Créée à la demande du groupe Les Républicains, la mission d’information sur la lutte contre la précarisation et la paupérisation auditionne les acteurs du secteur depuis la fin janvier. Après les associations qui avaient tiré la sonnette d’alarme, c’est au tour de l’Association des départements de France d’alerter sur une situation extrêmement préoccupante.
Jean-Michel Rapinat, directeur des politiques sociales de l’ADF, a rappelé que les départements, qui financent notamment le RSA (revenu de solidarité active), se penchent régulièrement et depuis longtemps sur l’évolution des politiques sociales, sur leur efficacité et leur mode de financement. Avant la crise sanitaire, la situation était déjà préoccupante, elle l’est d’autant plus à présent : « Aujourd’hui les moyens financiers et humains ne suffisent pas ».
Des inquiétudes fortes
Le directeur des politiques sociales a souligné l’unanimité au sein des membres de l’ADF sur trois sources d’inquiétude fortes. Tout d’abord, comment faire face au possible tsunami social qui peut suivre la crise sanitaire et économique que nous traversons ? Les publics suivis dans le cadre de la politique sociale subissent des conséquences particulièrement graves, mais il y a aussi d’autres personnes, qui n’étaient pas suivies jusque-là, et qui pourraient devoir faire appel aux dispositifs sociaux suite à la crise.
Par ailleurs, deux autres phénomènes inquiètent les départements : les conditions même de l’accompagnement social de ces personnes qui pourraient être remises en cause par la crise. Et enfin le problème de l’offre locale, avec la question de l’adéquation entre les profils des publics cibles et les offres d’emploi disponibles, moins nombreuses en cette période.
Covid-19: "Les conditions d'accompagnement des personnes précaires sont remises en cause"
Financer durablement le RSA
Pour la période 2019-2020, l’ADF a enregistré une hausse de 9.2 % des dépenses globales de RSA. Une hausse qui peut s’expliquer par l’entrée dans le dispositif de nouvelles personnes qui ont un niveau de RSA élevé (couples, familles…) Les dépenses pour financer cette aide sont donc plus importantes pour les départements. Et cette hausse des dépenses peut avoir comme conséquence de réduire la capacité des départements à investir dans les politiques d’insertion… Jean-Michel Rapinat souligne en effet que « plus le montant des allocations augmente, au même moment la capacité à mettre des moyens supplémentaires dans le domaine de l’accompagnement et du retour à l’emploi est amoindrie, qui plus est dans les territoires qui souffrent plus que d’autres ».
Les départements s’inquiètent donc du financement durable du RSA. Selon le directeur des politiques sociales de l’ADF : « Certains départements sont tellement en difficulté, quelle que soit leur couleur politique, qu’ils pourraient être intéressés par une expérimentation de la reprise par l’Etat du financement de l’allocation. »
Mais d’un autre côté, beaucoup de départements considèrent que le sujet principal c’est la compensation du financement du RSA par l’Etat. « La compensation par l’Etat est insuffisante. Les dépenses augmentent beaucoup, et de façon encore plus forte depuis la crise ». Il faut sortir de cette logique qui consiste à « faire assumer une grande partie de la charge du RSA aux départements : sur 11 milliards d’euros, l’Etat en finance 6 milliards. La question c’est donc d’abord : comment l’Etat aide les départements en participant davantage au financement de l’allocation ? »
La réforme de l’assurance chômage
Jean-Michel Rapinat s’est également exprimé sur la réforme de l’assurance chômage : l’ADF avait tiré la sonnette d’alarme sur les possibles conséquences d’une telle réforme. « La réforme a pour ambition de faire des économies, c’est une réforme surtout budgétaire. Mais la réduction de la durée d’indemnisation et le durcissement des conditions d’accès au chômage pourraient entraîner des conséquences sur le RSA ». En effet, « la courbe d’évolution du chômage est parallèle à celle du RSA ». Avant la crise, les élus craignaient déjà que ceux qui n’ont plus accès au chômage se tournent alors vers le dernier filet de sécurité, le RSA, impliquant la question du financement croissant de cette allocation. La crise sanitaire, évidemment a renforcé les craintes des élus.
Les jeunes en première ligne
"La protection sociale des 18-25 ans est cruciale", selon Jean-Michel Rapinat
Le directeur des politiques sociales de l’ADF a enfin souligné l’inquiétude majeure que représente l’accompagnement des jeunes de 18 à 25 ans. Leur situation était déjà préoccupante avant la crise, elle l’est d’autant plus maintenant. « Le revenu unique d’activité évoqué en 2018 par le chef de l’Etat n’a hélas pas été mis en place ». Les réponses sur la protection sociale des jeunes sont insuffisantes. « Il y a des trous dans la raquette. Il n’y a pas de réponse durable satisfaisante ».