La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Retraites : si la réforme passe via le budget de la Sécu, « ce n’est pas un passage en force, c’est un débat au Parlement », selon Olivier Véran
Par François Vignal
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Malgré un lancement en demi-teinte, du fait du refus des oppositions d’y participer, le Conseil national de la refondation (CNR) continue son bout de chemin. La première ministre Elisabeth Borne a rassemblé l’ensemble du gouvernement ce jeudi matin pour faire le point. Voulu par Emmanuel Macron, ce CNR vise à « construire ensemble dans l’action, au plus près des territoires, pour changer concrètement la vie des Français », a rappelé à la sortie le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, également ministre délégué chargé du Renouveau démocratique.
Suite à la réunion d’ouverture la semaine dernière, deux thèmes, « issus d’intervention » des participants, s’ajoutent au plein-emploi, à l’école et la santé. Il s’agit du « logement et de la jeunesse ». Comme on le sait, des CNR locaux vont bientôt prendre le relais des débats lancés à Marcoussis. Ces « CNR territoriaux commenceront dès le mois d’octobre », précise le ministre. Les Français auront alors leur mot à dire et pourront proposer « des idées » sur l’école ou la santé.
Grand écart
A minima, l’ambition du CNR sera de « partager des diagnostics sur la situation du pays », rappelle le porte-parole, comme sur « la transition démographique, au moment où la population vieillit ». Donc le CNR va logiquement aborder le sujet des retraites, pour lequel une discussion dépassionnée serait utile ? Et bien non. « La question des retraites est mise à part du CNR », affirme Olivier Véran. « Le CNR n’est pas l’alpha et oméga de toute la politique menée dans notre Nation. Le président a été élu sur un programme clair, à l’occasion de la présidentielle et des législatives. Et il a toujours été question que les réformes prioritaires et urgentes pour le pays puissent évoluer, avancer, hors du cadre du CNR », soutient le porte-parole.
On voit ici le gouvernement se retrouver à faire le grand écart. Il défend la concertation, la recherche du compromis et justifie la création d’une nouvelle instance pour donner un cadre à ce dialogue. Mais un sujet aussi épineux que les retraites est bien trop important pour faire l’objet d’une discussion au sein du CNR… On voudrait décrédibiliser le CNR et donner raison à l’opposition qui y voit « un machin supplémentaire », on ne s’y prendrait pas autrement.
« Aucune décision n’est prise à l’heure où je vous parle »
Mais promis, depuis qu’Emmanuel Macron a décidé de remettre le couvert sur la réforme des retraites, qu’il entend voir mise en œuvre dès l’été 2023, il n’y aura pas de volonté d’avancer coûte que coûte. L’éventualité d’une mesure d’âge prise dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), cet automne, mettrait pourtant le feu aux poudres chez les syndicats.
« Il n’y a pas de passage en force et aucune décision n’est prise à l’heure où je vous parle. Et s’il y avait un projet de réforme des retraites qui était présenté, soit dans un texte ad hoc, ou dans le cadre d’un projet de budget de la Sécurité sociale, ce qui a déjà été le cas dans l’histoire récente, ça ne s’appelle pas un passage en force, ça s’appelle un débat au Parlement. Et ça s’appelle une concertation avec les représentants du patronat, des syndicats et les Français », soutient Olivier Véran. L’opposition, qui reproche à l’exécutif de vouloir contourner le Parlement avec le CNR, ne pourrait qu’applaudir cette priorité donnée au débat parlementaire. Reste que le débat en question serait de fait limité, si le gouvernement retenait l’option d’un amendement ou d’un article noyé parmi des dizaines d’autres au sein du PLFSS.
La réforme des retraites « se discute avec les partenaires sociaux, avec les partenaires politiques » disait Emmanuel Macron dans l’entre-deux tours.
Les retraites sorties du CNR, il y en a un qui ne semble pas apprécier. C’est François Bayrou, secrétaire général du Conseil national de la refondation. Il « s’est farouchement opposé », selon la newsletter Politico, à l’option amendement à la sauvette.
Ce choix serait par ailleurs en contradiction avec l’engagement d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Il avait promis « de lancer une concertation de manière apaisée » sur les retraites. « Ça se discute, avec les partenaires sociaux, avec les partenaires politiques. Moi, je ne veux pas diviser le pays », avait-il encore assuré durant l’entre-deux tours. S’ils sont mis devant le fait accompli, les syndicats, dont les élections sont prévues le 8 décembre dans la fonction publique, devraient donner du fil à retordre à Emmanuel Macron. L’avenir dira s’il devra à nouveau… battre en retraite.