L’élection de Mathieu Darnaud, sénateur de l’Ardèche, à la tête du groupe LR du Sénat, ne se fait pas sans turbulence. S’il était le seul candidat à la succession de Bruno Retailleau, nommé ministre de l’Intérieur, c’est suite au retrait du sénateur Roger Karoutchi.
Le sénateur LR des Hauts-de-Seine s’était d’abord déclaré, à la demande de Bruno Retailleau et du président du Sénat, Gérard Larcher. Une solution arrêtée un peu trop vite, aux yeux de certains, qui ont appelé à un « renouvellement ». C’est dans ces conditions que Mathieu Darnaud, 1er vice-président du Sénat, s’est lancé, incité par une partie de ses amis politiques. D’aucuns y ont vu la main du Hibou, ce club informel qui rassemble des « jeunes » sénateurs ou des sénateurs élus plus récemment, qui ont pris depuis des responsabilités, à l’image de Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères.
« Club convivial » et « sans protocole »
Roger Karoutchi a accepté de se retirer « à la demande expresse » de Bruno Retailleau, a tenu à faire savoir l’ancien ministre des Relations avec le Parlement à ses collègues. Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Car le sénateur des Hauts-de-Seine, qui semble avoir peu goûté l’histoire, a décidé de s’organiser, lui aussi. Il n’y a pas de raison.
Il a lancé lundi 30 septembre son propre club politique, baptisé « Les Sages du Palais ». Roger Karoutchi a envoyé par SMS à 50 de ses collègues une invitation à participer à « ce club convivial (qui) a pour vocation de se réunir sans protocole » pour « échanger », selon le message auquel nous avons eu accès. Le sénateur donne tout de suite le ton :
« Ensemble, nous valoriserons les parcours, l’expérience, bref, la sagesse qui mérite d’être reconnue et partagée », conclut le sénateur, qui signe « Roger ». A bon entendeur…
« En 24 heures, 35 sénateurs ont adhéré »
La petite entreprise de Roger Karoutchi ne connaît pas la crise. Elle commence même bien, puisqu’« en 24 heures, 35 sénateurs ont adhéré », annonce à publicsenat.fr le sénateur des Hauts-de-Seine, sur les 131 que compte le groupe LR. « On sera une quarantaine, tranquillement », prédit Roger Karoutchi. Soit un tiers du groupe. Pour rappel, il suffit d’être 10 pour se constituer en groupe, à la Haute assemblée. Mais attention, « il n’y aura pas de lieu de réunion, ni siège. Ce n’est pas un parti, pas un groupe, ni un sous-groupe. C’est un club », tient à préciser Roger Karoutchi, « mais on se réunira. Je prévois de faire un déjeuner dès le mois d’octobre, dans une quinzaine de jours ».
S’il assure « bien s’entendre » avec Mathieu Darnaud, n’être « pas du tout fâché » et ne pas avoir « d’état d’âme », on comprend que Roger Karoutchi a décidé de marquer le coup. « Les gens qui ont de l’expérience, qui ont des capacités et de l’expérience, doivent être traités de manière égale. Je n’en veux à personne. Mais il existe des clubs qui s’appellent le Hibou, un club de jeunes. On n’a jamais rien dit. C’est assez normal, qu’à un moment, les expérimentés forment un groupe. Et on sera plus nombreux », prévient le sénateur.
« Quand on voit que les autres se réunissent, les expérimentés peuvent le faire »
De là à voir une revanche des anciens contre les plus jeunes… Il faut se souvenir que lors du scrutin interne aux LR pour les postes à responsabilités, après les sénatoriales 2023, Roger Karoutchi avait perdu face à Cédric Perrin pour la présidence de la commission des affaires étrangères, comme Christian Cambon, qui visait la questure après la présidence de cette commission.
« Ce n’est pas une revanche », assure aujourd’hui Roger Karoutchi, « mais c’est plutôt se dire qu’on n’a jamais essayé de se réunir pour peser, car on considérait jusqu’ici que l’unité du groupe comptait avant tout le reste. Quand on voit que les autres se réunissent, les expérimentés peuvent le faire. C’est une prise de conscience, un petit rappel du fait qu’on existe ». On ne sait pas encore si « Résiste » de France Gall passera en boucle lors des déjeuners du club, mais un certain nombre de têtes connues du groupe LR ont déjà rejoint « Roger », glisse-t-on : Marc-Philippe Daubresse, Christian Cambon, Muriel Jourda, Jacqueline Eustache-Brinio, Pascale Gruny ou encore Corinne Imbert. Liste non exhaustive.
S’il faut attendre de voir comment va vivre « Les Sages du Palais », l’élection, ce mardi matin, de Mathieu Darnaud à la tête du groupe, donne peut-être une première idée de la manière dont il va peser dans le rapport de force interne : le sénateur de l’Ardèche n’a été élu qu’avec 85 voix, soit 65 % des voix du groupe. On compte 39 abstentions.
