Retraites : les sénateurs socialistes appellent l’Élysée à saisir la main tendue des syndicats
Les socialistes du palais du Luxembourg sont unanimes à saluer l’issue proposée par l’intersyndicale d’une mise sur pause de la réforme et de la mise en place d’une médiation. Remontés contre la fin de non-recevoir d’Olivier Véran, ils appellent le gouvernement à ne pas manquer cette nouvelle occasion de revenir autour de la table.
Par Guillaume Jacquot (Images vidéo : Jonathan Dupriez)
Dans les rangs du groupe socialiste au Sénat, l’initiative des syndicats, présentée en début de matinée par Laurent Berger, est saluée. La situation sociale et politique a d’ailleurs longuement occupé leur réunion hebdomadaire. « Il n’y a pas d’autres solutions qui se dessinent actuellement. C’est le retrait de cette réforme, au moins la mise en pause de celle-ci », observe le sénateur des Landes Éric Kerrouche, qui redoute que la situation ne s’envenime dans le pays. « Je pense qu’on a déjà été trop loin. Il y a une espèce de surdité du pouvoir qui est assez inconséquente. Il faut au moins faire un geste, et pas jouer le pourrissement », appelle-t-il.
« Il n’y a que ça qui peut aider à sortir de la crise que nous connaissons »
Cheffe de file de son groupe lors des débats au Sénat début mars sur la réforme, Monique Lubin est convaincue que la mise en suspens demandée par la CFDT est au moins un préalable dont l’exécutif pourra difficilement s’extraire. « Il n’y a que ça qui peut aider à sortir de la crise que nous connaissons […] Tant que le gouvernement ne montrera pas des signes d’apaisement sur le recul de l’âge, il n’y aura ni dialogue ni médiation possible. »
« Ce n’est pas un déshonneur de retirer un projet. C’est une main tendue énorme, le gouvernement devrait la saisir », encourage David Assouline, sénateur de Paris.
Sénateur de l’Hérault, Hussein Bourgi appelle le gouvernement à saisir cette main tendue, trois semaines après une lettre des organisations syndicales qui demandaient à être reçues à l’Élysée. Refus de la présidence. « S’il saisit la gravité du moment, des risques afférents, je pense qu’il y gagnerait. Il ne faudrait pas qu’on multiplie les occasions ratées », redoute le parlementaire, qui insiste sur la « responsabilité » des leaders syndicaux depuis le début de la crise sociale.
La réponse du porte-parole du gouvernement très mal accueillie au sein du groupe PS
Au cours de son compte rendu du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a fermé la porte à la proposition de l’intersyndicale. « Nous saisissons la proposition de Laurent Berger de se parler, mais directement. Nul besoin de médiation », a opposé Olivier Véran. Le ministre a rappelé la position du président de la République, dans la droite ligne de son interview du 22 mars : l’Élysée ne recevra pas les partenaires sociaux avant la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi dans le courant du mois d’avril. « La Première ministre se tient à disposition des syndicats pour les recevoir très directement, pour pouvoir parler », a-t-il proposé.
À la mi-journée, les socialistes réagissaient vigoureusement à la fin de non-recevoir du gouvernement sur la mise en place d’une médiation. « Je croyais qu’Olivier Véran qui était porte-parole mais aussi ministre chargé du renouveau démocratique, devait au contraire saisir toutes les opportunités pour apaiser la situation. Faire ce type de déclaration au moment même où les cortèges s’élancent, je trouve que c’est particulièrement maladroit, voire irresponsable », réprouve le sénateur Hussein Bourgi. « La meilleure chose à faire, serait de ne plus parler. Olivier Véran est soit provocateur, soit méprisant », s’insurge Monique Lubin.
Dans tous les cas, les parlementaires n’osent imaginer une sortie de crise suspendue aux travaux du Conseil constitutionnel, qu’ils ont saisi la semaine dernière. « Le président aurait tout à gagner à trancher avant », estime Monique Lubin. « L’horizon politique est trop loin, il faut avoir des actes politiques avant », encourage également Éric Kerrouche.
« Il faut qu’il prenne une initiative »
Au vu de l’état de tension dans le pays, les membres du groupe insistent sur l’agglomérat des colères et sur la déception qui a suivi l’interview présidentielle du 22 mars. « On est dans une situation d’extrême gravité, de tensions, qui dépasse aujourd’hui largement le seul projet de retraites. Ça vient en plus de toutes les difficultés en termes d’inflation. Il y a une vraie crise sociale et une vraie crise de confiance vis-à-vis des décisions », s’inquiète la sénatrice de Gironde Laurence Harribey. « Dans la hiérarchisation des choses à aborder, il y a d’abord la question des retraites, car elle cristallise les revendications. En même temps ou juste après, c’est la question du pouvoir d’achat, de l’inflation, que les gens subissent de plein fouet », rappelle Hussein Bourgi.
« Il faut qu’il prenne une initiative », pousse également Jean-Pierre Sueur. « La question n’est pas tant celle d’une médiation entre le président de la République et les Français. C’est au président de la République de faire quelque chose, de faire une avancée. »
Les autres issues de secours n’en sont pas vraiment, de l’avis de plusieurs socialistes. D’autant qu’Emmanuel Macron a fermé lui-même la porte à une dissolution de l’Assemblée nationale ou à un remaniement la semaine dernière. « Des législatives anticipées pourraient apparaître comme une réponse politicienne, voire politicarde à des vrais problèmes politiques », avertit Hussein Bourgi. Au sein de la palette des autres outils à sa disposition, le chef de l’État a également exclu tout référendum sur la question des retraites. Souhaitant redonner la parole aux Français, les socialistes ont d’ailleurs enclenché les premières étapes indispensables à la tenue d’un référendum d’initiative partagée.
Demain, lors des questions au gouvernement, le groupe s’adressera au gouvernement sur la main tendue par l’intersyndicale. C’est le président Patrick Kanner qui prendra la parole, pour obtenir une réponse de la part d’Élisabeth Borne.
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