Sénateur et président de la commission des lois, Philippe Bas met en garde contre la révision constitutionnelle voulue par l’exécutif. « Nous ne sommes pas dans un nouveau système qui aurait mis à bas l’ancien système », prévient-il, conscient que l’exécutif pourrait être tenté d’enfermer le Sénat dans l’image d’une assemblée conservatrice. Les négociations entre le Sénat et le gouvernement autour de la révision constitutionnelle sont particulièrement rudes. Le président de la Haute assemblée refuse notamment de transiger sur la limitation des mandats dans le temps et le président de la République paraît tout aussi inflexible (lire notre article).
« Nous sommes dans les institutions de la Ve République hystérisées : un président tout-puissant, un gouvernement qui lui est subordonné et une assemblée nationale déférente »
« Nous sommes dans les institutions de la Ve République hystérisées : un président tout-puissant, un gouvernement qui lui est subordonné et une assemblée nationale déférente », fulmine Philippe Bas qui affirme que le « seul lieu qui ne relève pas des pouvoirs alignés, c’est le Sénat où on peut encore débattre démocratiquement avec un effet sur les lois ». La vague LREM aux élections législatives a effectivement offert une confortable majorité à l’exécutif et les dernières élections sénatoriales n’ont pas ébranlé le Sénat qui est resté majoritairement à droite.
« Mon idéal, c’est celui d’un Parlement qui prend le temps de la qualité de la loi, de la qualité de la délibération »
« Si l’idéal du président de la République, c’est moins de députés et de sénateurs pour légiférer plus vite parce que c’est toujours du temps perdu que de passer devant le Parlement, alors je ne partage pas cet idéal », tonne le président de la commission des lois. La révision constitutionnelle comporte en effet un volet sur l’accélération des travaux parlementaires. Une philosophie bien éloignée de celle de Philippe Bas : « Mon idéal, c’est celui d’un Parlement qui prend le temps de la qualité de la loi, de la qualité de la délibération », défend le sénateur.
« Le pays se réveillerait un jour sans contre-pouvoir, sans corps intermédiaires, sans lieux de débats démocratiques, comme si une fois que le président de la République avait décidé, tout était fait »
« Nous sommes en train de prendre un mauvais chemin », avertit Philippe Bas. « Je ne pense pas tout de même que le pouvoir exécutif veut essayer de mener le Parlement en quelque sorte à la schlague : révision constitutionnelle à la schlague, révision de la procédure parlementaire pour que la loi soit votée plus vite, qu’on n’ait plus à discuter », s’emporte-t-il tout en estimant que « ceci n’est pas démocratique ». « Le pays se réveillerait un jour sans contre-pouvoir, sans corps intermédiaires, sans lieux de débats démocratiques, comme si une fois que le président de la République avait décidé, tout était fait », s’inquiète Philippe Bas.
Les présidents des groupes parlementaires seront reçus à partir de mardi à Matignon, le Premier ministre leur présentera les mesures retenues par l’exécutif en vue de la révision constitutionnelle. Une étape qui donnera le ton des négociations à venir.