Le Premier ministre qui prend un risque, une majorité secouée, gauche et syndicats qui ne désarment pas: le recours au 49-3 pour faire adopter...
Retraites: secousses à tous les étages, avant les motions de censure
Le Premier ministre qui prend un risque, une majorité secouée, gauche et syndicats qui ne désarment pas: le recours au 49-3 pour faire adopter...
Par Adrien DE CALAN
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Le Premier ministre qui prend un risque, une majorité secouée, gauche et syndicats qui ne désarment pas: le recours au 49-3 pour faire adopter la réforme des retraites provoque des répliques, avant l'examen de deux motions de censure mardi.
. Edouard Philippe au front
Mardi, après la séance des questions au gouvernement, Edouard Philippe fera face aux deux motions de censure de la droite (LR) et de la gauche (PS, LFI et communistes), déposées samedi aussitôt après l'annonce du 49-3. Ce long débat, avec deux votes distincts, devrait s'achever vers minuit.
Le rejet des deux motions ne fait aucun doute, tant la majorité est large au Palais Bourbon (345 députés LREM et leurs alliés sur 577). Le projet de loi sera alors considéré comme adopté.
Mais le Premier ministre connaît pertinemment le coût politique du recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, qu'il a lui-même combattu quand il était député d'opposition face au gouvernement de Manuel Valls sous le précédent quinquennat. Sa décision intervient alors qu'il est en pleine campagne municipale au Havre, où sa permanence a été taguée et caillassée samedi soir.
Il était encore réticent au 49-3 il y a une quinzaine de jours. "C'est normal qu'il n'en ait pas envie, c'est lui que ça expose et qui prend le coup", soulignait un député LREM.
M. Philippe s'expose aussi à nouveau à la mobilisation sociale: les organisations syndicales opposées à la réforme - CGT, FO, la CFE-CGC, FSU et Solidaires... - appellent à des manifestations mardi pour dénoncer un "passage en force" en pleine crise de coronavirus. Lundi soir, plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes de France dont Paris et Marseille, ont constaté des journalistes de l'AFP.
. La majorité bousculée
"Le débat tournait en rond", "ça n'avait aucun sens": les cadres du groupe LREM se sont succédé devant les micros pour défendre l'utilisation du 49-3 face à "l'obstruction" de la gauche de la gauche.
Mais les quelques "marcheurs" de l'aile gauche, qui avaient déjà fait part de leur hostilité à cette arme de la Constitution, n'ont pas changé d'avis... C'est "toujours une forme d'échec et aucun parlementaire ne peut s'en satisfaire", a tweeté Aurélien Taché.
"Aucune surprise en effet mais quelle déconvenue !", a également réagi Martine Wonner, qui veut que "le gouvernement travaille différemment, et s'appuie sur les parlementaires" pour "cet acte 2 du quinquennat".
Explication du mécanisme du 49-3 et de la motion de censure qui permet au gouvernement d'adopter un projet de loi sans vote
AFP
Le sénateur Michel Amiel a annoncé qu'il quittait LREM après cette décision, "une profonde déception".
Pour rassurer les troupes, le gouvernement et le chef de file des députés LREM Gilles le Gendre répètent qu'ont été intégrés des amendements de la majorité comme de l'opposition, ou issus des négociations avec les partenaires sociaux. Ceci sur de nombreux thèmes: avocats, droits familiaux, pensions de réversion pour les divorcés, et suppression d'un article sensible qui était vu comme une incitation au développement de la capitalisation.
. Droite et gauche: des stratégies différentes
Chez les Insoumis, Jean-Luc Mélenchon s'appuie sur la séquence pour appeler à de nouvelles "mobilisations populaires", dès mardi et sans violence qui, selon lui, "ne sert que le régime". François Ruffin considère lui que les motions, c'est "du bidon": il réclame "une dissolution de l'Assemblée nationale".
Olivier Faure (PS) appelle à un vote sanction aux municipales face à un gouvernement ignorant "les syndicats, le Conseil d'État, la rue, les parlementaires". Le recours au 49-3 "crée une frustration, une colère de plus", a jugé François Hollande sur RTL.
Manifestation contre l'usage du 49-3 pour adopter sans vote à l'Assemblée la réforme des retraites, le 2 mars 2020 à Marseille
AFP
De son côté, la droite veut faire de sa motion de censure "une motion de propositions", plus que "d'obstruction", insiste le chef de file des députés LR Damien Abad. Le RN votera lui toutes les motions de censure, d'où qu'elles viennent, critiquant la "brutalité du gouvernement".
Les oppositions n'ont pas dit leur dernier mot: l'Assemblée nationale va examiner, à partir de mercredi après-midi le second volet de la réforme, le projet de loi organique, objet de 1.800 amendements. Avec un nouveau week-end ouvré les 7 et 8 mars.
Les deux volets partiront ensuite au Sénat, à majorité de droite. Alors que le gouvernement prévoit un examen fin avril, le président du Sénat Gérard Larcher réclame de décaler les séances à "début mai", à l'issue de "la conférence de financement" entre partenaires sociaux. Lundi, Force Ouvrière a claqué la porte de cette instance chargée de trouver des solutions pour équilibrer le système de retraites.
Le Sénat devrait, sans surprise, retoquer la suspension de la réforme des retraites, comme promis par la majorité de la droite et du centre. « On ne peut pas rejeter sur les futures générations tout le fardeau », justifie Bruno Retailleau.
Comme annoncé, le Sénat a rétabli en séance publique le gel des pensions et des prestations sociales prévue dans la version initiale du projet de loi de la Sécurité sociale, avant d’être supprimé à l’Assemblée nationale, au grand dam de la gauche. Les sénateurs ont, toutefois, assoupli ce gel en préservant les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et les pensions de retraite inférieures à 1 400 euros brut.
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