C’est un cadeau d’anniversaire dont Roberta Metsola se souviendra sans doute longtemps. Ce 18 janvier 2022, peu après 11h, l’eurodéputée maltaise prend les rênes du Parlement européen, le jour de ses 43 ans. Avec 458 voix sur 616 exprimées, cette avocate de formation accède haut la main, dès le premier tour, à l’un des postes clés des institutions européennes. « Je travaillerai, je ferai de mon mieux pour le bien de tous les citoyens européens » a-t-elle lancé à la tribune, devant un hémicycle clairsemé.
Héritage de David Sassoli
Eurodéputée depuis 2013, Roberta Metsola est membre du PPE, la droite conservatrice et première force politique au Parlement européen. Elle occupait le poste de première vice-présidente du Parlement européen et succède à l’Italien David Sassoli, brutalement décédé le 11 janvier et dont le mandat prenait fin cette semaine. Pur produit des institutions européennes mais peu connue du grand public, Roberta Metsola avait récemment gagné en visibilité en assurant l’intérim de l’ex-président socialiste absent pour des raisons de santé. Ses premiers mots lui ont d’ailleurs été adressés. « La première chose que j’aimerais faire en tant que Présidente, c’est de nous rappeler l’héritage de David Sassoli, il avait foi en le pouvoir de l’Europe » a-t-elle salué, promettant d’honorer la mémoire de son prédécesseur.
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Élection attendue
Si les 705 eurodéputés pouvaient choisir entre quatre candidats, l’élection de cette figure de la droite nationaliste maltaise était jouée d’avance. Au nom de l’alternance de mi-mandat, les groupes S & D (sociaux-démocrates) et Renew Europe (libéraux) avaient appelé à voter pour elle, sans présenter de candidats issus de leurs rangs. « Son élection n’est une surprise pour personne », confirme la chef de file des eurodéputés socialistes Sylvie Guillaume, en référence à l’accord passé entre les trois principales forces politiques au Parlement européen.
Des « qualités indéniables »
« C’est aussi une question de personnalité, elle a des qualités indéniables » poursuit Sylvie Guillaume qui a longtemps travaillé avec Roberta Metsola à la commission des Libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE). « Sur le fond comme sur la forme, elle est réglo dans les deals », explique cette parlementaire aguerrie.
« Moderne et progressiste »
Au Parlement européen, nombreux sont ceux qui louent les qualités de Roberta Metsola. Son « élégance » , son sens du contact, son réseau et « sa capacité à créer des ponts entre tous les groupes politiques de l’institution. » Manfred Weber, chef de file du PPE le résume ainsi : Roberta Metsola est « une jeune femme moderne et progressiste.»
« Malaise »
Si sa personnalité et ses compétences ne semblent pas faire débat, ce sont plutôt certains de ses « défauts politiques » qui lui ont surtout été reprochés, comme le note Sylvie Guillaume. Son profil très conservateur, anti-avortement a fait bondir plus d’un eurodéputé. Comment élire à la tête d’une telle institution une femme dont les convictions vont à rebours de celles de la majorité des parlementaires dont elle est censée porter la voix ? Pour Bernard Guetta, eurodéputé Renew Europe, l’arrivée de Roberta Metsola, « adversaire déclarée à l’IVG » a créé un profond « malaise ».
« Le symbole de cette élection me gêne »
Et un étrange symbole. Pour beaucoup, élire 42 ans après Simone Veil, une femme anti-IVG à la tête du Parlement, est un signal désastreux envoyé aux citoyens de l’Union et notamment aux femmes polonaises qui ont vu en 2020, leur droit à avorter bafoué par le pouvoir conservateur. Clément Beaune, Secrétaire d’Etat en charge des affaires européennes est même sorti de sa réserve sur Franceinfo : « Le symbole de cette élection me gêne » a-t-il taclé.
« Être anti-IVG est mainstream à Malte »
Alfred Sant, ancien Premier ministre maltais et eurodéputé S & D tempère : « Être contre l’avortement à Malte est très ‘mainstream’, c’est un positionnement majoritaire dans le pays. » Malte est le dernier bastion anti-avortement au sein de l’Union européenne. L’archipel méditerranéen est le dernier Etat membre de l’UE à interdire formellement l’IVG, même à la suite d’un viol ou pour des raisons médicales.
Questionné à plusieurs reprises sur le sujet lors d’une conférence de presse dans les minutes suivant son élection, Roberta Metsola a répété que son « devoir serait de représenter la position du Parlement » en toutes circonstances. Au risque de dédire ses convictions personnelles. « La présidente ne peut qu’être l’avocate d’une position majoritaire au Parlement », renchérit Bernard Guetta.
Féministe revendiquée
Roberta Metsola se revendique pourtant « féministe » bien que certaines de ses prises de positions publiques ne la montrent pas à la pointe en matière de droits des femmes. En septembre dernier, elle s’est par exemple abstenue sur une résolution parlementaire tendant à criminaliser des violences faites aux femmes. Position qui lui a été maintes fois reprochée ces derniers jours bien que l’UE n’ait aucune compétence en la matière.
Renforcer les pouvoirs du Parlement
Si la question de l’IVG est son « point de fragilité », Roberta Metsola mise sur son image d’Européenne convaincue, engagée contre la corruption, à l’aise sur des dossiers aussi divers que les questions migratoires ou la défense des droits LGBT.
Certains, à l’image de Sylvie Guillaume espèrent surtout qu’elle sera à la hauteur sur le plan institutionnel. « Si j’avais une demande formelle à lui adresser, ce serait qu’elle renforce les pouvoirs du Parlement face au Conseil de l’UE. » Bernard Guetta abonde : « Il y a une aspiration du Parlement européen à tenir un rôle de plus en plus important dans les institutions. » Le Parlement est l’unique institution européenne dont les représentants sont élus au suffrage universel direct par les citoyens des Etats membres.
Feuille de route
Le mandat de Roberta Metsola court jusqu’aux prochaines élections européennes de 2024. D’ici là, la présidente devra se conformer à la feuille de route signée entre le PPE, S & D (sociaux-démocrates) et Renew Europe. Signe de l’extrême vigilance à l’égard du positionnement de la nouvelle présidente sur l’avortement, le document mentionne comme priorité « l’alignement par le haut des droits des femmes en Europe » y compris sur la « santé sexuelle et reproductive. »
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