Retraites: trois scénarios, jusqu’au 49-3, pour sortir de l’ornière à l’Assemblée
Débats enlisés, astuces de procédure usées à plein par les oppositions: après une semaine d'échanges à l'Assemblée sur les retraites, exécutif...
Par Anne Pascale REBOUL
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Débats enlisés, astuces de procédure usées à plein par les oppositions: après une semaine d'échanges à l'Assemblée sur les retraites, exécutif et majorité sont face à un choix cornélien pour faire aboutir la réforme, "l'arme atomique" du 49-3 étant dans toutes les têtes.
Scénario "A" comme allonger
Au cinquième jour, les députés en étaient toujours dans la matinée au tout début de...l'article 1er du projet de loi, au rythme d'une vingtaine d'amendements à l'heure au mieux. Trois semaines d'échanges dans l'hémicycle sont déjà programmées, jusqu'au 6 mars, avec un premier week-end siégé. Une journée, c'est "1.500.000 euros d'argent public", a évalué le "marcheur" Florian Bachelier. Jusqu'où aller? Une pause parlementaire de quinze jours est prévue à compter du 9 mars à l'occasion des élections municipales. Il est déjà envisagé d'empiéter sur cette pause, qui est pourtant un "usage républicain".
Mais de nombreux élus pensent que ce ne sera pas suffisant pour écluser les 41.000 amendements au menu. "On verra si ça vaut le coup de rajouter un peu (de temps) y compris après les municipales", envisage un responsable LREM. Des communistes et insoumis ont eux réclamé une suspension jusqu'aux municipales pour éviter un "travail bâclé".
Le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, à l'Assemblée nationale à Paris le 19 février 2020
AFP/Archives
Il n'est pas concevable de trop étendre le calendrier car le texte doit passer au Sénat en avril-mai en première lecture, puis faire une ultime navette afin d'être adopté définitivement "d'ici l'été" comme prévu. Des travaux débuteront en juillet sur la verrière de l'hémicycle du Palais Bourbon: séances alors impossibles.
Scénario "B" comme brider
Le président de l'Assemblée Richard Ferrand (LREM) a déjà serré les boulons, en prévoyant un seul orateur sur les amendements identiques des groupes politiques, et en limitant les rappels au règlement notamment. Il étrenne les nouvelles règles internes de 2019 pour accélérer les discussions, mais dans les limites fixées par le Conseil constitutionnel qui exige une "sincérité du débat".
Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, le 4 février 2020
AFP/Archives
En face, les oppositions utilisent toute la palette pour freiner. Outre le maintien d'une ambiance chahutée, la gauche de la gauche fait des demandes de scrutins au pupitre et non à main levée, demandes de quorum (présence suffisante des députés)... voire demandes de vote pour obtenir des suspensions de séance supplémentaires. Et les députés LFI et PCF se sont engouffrés dans une nouvelle brèche, commençant à sous-amender les amendements aux premiers articles du projet de loi. Jean-René Cazeneuve (LREM) s'insurge: "Quand vous faites le calcul, c'est 20 ans de notre Parlement matin, midi et soir" qui vont être occupés...
Face à cette obstruction assumée, le titulaire du perchoir pourrait être encore plus strict sur les temps de parole. Autre outil aux mains du gouvernement: le vote bloqué sur un article ou une partie du texte, qui lui permet de ne retenir que certains amendements... mais n'empêche pas le débat sur les autres amendements. Une source parlementaire résume: "les cadenas sont limités".
Scénario "C" comme couper court
Reste l'arme du 49-3, cet article de la Constitution permettant au gouvernement d'engager sa responsabilité devant l'Assemblée nationale sur un texte de loi. Celui-ci est alors considéré comme adopté, sauf si une motion de censure est votée par l'Assemblée - cas hautement improbable.
Le Premier ministre Edouard Philippe n'était "pas à l'aise avec le 49-3" - habituellement utilisé en cas de problème de majorité - mais "les lignes ont un petit peu bougé" au vu du quasi-blocage dans l'hémicycle, selon une source gouvernementale. Plusieurs ministres ont déjà dit préférer "aller au bout de ce qui est possible du débat parlementaire", sans exclure cet instrument - qualifié de "LBD parlementaire" par LFI. Côté majorité, on accuse la gauche de la gauche de le rechercher.
Une poignée de députés LREM de l'aile gauche ne "veulent pas de 49-3", d'autres grincent des dents car il faudra assumer devant les Français de ne pas avoir voté. Les alliés MoDem espèrent un "ressaisissement" des oppositions pour éviter un "49-3 à l'envers", contraint par l'obstruction. Mais y a-t-il le choix face au "chaos?", demande le patron du groupe LREM Gilles Le Gendre. Selon des sources parlementaires, l'article 49-3 pourrait être brandi dès le début de la semaine prochaine.
Après avoir reçu ce matin les présidents des Assemblées, Yaël Braun Pivet et Gérard Larcher, le premier ministre réunit à 15 heures les autres formations consultées en vue de la « formation rapide » d’un gouvernement. Mais la prudence est de mise. Alors qu’Emmanuel Macron a refusé une première ébauche, cette fois, ce sera « à prendre ou à laisser », soutient-on chez les LR.
Ce jeudi, Jean-Noël Barrot, ministre délégué démissionnaire chargé de l’Europe et vice-président du MoDem était l’invité de la matinale de Public Sénat. Il a notamment évoqué les rumeurs d’une augmentation des impôts dans le projet de loi de finances pour 2025, ainsi que de la non-transmission de documents budgétaires par le gouvernement au Parlement.
La composition du gouvernement de Michel Barnier se fait attendre et la question d’une éventuelle hausse d’impôt, comme le casting, cristallisent les tensions. Le premier ministre a annulé au dernier moment une rencontre avec Gabriel Attal. Au sein de Renaissance, on met en garde Michel Barnier sur la tentation d’une politique trop éloignée du bloc central.
Michel Barnier juge la situation budgétaire « très grave » et demande « les éléments pour en apprécier l’exacte réalité », déclare le premier ministre. Quelques minutes avant, Matignon annonçait qu’une réunion avec Gabriel Attal était « décalée ». La cause officieuse : Gabriel Attal aurait imposé « une délégation de huit personnes », dont Elisabeth Borne et Gérald Darmanin, alors que la « règle » est de venir à trois maximum. « Sur les modalités, ils nous ont mis un peu devant le fait accompli », grince l’entourage de Michel Barnier