Retraites : passe d’armes au Sénat entre sénateurs LR et PS autour de la réforme Touraine
Le rapporteur LR de la réforme des retraites au Sénat, René-Paul Savary, a pointé le rôle de la réforme votée sous François Hollande, qui a porté à 43 ans le nombre d’années de cotisations. « Dites-le dans les manifestations : « si vous travaillez plus longtemps, c’est à cause de nous » », a-t-il lancé à la gauche. La réforme permettait à ceux « qui commençaient à travailler avant 20 ans de partir à 62 ans », lui a rétorqué la socialiste Monique Lubin.

Retraites : passe d’armes au Sénat entre sénateurs LR et PS autour de la réforme Touraine

Le rapporteur LR de la réforme des retraites au Sénat, René-Paul Savary, a pointé le rôle de la réforme votée sous François Hollande, qui a porté à 43 ans le nombre d’années de cotisations. « Dites-le dans les manifestations : « si vous travaillez plus longtemps, c’est à cause de nous » », a-t-il lancé à la gauche. La réforme permettait à ceux « qui commençaient à travailler avant 20 ans de partir à 62 ans », lui a rétorqué la socialiste Monique Lubin.
François Vignal

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A chacun sa vérité. Après avoir adopté la création du CDI senior dans la matinée, les sénateurs continuent lundi après-midi à un rythme très mesuré l’examen de la réforme des retraites. Comme depuis le début de l’examen, la gauche se relaie au micro, cette fois pour défendre des amendements visant à trouver de nouvelles recettes, comme une surcotisation sur les hauts salaires, ou plus tard, sur une taxation des milliardaires.

C’est dans ce cadre qu’une passe d’armes a opposé René-Paul Savary, rapporteur LR du texte, à Monique Lubin, cheffe de file du groupe PS sur le texte, vite épaulée par ses collègues. Pour susciter cette réaction de groupe des sénateurs socialistes, le sénateur LR de la Marne a simplement rappelé, à sa manière, la réforme des retraites, dite réforme Touraine, votée sous le quinquennat Hollande, dont certains sénateurs PS présents dans l’hémicycle ont été des ministres.

René-Paul Savary appelle la gauche à « dire la vérité »

« Vous n’expliquez pas votre amendement, vous profitez de la tribune car vous savez qu’on nous regarde. Et effectivement, les gens nous regardent. Et il faut leur dire la vérité, aux gens. Ils ne prennent pas deux ans à cause de la réforme », commence René-Paul Savary. Du moins une partie d’entre eux. Le rapporteur souligne le rôle joué par « l’augmentation de la durée de cotisation à 43 ans ». « Qui a fait l’augmentation de la durée ? Ce n’est pas 43 ans plus 2 ans. Les gens ont déjà pris la plupart du temps le délai supplémentaire. Assumez-le. […] C’est facile de prendre des réformes qui concernent les suivants. Car la réforme Touraine commence seulement à s’appliquer. Dites-le dans les manifestations : "si vous travaillez plus longtemps, c’est à cause de nous, et pas forcément à cause d’eux"», lance le rapporteur à l’adresse des socialistes, en imaginant ce qu’ils pourraient dire (voir la vidéo). Rappelons que la réforme du gouvernement, inspirée de l’amendement défendu chaque année par René-Paul Savary, mêle report de l’âge à 64 ans et accélération de la mise en application de la réforme Touraine justement.

Pour René-Paul Savary, « dire la vérité », c’est parler de « la dégradation des comptes, avec une retraite plus faible pour les retraités, avec une baisse du pouvoir (d’achat) des retraités, relativement au salaire moyen. […] Dites-le que vous êtes favorables à une baisse du niveau de vie des retraités ».

« Qui en 1993 a placé le calcul sur les 25 meilleures années pour faire baisser le niveau des retraites ? » demande Monique Lubin

Piquée au vif, Monique Lubin prend aussitôt la parole. « Alors puisqu’on commence à se parler franchement. Vous étiez impatient. Alors on va revenir en arrière. Qui c’est qui a permis aux ouvriers de ce pays, qui jusqu’en 1981, commençaient à travailler à 14 ans et finissait à 65 ans, (de partir à 60 ans, avec François Mitterrand, ndlr) ? – Et ouais, ce n’est pas si vieux que ça. Et qui est revenu en arrière ? » demande la sénatrice PS des Landes (voir la vidéo), qui ajoute :

S’il n’y avait jamais eu de gauche au pouvoir, les ouvriers travailleraient toujours jusque 65 ans, c’est ça la réalité.

A l’inverse, « qui en 1993 a placé le calcul sur les 25 meilleures années pour faire baisser le niveau des retraites ? Qui en 2010 est passé de 60 à 62 ans ? Et malgré tout, il a fallu faire encore des réformes. La preuve que ces réformes étaient mauvaises pour les salariés et l’équilibre du régime de retraite », selon la socialiste.

« Oui, la réforme Touraine a mis à 43 ans le nombre d’années de cotisations », reconnaît Monique Lubin, « mais elle a continué à permettre à des gens qui commençaient à travailler avant 20 ans de partir à 62 ans. Et c’est à ça que vous allez toucher aujourd’hui ».

« Je n’ai comme socialiste ni regret, ni honte pour la loi Touraine, j’assume »

« Notre rapporteur est en général un homme pondéré, […] mais quelques fois, il y a des perles qui passent et on ne peut pas laisser faire », ajoute Victorin Lurel, sénateur PS de la Guadeloupe et ancien ministre des Outre-mer sous François Hollande. « Je n’ai comme socialiste ni regret, ni honte pour la loi Touraine, j’assume cela », lance-t-il, reprochant à la droite de vouloir « nous inculquer un complexe d’infériorité sur ça ». Il souligne au passage que la retraite minimale à 85 % du smic net aurait déjà dû être appliquée « depuis la réforme Fillon de 2003 ».

Jean-Marc Boyer, sénateur LR du Puy-de-Dôme, remet alors une pièce dans la machine. « Qu’a dit Madame Touraine il y a 10 ans ? Il faut l’allongement de la durée de cotisation. Sans réforme, le système de retraite va droit dans le mur. […] Il faut demander aux Français de travailler plus longtemps », rétorque le sénateur LR.

« Le contexte de 2013 n’est plus celui d’aujourd’hui »

« Le contexte de 2013 n’est plus celui d’aujourd’hui. Et tout ce que la gauche a permis d’obtenir, pourquoi vous n’en parlez pas ? » demande Corinne Féret, sénatrice PS du Calvados, pour le moins courroucée. Elle ajoute : « D’un point de vue social, je suis fière d’être de gauche et de tout ce que nous avons apporté ».

« René Paul Savary essaie de nous démontrer que seul compte l’effet Touraine. Je me demande alors pourquoi vous déplacez l’âge ? » demande l’écologiste Raymonde Poncet Monge, selon qui dans la réforme « l’effet du report de l’âge devient plus important que l’effet de la réforme Touraine ». Alors que la réforme Touraine touche notamment ceux qui ont fait des études longues, et donc commencé tard à travailler, la sénatrice EELV du Rhône remarque qu’« un cadre sur deux part à 63 ans. Ce cadre sur deux, vous allez l’obliger à rester ». Et de conclure : « La CFE-CGC (syndicat des cadres, ndlr) dit que c’est une loi liberticide. Je pense qu’elle pense à ces cadres sur deux qui devront, contre leur gré, rester au travail dans des organisations de travail souvent toxiques ».

« Ce n’est pas nous qui avons mis les Français dans la rue »

Une autre ancienne collègue de Marisol Touraine, l’ex-ministre des Familles et des Droits des femmes, la sénatrice PS Laurence Rossignol, vient à son tour porter la contre-attaque. « Dites la vérité aux Français. Dans cette affaire, ce n’est pas nous qui avons mis les Français dans la rue. […] Ce sont les organisations syndicales, le front uni », qui dénoncent unanimement la réforme. Et d’ajouter : « En 2010, vous avez été très fiers de reculer l’âge de deux ans. Mais en 2012, vous avez vu ce qu’il vous est arrivé ? Sarkozy, battu ! Les Français se sont souvenus de ce que vous avez fait ». Quant à François Hollande, on ne saura jamais si les Français lui auraient réservé le même sort pour la réforme Touraine, puisqu’il avait renoncé à se représenter, avant qu’un certain Emmanuel Macron ne lui succède.

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