L’impact de l’épidémie de covid-19 a entraîné un « déficit abyssal » des finances de l’Etat, passant de 93 milliards en 2020, à 178 milliards en 2021, soit 9,2 % du PIB.
Présenté mercredi en Conseil des ministres, le programme de stabilité (un document qui détaille la trajectoire des finances publiques à moyen terme transmis par chaque Etat membre à la Commission européenne), fixe un retour à un déficit autour de 3 % à l’horizon 2027. « Non pas par fétichisme, ou par pure référence à un indicateur communautaire […] mais parce que nous savons que lorsque les déficits publics atteignent plus de 3 %, c’est le point d’inflexion qui permet de limiter le poids de la dette par rapport au PIB ».
Pour rappel, la règle imposant aux déficits publics de la zone euro de ne pas dépasser 3 % du PIB a été suspendue en mars 2020, suite à l’épidémie de covid-19.
Le retour progressif à cet objectif a interpellé la sénatrice membre de Géneration(s), Sophie Taillé-Polian qui a rappelé un article du quotidien Le Monde selon lequel, la France compterait profiter de la prochaine présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022, pour plaider l’abandon de la règle des 3 %.
« La France ne considère pas ce débat sur les indicateurs comme prioritaire […] (Mais), nous considérons qu’un certain nombre de critères gagneront à être revus » a prudemment répondu le ministre qui renvoie ce débat à la fin de l’année, après les propositions de la Commission européenne sur le sujet.
Afin de revenir dans les clous de la règle budgétaire européenne, le ministre en charge des Comptes publics explique que la dépense publique devra être limitée à 0,7 % par an. « Un effort important non pas pour diminuer la dépense publique mais faire en sorte qu’elle augmente moins vite que la croissance et l’inflation », a-t-il prévenu tout en soulignant que cet effort ne concernerait pas les « dépenses d’urgence ». Parmi les hypothèses retenues par le gouvernement pour atteindre cette trajectoire, certaines sont d’ordre politique comme l’absence d’augmentation des prélèvements obligatoires, d’autres sont conventionnelles comme une croissance de 5 % en 2021, 4 % en 2022 et un retour des taux d’intérêt positif.
Pour sa part, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé mercredi « optimiste », l’hypothèse « selon laquelle la croissance potentielle reviendrait à son niveau d’avant-crise à partir de 2023 ».
Ou pensez-vous pouvoir trouver ces économies ?
Des doutes que les sénateurs ont également exprimés. « Vous prévoyez un redressement rapide des finances publiques […] Ou pensez-vous pouvoir trouver ces économies ? » l’a interrogé le rapporteur général du budget, le sénateur LR, Jean-François Husson en évoquant, les promesses d’une réforme des retraites et la suppression de 50 000 emplois publics « restées lettre morte » lors de ce quinquennat.
« Nous travaillons actuellement sur une réorganisation et la rénovation du plan des achats de l’Etat […] réforme beaucoup plus discrète que la réforme des retraites qui est régulièrement évoquée, mais qui génère aussi des économies de l’ordre de 800 millions à 1 milliard d’euros », a répondu le ministre.
Le pacte de stabilité muet sur la dette climatique
Jean-François Husson mais aussi Sophie Taillé-Polian s’inquiètent de ce programme de stabilité qui conduirait la France à dépasser « nos objectifs d’émission de gaz à effet de serre de l’ordre de 28 millions de tonnes de CO2 d’ici à 2030 ». « Pour résorber un tel écart, il faudrait augmenter les investissements verts de l’ordre de 12 milliards d’euros par an […] Une dette climatique sur laquelle le pacte de stabilité est tout à fait muet », s’est ému le rapporteur général.
Les sénateurs de gauche craignent eux le retour d’une politique d’austérité dans ce programme de stabilité. « Est-ce que vous ne pensez pas que vous êtes en train de louper un moment politique pour engager d’autres perspectives et une vraie relance ? » l’a interrogé le sénateur PS de Paris, Rémi Féraud.