Robert Badinter : « Nous continuerons de porter le combat contre la peine de mort jusqu’à l’abolition universelle », affirme Emmanuel Macron

Un peu moins de deux ans après sa disparition, et le jour du 44e anniversaire de l’abolition de la peine de mort, Robert Badinter fait son entrée au Panthéon ce jeudi 9 octobre. Un ultime hommage de la République à l’ancien ministre de la Justice de François Mitterrand.
Aglaée Marchand

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La foule s’est massée le long de la rue Soufflot pour assister à la panthéonisation de cette figure incontournable de la justice française. 44 ans après l’abolition de la capitale, Robert Badinter reposera aux côtés de Condorcet, grand représentant du mouvement des Lumières, dont l’ancien garde des Sceaux s’était fait l’héritier. Ce fervent humaniste est également à l’origine de la dépénalisation de l’homosexualité et de la suppression des tribunaux d’exception. Dans son hommage, Emmanuel Macron salue la « voix » protectrice « des idéaux de la France et de la République ».

Une cérémonie, en musique, riche en histoire

Le président de la République fait son arrivée sur les coups de 18 heures 50. Sébastien Lecornu, Premier ministre démissionnaire, et le chef d’État-major, lui emboîtent le pas pour passer en revue les troupes de la Garde républicaine. Le discours de Victor Hugo en 1848, prononcé par l’acteur Guillaume Gallienne, inaugure la cérémonie. Sur la place Edmond Rostand, les notes du « Sonate au Clair de lune » de Beethoven résonnent. « Renversez l’échafaud. Je vote l’abolition pure, simple, et définitive de la peine de mort ». Recouvert d’un drapeau tricolore, le cercueil de Robert Badinter, qui comporte sa robe d’avocat, remonte la rue Soufflot, surplombée par une photographie de l’ancien ministre.

Sous une arche ornée du mot « mémoire », inscrit en lettres capitales dorées, Sandrine Bonnaire lit la déclaration de Badinter lors du procès contre le négationniste Robert Faurisson de 2007. Tout au long du cortège, les comédiens Philippe Torreton, Éric Ruf et Marina Hands retracent la vie de l’ex garde des Sceaux : sa jeunesse marquée par l’antisémitisme et la mort en déportation de son père, son engagement pour la République, et enfin, l’abolition de la peine capitale.

Arrivé aux pieds du Panthéon, le cercueil est déposé en face de l’édifice aux couleurs de la République française. Temps fort de la cérémonie, Julien Clerc interprète une reprise de « L’assassin assassiné », chanson écrite en 1980 après que le chanteur a assisté au procès du meurtrier récidiviste Norbert Garceau, auquel Robert Badinter, alors avocat, parvient à éviter la guillotine. S’ensuit la diffusion de son célèbre discours à l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981 : « Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue ». Avant que des auditeurs de justice à l’École nationale de la magistrature ne rendent hommage à son « héritage ».

Le cercueil entre alors dans le monument aux grands hommes, sous les applaudissements des personnes présentes. Au premier rang : sa femme, Élisabeth, et deux de ses enfants, Judith et Simon.

Macron rend hommage à « l’homme inséparable de l’idéal républicain »

« Robert Badinter entre au Panthéon avec les Lumières et l’esprit de 1789, […] avec les principes de l’État de droit, une certaine idée de l’homme inséparable de l’idéal républicain », déclare Emmanuel Macron. « Nous entendons sa voix qui plaide les grands combats universels et inachevés : l’abolition universelle de la peine de mort, l’antisémitisme, la défense de l’État de droit ». Le président de la République retrace la « lutte contre le négationnisme », dont Robert Badinter « n’ignore rien », rappelant l’arrestation et la déportation de son père et sa vie marquée par l’antisémitisme, qu’on « ne renonce jamais à combattre ». Né dans les années 1920, « ravagées par la haine des juifs », il s’est éteint au vingt-et-unième siècle, « où de nouveau la haine des juifs tue », déplore Emmanuel Macron, martelant que « notre époque nous oblige » et que « cette colère face à l’antisémitisme » doit être le « combat essentiel de notre République ».

A tout juste 17 ans, réclamant au tribunal la restitution de l’appartement de ses parents, Robert Badinter se heurte au « mépris », à « la haine, l’odieuse condescendance antisémite ». Et le refus de ces propos, constituera la « seule mission » de l’ancien garde des Sceaux, rappelle le chef de l’État : « défendre l’accusé quel qu’il soit et quoiqu’il ait fait, défendre l’homme derrière l’accusé, défendre l’idée de la justice qui, pour être exemplaire, doit être impartiale ».

« Chaque jour, devant nous, doit être un 9 octobre »

« Ses ennemis les plus farouches ne cessent de vouloir lui accoler l’étiquette qu’ils pensent infamante de ‘laxiste’. Jusque sous les fenêtres de son ministère, ils vocifèrent, mais aujourd’hui comme hier, ceux qui dénoncent le laxisme d’une justice qui ne tue plus, n’aiment pas que la justice soit juste », condamne le président de la République, avant d’ajouter que « chaque fois que ses ennemis traitent Robert Badinter de ‘laxiste’, ils lui décernent le titre d’humaniste ». Et d’abonder : « Défendre l’État de droit, c’est protéger chacun dans sa dignité et c’est protéger la nation dans sa liberté ».

Emmanuel Macron promet que « nous continuerons » de « porter » son combat, même au-delà des frontières, jusqu’à « l’abolition universelle » de la peine capitale. « Pour Robert Badinter, chaque jour, devant nous, doit être un 9 octobre », car « là où l’arbitraire se répand » et « où l’État de droit est attaqué », prospèrent « toutes les formes de haine, de racisme, d’antisémitisme et s’impose la loi du plus fort ». « Les morts nous écoutent, à nous aussi de les entendre », conclut le président de la République, avant que ne retentisse le chant de la Marseillaise.

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