Retraites : quand la droite sénatoriale adoptait une proposition de loi pour réquisitionner les grévistes
A l’hiver 2019- 2020, la réforme des retraites voulue par le gouvernement Philippe s’était, elle aussi, heurtée à un large mouvement social. La majorité LR du Sénat avait alors adopté un texte permettant de réquisitionner des grévistes dans le secteur des transports pour assurer un niveau minimum de service, ou encore faciliter le remboursement des usagers.

Retraites : quand la droite sénatoriale adoptait une proposition de loi pour réquisitionner les grévistes

A l’hiver 2019- 2020, la réforme des retraites voulue par le gouvernement Philippe s’était, elle aussi, heurtée à un large mouvement social. La majorité LR du Sénat avait alors adopté un texte permettant de réquisitionner des grévistes dans le secteur des transports pour assurer un niveau minimum de service, ou encore faciliter le remboursement des usagers.
Simon Barbarit

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Trafic fortement perturbé à la RATP et à la SNCF, 20 % des vols annulés à l’aéroport d’Orly… En ce jour de mobilisation contre la réforme des retraites, les Français vont vivre « un jeudi de galère », a résumé le ministre des Transports, Clément Beaune.

« Il y a un autre droit constitutionnellement garanti, c’est la continuité des services publics »

Face à ce mouvement social massivement suivi et qui pourrait durer, Bruno Retailleau, le président du groupe LR du Sénat a rappelé à notre bon souvenir un texte qu’il avait fait adopter en février 2020. « Je vous rappelle que j’ai fait voter au Sénat un texte pour garantir un vrai service minimum. Il est assez simple. Il s’agit pour les entreprises publiques de transports, ferroviaire, aérien ou maritime de garantir deux heures le matin, deux heures le soir, soit un tiers du trafic », a rappelé à Public Sénat Bruno Retailleau cette semaine. Il a également souligné que si le droit de manifester est un droit constitutionnel, « il y a également un autre droit constitutionnellement garanti, c’est la continuité des services publics ».

En ce début d’année 2020, le gouvernement d’Edouard Philippe est affaibli de plusieurs semaines de mobilisation contre sa réforme des retraites par points. Pendant ce temps, à la Haute assemblée, l’examen de la proposition de loi du chef de la droite, « tendant à assurer l’effectivité du droit au transport » enjambe les 6 semaines de grève à la SNCF et à la RATP. Déposée le 2 décembre, quelques jours avant le début du conflit social, elle est adoptée en séance le 4 février, sans opposition de principe de la part du gouvernement.

Son examen est l’occasion d’une véritable bataille rangée dans l’hémicycle, entre la majorité de droite et du centre, et la gauche. Certains affirment que le clivage gauche droite en est « revivifié ». Contre ce qu’ils qualifient d’une « remise en cause » du droit de grève, les groupes socialiste et communiste multiplient les tentatives pour faire tomber les neuf articles de la proposition de loi, dont l’article 3 qui prévoit la possibilité de réquisitionner des grévistes afin d’assurer un « niveau minimal de service dans les transports publics ».

Le texte vise à attribuer aux autorités organisatrices de transport, la responsabilité de définir le niveau minimal de service permettant de couvrir les besoins essentiels de la population. Après un délai de carence de trois jours, il revient alors aux collectivités, la possibilité de demander aux entreprises de transport de réquisitionner les personnels pour parvenir à l’offre minimale fixée.

« Est-ce la réponse de la majorité sénatoriale au rejet massif de la réforme des retraites ? »

Le débat s’était alors tendu sur la mise en œuvre concrète de cette réquisition. Prérogative de l’État et des préfets, elle incomberait aux entreprises de transports. « A des entreprises privées car elles sont nombreuses dans les transports […] ça vise à privatiser le droit de réquisition, c’est une dérive grave », s’était exclamée la sénatrice socialiste Laurence Rossignol.

« Est-ce la réponse de la majorité sénatoriale au rejet massif de la réforme des retraites ? Face à une situation de tensions majeures, votre groupe s’attaque aux grévistes pour les contraindre à rentrer dans le rang », avait brocardé Éliane Assassi, la présidente du groupe communiste. A droite, Pascale Gruny avait rappelé que le préambule de la Constitution de 1946, dispose que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». « Le législateur est compétent pour définir les limites », avait-elle argumenté.

Remboursement des usagers

La proposition de loi contient également des dispositions pour limiter ce qu’elle considère être « des abus du droit de grève » ou des « grèves surprises ». Elle prévoit notamment de rendre caducs au bout de 5 jours, les préavis de grève s’ils ne sont suivis par aucun salarié. Elle impose aussi aux salariés grévistes d’exercer leur droit pendant toute la durée de leur service, afin d’éviter le phénomène de « microgrèves » pénalisant les services de transport, selon la droite.

Enfin le texte prévoit plusieurs modalités pour faciliter le remboursement des usagers pénalisés par la grève, comme le remboursement automatique dans les 7 jours pour les usagers qui ont pris leur billet par voie dématérialisée.

Dans l’hémicycle, le ministre des Transports de l’époque, Jean-Baptiste Djebbari s’était montré prudent sur l’opportunité de ces mesures s’en remettant à la « sagesse » du Sénat. Il avait estimé le risque de censure par le Conseil constitutionnel « réel » tout en reconnaissant que le débat était « légitime ». « L’épisode de ces derniers mois a mis en lumière les limites de notre cadre actuel » (….) Le gouvernement, sur la base de ce qu’il est possible de faire en droit, se déterminera et reviendra devant vous », avait-il promis. Le texte tombera finalement aux oubliettes et ne sera pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Quelques semaines plus tard, l’épidémie de covid 19 sonnera la fin de la réforme des retraites, pour ce quinquennat au moins.

 

 

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