Le sénateur communiste Ian Brossat a pris la parole ce mercredi après-midi à l’occasion de la séance de questions d’actualité au gouvernement, pour dénoncer « le marchandage d’arrière-cuisine » qui aurait permis de valider, sur le fil, la candidature de Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel. Quelques heures plus tôt, l’ancien président de l’Assemblée nationale, dont le nom a été proposé par Emmanuel Macron pour piloter la plus haute autorité juridique française, s’en est tiré à une voix près, à l’issue d’un vote commun des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Il a ainsi échappé de justesse au seuil des 3/5e de votes négatifs, au-delà desquels sa candidature aurait été rejetée, quand bien même une large majorité de parlementaires s’est prononcée contre cette nomination avec 58 voix contre et seulement 39 pour sur 116 votants.
« Il n’échappe au couperet des 3/5e que grâce à l’abstention bienveillante et complice des députés du Rassemblement national », a pointé Ian Brossat. En effet, le parti à la flamme tricolore, après avoir critiqué la désignation de Richard Ferrand, un très proche d’Emmanuel Macron, a finalement annoncé l’abstention de ses 16 députés siégeant au sein de la commission des lois à l’Assemblée nationale.
« Quel est donc le deal caché, l’accord de couloir, le marchandage d’arrière-cuisine qui s’est noué pour aboutir à cette abstention de l’extrême droite ? », a interpellé Ian Brossat à l’intention du gouvernement. « La question se pose avec d’autant plus d’acuité qu’une des premières audiences que Richard Ferrand pourrait présider, porte sur une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité d’un élu. Et il se trouve, comme par hasard, que c’est l’un des enjeux du procès pénal de Madame Le Pen. »
Une question prioritaire de constitutionnalité
Les Sages de la rue Montpensier doivent se prononcer le 3 avril sur la situation d’un élu local de Mayotte, conseiller municipal de Dembéni condamné à une peine d’inéligibilité, assortie « d’une exécution provisoire ». Ce dernier a porté sa situation devant le Conseil constitutionnel, via une question prioritaire de constitutionnalité, après avoir été déclaré démissionnaire d’office par la préfecture.
Or, la décision des Sages pourrait faire jurisprudence dans un autre dossier, qui concerne cette fois Marine Le Pen. En effet, dans l’affaire des assistants parlementaires européens, l’accusation a requis contre la cheffe de file des députés RN cinq d’années d’inéligibilité, assortis d’une « exécution provisoire », ce qui l’empêcherait de se présenter à la prochaine élection présidentielle.
Ian Brossat laisse donc entendre que l’abstention des élus RN, qui a facilité la validation de la candidature de Richard Ferrand, viserait à obtenir sur le dossier mahorais une décision qui entraînerait des conséquences favorables sur la situation judiciaire de leur présidente. En clair : lui éviter une inéligibilité. « Ne pensez-vous pas précisément, au vu des conditions chaotiques de la nomination de Richard Ferrand, qu’il serait sage que le Président de la République procède à une autre nomination au-dessus de tout soupçon pour présider le Conseil constitutionnel ? », a encore interpellé le sénateur de Paris.
Pour lui répondre, Patrick Mignola, le ministre des Relations avec le Parlement, s’est contenté de rappeler la règle de désignation des membres du Conseil constitutionnel : « Les candidatures sont validées si, et seulement si, il n’existe pas une majorité de 3/5e des votants pour la rejeter. Et je crois que le respect de la règle doit s’appliquer à tous ». Le ministre, en revanche, n’a pas voulu donner suite aux sous-entendus du communiste sur l’hypothèse d’un accord caché avec le RN.