière », prévient Sylvie Vermeillet.
Quant aux mesures d’économies demandées par le gouvernement pour assurer l’équilibre du système, la sénatrice appelle à ne pas perdre de vue la globalité des enjeux dans cette réforme des retraites. « Quand on se focalise sur les cinq années qui viennent, on est tout affolé. Je regrette, si on regarde les équilibres à long terme : une fois le papy-boom derrière nous, on va retrouver un système excédentaire ». Pour elle, tout est une affaire d’échéance.
« La classe active actuelle fait un effort qu’aucune génération n’a porté avant elle », note Sylvie Vermeillet
Favorable au principe d’un régime universel générant des droits dès le premier euro cotisé, la sénatrice se dit surtout attachée à « l’équilibre intergénérationnel ». « Si on regarde la classe active actuelle, elle n’a jamais autant cotisé, aussi longtemps, sur des bases aussi étendues, pour avoir un taux de remplacement [des pensions, NDLR] en retour aussi faible. Elle fait un effort qu’aucune génération n’a porté avant elle. » Pour elle, le cœur de la négociation ne sera pas sur l’âge pivot, qui cristallise une partie des débats. « La vraie négociation, c’est le délai de transition et sur certains avantages qu’ils vont pouvoir maintenir ici et là. »
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui souhaite dissocier les aspects systémiques des paramètres budgétaires de la réforme, en a aussi profité pour demander à réunir au cours des prochains mois une « conférence de financement » autour des retraites. Le gouvernement « est très ouvert aux propositions des partenaires sociaux pour équilibrer notre système de retraite », a précisé à la mi-journée Sibeth Ndiaye. Tout en rappelant que l’exécutif avait son propre calendrier et qu’Emmanuel Macron était très attaché à ne pas séparer les deux volets. Ces discussions seront menées en parallèle dans les prochains jours à Matignon, en parallèle des négociations sur la pénibilité et les fins de carrière.
L’accompagnement progressif des seniors vers la retraite et leur maintien dans l’emploi seront justement des questions cruciales, sur lesquelles le gouvernement devra ce mardi répondre précisément, espère René-Paul Savary. La question d’un âge pivot à 64 ans n’est pas anodine dans un pays où le taux d’emploi des 60-64 ans ne dépassait pas 30 % en 2017. Les interrogations sur le sort des pensions de réversion sont aussi très vives.
Si des sénateurs de la majorité sénatoriale de la droite et du centre s’inquiètent du nombre « d’inconnues » encore élevé dans la réforme, la gauche – des socialistes à la France insoumise en passant par les communistes ou les écologistes – organise sa bataille unitaire pour réclamer le retrait de la réforme (voir notre article).