Dépêché en septembre pour succéder à l'engagé et tourmenté Nicolas Hulot, François de Rugy a imposé à l'Ecologie un style autrement plus politique, pragmatique et policé, avec l'ambition de durer au "ministère de l'impossible".
"Je suis ici pour agir pour l'écologie avec méthode, détermination et persévérance dans le temps", avait-il lancé lors de sa prise de fonction au ministère, à peine descendu du perchoir de l'Assemblée nationale.
Le temps, c'est précisément ce qui a manqué aux récents titulaires de ce portefeuille, souvent partis avant d'avoir pu imprimer leur marque, à l'image de Nicolas Hulot mais aussi avant lui de Delphine Batho ou Nicole Bricq.
Rugy en aura-t-il davantage? Il garde pour l'heure la confiance du gouvernement, mais apparaît en sursis après la tourmente provoquée par plusieurs articles de Mediapart depuis mercredi.
Le journal a d'abord épinglé ses dîners fastueux à l'Hôtel de Lassay lorsqu'il présidait l'Assemblée, réunissant des invités appartenant pour l'essentiel au cercle relationnel et amical de son épouse, Séverine de Rugy, journaliste au magazine Gala.
Puis un logement HLM indûment occupé par sa directrice de cabinet, qui a été immédiatement limogée par le ministre. Et enfin des travaux faits dans l'appartement de fonction du ministère, travaux que François de Rugy a justifiés sur Twitter par la nécessité de rénover "régulièrement" l'Hôtel de Roquelaure.
Ce début d'été brûlant tranche avec un exercice jusqu'ici plutôt discret de ce ministre, décrit généralement par les ONG environnementales comme manquant de vision mais paradoxalement plus facile d'accès que son prédécesseur, pourtant issu du monde militant.
- Ecologie réformiste -
Concernant les dossiers de sa première année comme ministre, de la feuille de route énergétique française à la suspension de la hausse de la taxe carbone, en passant par l'économie circulaire, la chasse, la réintroduction d'ourses ou la gestion des loups, ils les a souvent hérités du début de quinquennat Macron et furent pour certains tranchés en haut lieu dans le contexte sensible des "gilets jaunes".
Sur le sujet climatique, revenu en haut de l'agenda à la faveur des manifestations successives de citoyens, lycéens ou de militants comme ceux d'Extinction Rebellion, mais aussi de la pétition record de "l'Affaire du siècle" et des européennes, il a semblé davantage subir le mouvement que l'accompagner.
François de Rugy défend toutefois ardemment la création d'une "convention citoyenne" composée de 150 personnes tirées au sort qui devront faire des propositions sur la transition écologique. Une convention qui devrait être opérationnelle à la rentrée.
Ce portefeuille ministériel est le premier pour l'ambitieux responsable de 45 ans, depuis toujours chantre d'une écologie réformiste. Seul écologiste de poids au sein de la majorité, il était apparu comme un choix logique pour remplacer Nicolas Hulot.
Adhérent d'EELV depuis 1997, M. de Rugy a rompu en août 2015 avec ses camarades, critiquant leur "dérive gauchiste" et leur choix de ne pas participer au gouvernement de Manuels Valls.
- "Côté aristocratique" -
En 2017, après avoir participé à la primaire organisée par le PS et ses alliés pour la présidentielle, il a annoncé son ralliement à Emmanuel Macron, en dépit de son engagement à soutenir le vainqueur Benoît Hamon. "Je préfère la cohérence à l'obéissance", avait justifié le député, dont le parcours lui valu d'être qualifié par la députée LFI Clémentine Autain d'"opportuniste professionnel".
Devenu vice-président de l'Assemblée nationale après le départ de Denis Baupin en mai 2016, il a été élu au perchoir au début de la mandature. Une consécration pour ce diplômé de Sciences Po, ancien adjoint aux transports du maire de Nantes Jean-Marc Ayrault, auquel il s'est opposé sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Au perchoir, il n'avait pas fait l'unanimité, en raison notamment de ses attaques contre les "multirécidivistes de l'absence". Des inimitiés découlant, selon M. de Rugy, en partie de sa volonté de moderniser l'institution.
Issu de la noblesse, et "assez souvent" attaqué sur son nom (patronyme complet: François Goullet de Rugy), selon son entourage, il n'a pourtant ni "château", ni "trésor" et des parents enseignants.
Encore récemment, le député LFI François Ruffin moquait son "côté aristocratique": "Le château descend pour vous expliquer comment on va faire de l'écologie dans le pays..."
Ce qui lui avait valu cette réplique cinglante du ministre: "Il m'attaque sur mon nom (...) Vous savez à qui il me fait penser ? A un fasciste".