Retraites : malgré « 36 positions » différentes chez les LR, députés et sénateurs espèrent « converger »

Retraites : malgré « 36 positions » différentes chez les LR, députés et sénateurs espèrent « converger »

Alors que les députés LR jouent le rôle de groupe charnière à l’Assemblée, ils sont pour l’heure divisés sur les retraites. Les sénateurs défendent eux leur propre ligne, avec un report de l’âge légal à 64 ans et l’accélération de la réforme Touraine sur la durée de cotisation. Une idée dont pourrait s’inspirer le gouvernement. Députés et sénateurs LR tenteront de trouver « un terrain d’entente ».
François Vignal

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Les LR, quel numéro de téléphone ? La tentation de reprendre la célèbre boutade de l’ancien secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger, sur l’Europe, est là, tant les lignes paraissent multiples à droite sur les retraites. Entre d’une part les sénateurs LR, et de l’autre les lignes diverses et variées des députés de droite, c’est cinquante nuances de LR.

Cette semaine, Emmanuel Macron annonçait le report du 15 décembre au 10 janvier de la présentation des grandes lignes de sa réforme des retraites. Le chef de l’Etat, qui défend un report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, veut laisser un peu plus de temps à la concertation, notamment en raison des congrès des partis, à commencer par celui des LR. Car sur cette réforme sensible, tous les regards se tournent vers les LR et leur groupe charnière de 62 députés à l’Assemblée. Si l’exécutif est décidé à passer par un budget rectificatif de la Sécurité sociale – on évoque une présentation en Conseil des ministres pour la seconde moitié de janvier, pour un examen à l’Assemblée début février et un vote définitif d’ici fin mars – pour se garder sous le coude la possibilité d’un nouveau 49.3, le gouvernement ne désespère pas de trouver une majorité.

« On voit qu’il y a possiblement des convergences avec Les Républicains », selon le ministre Franck Riester

« On voit qu’il y a possiblement des convergences avec Les Républicains », a affirmé ce jeudi le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, au terme de cette semaine de consultation des présidents de groupes, par Elisabeth Borne. « Nous ne sommes pas fermés à d’autres systèmes », assure-t-il, sauf « toucher les cotisations, car ça impacterait le pouvoir d’achat des actifs ou la compétitivité des entreprises ». Il écarte ainsi au passage la proposition de François Bayrou de légère hausse des cotisations patronales… « Nous avons vu, notamment avec les LR, l’idée de travailler ensemble sur certains aspects de la réforme », insiste Franck Riester, qui « rappelle quand même que c’était au cœur du programme de leur candidate (Valérie Pécresse proposait un report à 65 ans, ndlr), que des amendements au Sénat ont été votés depuis trois ans sur un report de l’âge ». Regardez :

En effet. Le Sénat, à majorité de droite et du centre, a de nouveau voté, en novembre, son amendement sur les retraites qui propose de repousser l’âge légal à 64 ans, couplé à une accélération de la réforme Touraine, soit 43 années de cotisations requises pour une retraite à taux plein, dès la génération 1967, au lieu de 1973.

Quelles sont les positions chez les députés LR ?

Mais chez les LR, c’est un peu deux salles, deux ambiances… enfin même plus. Pour commencer, le président du groupe LR de l’Assemblée, Olivier Marleix, s’oppose clairement à un report à 65 ans. « Ce serait compris comme une provocation » a-t-il expliqué lundi dans Audition publique, sur Public Sénat/LCP-AN. Le député d’Eure-et-Loir défend plutôt un report à 63 ans en 2027, préférant y aller « pas à pas ». Une mesure couplée « peut-être » avec une accélération de la réforme Touraine. « On est tout à fait en ligne avec ce que proposent les sénateurs », assure-t-il.

Mais ses troupes ne sont pas toutes sur la même ligne. Certains, plus constructifs avec Emmanuel Macron, sont pour les 65 ans, quand d’autres, emmenés par Aurélien Pradié, sont farouchement opposés à un report de l’âge légal, préférant uniquement jouer sur la durée de cotisation. Raphaël Schellenberger, député proche du député du Lot, évoque même le dépôt d’une motion de censure LR, en cas de 49.3. D’autres encore attendent de voir le texte du gouvernement pour se prononcer.

Eric Ciotti reste pour l’heure prudent

Et Eric Ciotti, fraîchement élu président des LR ? Celui qui ne freine jamais son expression sur les sujets régaliens, paraît ici bien plus prudent. Il reste pour l’heure sur une position de synthèse, donnant le choix entre « augmentation de la durée de cotisation ou de l’âge de départ » à 65 ans. Et de poser ses « conditions » pour voter le texte : « Réhabiliter les petites retraites au niveau du SMIC, prendre en compte la pénibilité, voir aussi ce qui se passe sur les régimes spéciaux ».

Alors que députés et sénateurs LR ont déjà pris des positions différentes sur certains textes, depuis le début du quinquennat, un nouveau désaccord passerait mal et affaiblirait les LR. S’il reste un peu de temps avant l’examen, les caciques de la droite cherchent à accorder leurs violons, du moins déjà à se parler. Hier matin, Eric Ciotti est venu voir Bruno Retailleau, trois jours après l’avoir emporté dans le congrès LR. Ils ont parlé retraites, notamment.

« Si nous donnons l’impression que nous reculons ou que nous rusons, nous perdrons en cohérence », met en garde Bruno Retailleau

Le président du groupe LR du Sénat entend défendre la nécessité d’une réforme. Quitte à voter le texte du gouvernement, s’il va dans le bon sens, à savoir à ses yeux celui du Sénat, évidemment. « Nous devons assumer d’être favorables à une vraie réforme des retraites. Si nous donnons l’impression que nous reculons ou que nous rusons, alors que nous en avons toujours soutenu la nécessité, nous perdrons en cohérence et en clarté auprès des Français qui partagent nos convictions. Ça n’est pas la meilleure façon de retrouver leur confiance », affirme à publicsena.fr Bruno Retailleau.

Lire aussi » Sondage : 67 % des Français rejettent le report à 65 ans de l’âge légal de départ à la retraite

Dans le même esprit, l’ancien président de l’UMP, Jean-François Copé, a jugé cette semaine sur Public Sénat « totalement irresponsable » si la droite ne votait pas le texte. Pour le maire LR de Meaux, « ne pas voter une réforme sur l’âge de la retraite à 65 ans, alors que nous défendons cette idée depuis toujours, nous discréditerait à jamais. […] Certains disent qu’ils vont déposer une motion de censure, c’est une folie ».

« La position du Sénat semble équilibrée pour Olivier Marleix »

Chez les sénateurs, on a bon espoir malgré tout que députés et sénateurs arrivent à s’entendre. Certains ont plutôt l’impression qu’Eric Ciotti n’est pas loin de la position du Sénat, ce qui faciliterait les choses. « Il va falloir quand même qu’on converge sur une ligne à peu près commune. D’après ce que je sais, et ce que disait Olivier Marleix quand il est venu à la soirée de fin d’année du groupe cette semaine, la position du Sénat lui semble équilibrée », confie Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales au Sénat. Si Olivier Marleix parle d’un report à 63 ans, le rythme, qui l’amène à 2027, serait le même que celui de l’amendement des sénateurs. Catherine Deroche ajoute :

Je pense qu’avec la majorité de nos collègues députés, on trouvera un terrain d’entente qui sera très proche de la position sénatoriale.

En cas de rejet, ce serait synonyme de « salto arrière », met en garde la sénatrice du Maine-et-Loire, qui rappelle que « notre famille politique a toujours défendu une position d’équilibre avec des mesures paramétriques ».

« Il peut y avoir autant de positions que de députés »

Si « ça flotte un peu » chez les députés, Catherine Deroche l’explique par le fait que « certains sont nouveaux et n’ont pas l’antériorité du travail sur ce texte ». La trêve des confiseurs pourrait être l’occasion de quelques devoirs de vacances. « Nous, nous n’avons pas 36 positions », lâche le sénateur LR Jérôme Bascher, « nous défendons notre position depuis des années, nous sommes cohérents ». « Il peut y avoir autant de positions que de députés, c’est sûr. C’est un sujet complexe » sourit René-Paul Savary, auteur de l’amendement LR voté chaque année. Il ajoute : « Nous, au Sénat, c’est clair ».

C’est surtout la ligne Pradié, qui interroge et passe mal. « Il propose de prévoir 45 ans de travail pour avoir une retraite à taux plein, sachant qu’on entre dans la vie active à 22 ans en moyenne, ça fait une retraite à 67 ans… En réalité, sa position est très brutale », juge un acteur qui connaît bien le dossier. Dans ce qu’il qualifie de « posture », un sénateur pense en réalité que « chacun raisonne un peu à la mesure de sa circonscription. Entre un député qui a le RN chez lui ou qui a battu la Nupes, on ne voit pas les mêmes personnes ».

« On partira sur une version mixte, que certains appellent la formule du Sénat »

La position qui sortira du chapeau du gouvernement, le 10 janvier, permettra à chacun de se positionner clairement. Un responsable de la majorité présidentielle confie qu’« on partira sur une version mixte, que certains appellent la formule du Sénat, et cela dès le départ de l’examen du texte à l’Assemblée ». Si dans ces conditions l’adoption par la Haute assemblée serait logique, il faudra attendre encore un peu pour voir comment les choses se décantent à l’Assemblée. Et si le gouvernement peut, ou non, se passer d’un nouveau 49.3.

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