Michel Barnier comme Premier ministre doit être « un choix d’opposition, de cohabitation » pour Julien Aubert. Sur la situation politique actuelle, Julien Aubert s’affiche en opposition à la politique menée par le camp présidentiel : « Le message des urnes en juin dernier, au premier comme au deuxième tour, c’est ‘on ne veut plus du en même temps, on ne veut plus d’Emmanuel Macron, et on ne veut plus du bloc central’ Qu’est-ce que l’on entend depuis quelques semaines ? Une reconstitution du bloc central ». Pour le vice-président des Républicains, « il faut sortir du macronisme, parce qu’il a fait beaucoup de mal à la démocratie, le ‘en même temps’ a fait beaucoup de mal à la démocratie ». Pour cela, Michel Barnier est « un excellent choix », à condition qu’il soit considéré comme « un choix d’opposition, de cohabitation » précise le vice-président des Républicains. En ce qui concerne les ministres pouvant composer le futur gouvernement, Julien Aubert estime qu’ « il ne sera pas compréhensible pour les électeurs d’avoir un gouvernement de gauche et de macronistes, alors que pendant 7 ans les Républicains ont déclaré qu’ils étaient un parti d’opposition […] et qu’ils avaient un problème de nature avec le macronisme ». Hier matin, Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur a annoncé sa démission en diffusant sur X/Twitter sa lettre de démission adressée à Ursula von der Leyen. Dans ce courrier, l’ancien commissaire européen dénonce la gouvernance de la présidente de la Commission européenne : « Il y a quelques jours, dans la toute dernière ligne droite des négociations sur la composition du futur Collège, vous avez demandé à la France de retirer mon nom – pour des raisons personnelles qu’en aucun cas vous n’avez discutées directement avec moi – et proposé, en guise de compromis politique, un portefeuille prétendument plus influent pour la France au sein du futur Collège ». Pour Julien Aubert, le fait que « la présidente de la Commission européenne parvienne à forcer le choix d’un Etat fondateur de l’Union en lui faisant un chantage au portefeuille, cela montre bien que l’influence de la France s’est affaiblie ». Dans la foulée de cette démission, Emmanuel Macron a ainsi proposé Stéphane Séjourné pour remplacer Thierry Breton. Un choix que le vice-président des Républicains qualifie de « recasage ».
Retraites : le Sénat débute l’examen du texte dans une ambiance moins électrique qu’à l’Assemblée, mais tendue
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« On n’est pas là pour faire le match retour, ce qu’il s’est passé à l’Assemblée nationale s’est passé », s’est un peu agacé Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat, après l’intervention en forme de revanche de Gabriel Attal en ouverture de l’examen de la réforme des retraites au Sénat. Paradoxe de l’intervention du ministre du budget : en se félicitant du climat des débats au Sénat par rapport à ceux qu’il a connus à l’Assemblée, Gabriel Attal est probablement celui qui a été le plus offensif à la Chambre haute aujourd’hui.
Tout est relatif, puisque dans l’enceinte rouge feutrée du Palais Médicis, que découvrent certains journalistes, les éclats de voix – comme d’habitude – sont restés rares. Mais force est de constater que le ministre des Comptes publics avait envie de régler des comptes ce jeudi après-midi : « Je sais qu’au Sénat, par-delà les divergences politiques, on s’écoute, que par-delà les oppositions de fond, on débat, et que par-delà les parcours de chacun, on se respecte. […] Ici, il n’y a pas de ZAD, il n’y a que la République. Après le vacarme et l’opposition des extrêmes s’ouvre le temps de la sagesse et de la raison. », provoquant quelques remous sur les bancs de la gauche. ( Voir la vidéo en tête).
« Un appel au compromis entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle »
La saveur de ce moment, c’est que la prise de parole de Gabriel Attal, poliment chahuté à chaque fois qu’il évoquait « ceux qui font le choix de ne pas travailler » ou « les augmentations de charges » voulues par la gauche, montre surtout que l’écoute, c’est entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale, comme l’a expliqué lui-même le ministre des Comptes publics : « Nous venons devant vous avec un objectif simple : construire un compromis clair pour la retraite des Français, un compromis pour payer les retraites des Français sans impôt en plus, ni retraite en moins. […] Un appel au compromis entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle. Un appel à la cohérence que la majorité sénatoriale a tant voulu et a voté de nombreuses fois. »
Malicieux, Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, s’est même délecté, en fin de discussion générale, d’un clivage gauche-droite « ressuscité » par ce débat sur la réforme des retraites. Lors de ces interventions inaugurales des ministres et des chefs de file des groupes politiques du Sénat, deux blocs politiques se sont en effet clairement dessinés. L’un composé du gouvernement et de la majorité sénatoriale, qui devront profiter de cet examen du projet de loi au Sénat pour finaliser les derniers compromis sur une éventuelle surcote pour les mères de famille ou un des mesures sur l’emploi des séniors notamment.
« Après l’examen au Sénat, ce texte devra ensuite faire l’objet d’une discussion en CMP [commission mixte paritaire]. Donc chaque fois que nous pouvons l’améliorer et gommer une partie des oppositions, nous aurons tout à y gagner », a ainsi conclu Olivier Dussopt après les interventions de l’ensemble des orateurs des groupes politiques.
Après la guérilla parlementaire à l’Assemblée, la Guerre froide s’annonce au Sénat
Dans ce format « Guerre froide » vers lequel semble s’orienter le Sénat, après des débats plus calqués sur une guérilla parlementaire à l’Assemblée, l’autre bloc, c’est la gauche. Les groupes socialistes, communistes et écologistes votent régulièrement ensemble à la chambre haute, mais, pour cette bataille des retraites, ils semblent avoir particulièrement accordé leurs violons. Répartition des différentes motions entre les groupes, signature commune pour déclencher une motion référendaire qui sera examinée ce vendredi matin : la gauche était en ordre de bataille ce jeudi après-midi au Sénat. Le groupe socialiste, par exemple, n’a pas pour habitude de voter les motions de rejet préalable souvent déposées par les communistes lors de l’examen de textes budgétaires. Mais cette fois, a expliqué Monique Lubin, cheffe de file des socialistes sur ce texte, la coupe est pleine : « C’est vrai qu’habituellement au groupe socialiste nous aimons débattre. Mais il s’avère que cette fois ci, le débat est tronqué. Nous n’allons pas parler retraite, nous allons parler chiffres. Nous n’allons pas parler du travail, de la vie. Dans ces conditions nous n’avons pas envie de parler retraite. »
Si les motions d’irrecevabilité et de rejet préalable n’ont sans surprise pas été adoptées par le Sénat à majorité de droite et du centre, les groupes de gauche n’ont pas mâché leurs mots pour s’opposer à la réforme des retraites, sur la forme comme sur le fond. Éliane Assassi, qui défendait la motion d’irrecevabilité, a dénoncé un « projet qui relève de la provocation » et un « coup d’Etat feutré contre les institutions de la République » par l’utilisation des délais contraints prévus par l’article 47-1 de la Constitution. Sur le fond, l’ensemble des groupes de gauche a dénoncé la politique fiscale et budgétaire du gouvernement, qui refuse d’envisager d’autres sources de recettes. « C’est une loi de classe, qui touchera surtout les catégories populaires. Les Français l’ont bien compris que ce qui se jouait c’était le pouvoir sur leur temps, qui est le pouvoir tout court, comme le disait André Gorz. C’est un temps libéré de la subordination, que votre gouvernement veut livrer à une croissance sans fin », a notamment lancé Raymonde Poncet-Monge, du groupe écologiste, citant un philosophe du travail des grandes heures du marxisme culturel français.
« Les 4227 amendements déposés sont-ils les prémices d’une obstruction au Sénat ? »
La référence à Gorz renvoie à un temps de conflictualité politique et idéologique autrement plus clair et frontal que celui du « Nouveau Monde » que l’on a presque déjà oublié dans ce début de deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Et la majorité sénatoriale, comme la majorité présidentielle ne s’y sont pas trompées. Bruno Retailleau a assumé une « réforme qui porte en elle un projet de société, la mère de toutes les réformes », et que la droite doit assumer comme une victoire. « De quoi aurions-nous l’air si nous ne votions pas une réforme que nous votons chaque année ? » a-t-il ajouté.
Le rapporteur LR du projet de loi, René-Paul Savary, n’a aussi pas manqué de le rappeler : cette réforme ressemble dans les grandes lignes à un amendement voté depuis 2018 au Sénat lors de l’examen du budget de la Sécu. « La voilà enfin cette réforme, attendue, si nécessaire, pressante, si urgente, mais si longtemps repoussée. La voilà enfin reprise, cette proposition sénatoriale votée contre l’avis de ce gouvernement. Pourquoi n’a-t-il pas jugé utile de se rallier au Sénat dès 2018 ? La pente serait moins raide et le déficit moins abyssal. Que de temps perdu. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. »
Face à cette réforme clairement identifiée à droite au Sénat, François Patriat, président du groupe macroniste au Sénat, s’est même inquiété de l’attitude que pourrait avoir le bloc d’en face qui – sans faire de bruit – a tout de même fait grimper le compteur d’amendements à tel point qu’un vote sur l’ensemble du texte le 12 mars prochain pourrait être compromis : « Les 4227 amendements déposés sont-ils les prémices d’une obstruction au Sénat ? Avec 69 amendements similaires déposés par la gauche sur l’article liminaire, je m’inquiète un peu. Nous sommes ici pour réussir ce que n’a pas réussi l’Assemblée nationale. Je sais les oppositions résolues, mais j’espère pouvoir compter sur l’esprit de responsabilité de chacun. »
« Bienvenue au Sénat »
Dans les rangs de la majorité sénatoriale et de la majorité présidentielle, plane clairement le spectre de « l’obstruction » à l’Assemblée nationale. Les sénateurs de gauche n’ont pas déclaré la guerre ouverte au gouvernement et à la majorité sénatoriale. Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, enjoint même le gouvernement à « repartir sur des bases saines » dans le débat. Mais en même temps, Éliane Assassi l’assume : le groupe communiste utilisera « tous les moyens constitutionnels » à sa disposition « pour relayer la colère froide et massive qui monte dans le pays. »
Cathy Apourceau-Poly, sénatrice communiste prévient, elle aussi, la majorité sénatoriale et le gouvernement : « L’examen du texte au Sénat ne sera pas un long fleuve tranquille pour vous et comptez sur nous pour vous rappeler que comme les Français, nous sommes opposés à votre réforme. » Hervé Marseille tente bien de rassurer Olivier Dussopt, particulièrement chahuté à l’Assemblée nationale : « Ici, vous n’avez rien à craindre monsieur le ministre. »
Dans le ton des débats, peut-être, mais si le but est de faire adopter la réforme des retraites par la haute assemblée, le ministre du Travail va avoir du boulot, avec plus de 4200 amendements recevables. « Les parlementaires, c’est fait pour voter », insiste déjà Bruno Retailleau. « Nous mènerons une bataille parlementaire contre votre texte et défendrons chacun, je dis bien chacun de nos amendements », lui répond Cathy Apoureceau-Poly. Et son collègue communiste, Fabien Gay, de conclure : « Bienvenue au Sénat. »
Le Sénat continuera l'examen du texte ce vendredi matin à 9h30, avec l'examen de la motion référendaire déposée par la gauche.