Finies les expositions de modèles Tesla sur le parvis de la Maison-Blanche. Finies les rencontres dans le Bureau ovale et les scènes de liesse sur scène. Elle semble loin l’époque où le président américain déclarait que Elon était « génie » ou lorsque le patron de Tesla dépensait des centaines de millions de dollars pour faire élire son favori.
La relation, que de nombreux de médias qualifiaient de « bromance » (relation forte entre deux hommes), s’est arrêtée précipitamment après l’offensive d’Elon Musk, mercredi sur son réseau social X : « La banqueroute de l’Amérique, ça ne va pas ! Tuez le texte. Pas d’amendements, ni de corrections : sa condamnation », a-t-il lancé en s’en prenant au « Big Beautiful Bill », la grande loi budgétaire de Donald Trump. Il l’a même qualifié « d’abomination répugnante ».
« Il y a une forme d’hypocrisie dans les attaques d’Elon Musk sur ce budget », pointe Romuald Sciora. « Ce budget propose de couper dans les aides médicales, dans l’enseignement. Il propose aussi une baisse d’impôt pour les plus fortunés. Tout cela va dans le sens d’Elon Musk ».
« Tout est excessif depuis le début »
Au vu de la relation affichée entre les deux hommes, depuis la campagne présidentielle du président américain, un simple désaccord sur le budget s’avère être une cause de séparation plutôt excessive. « Tout est excessif depuis le début », souligne Romuald Sciora. « Nous avons eu affaire à une sorte de romance d’adolescence ridicule ».
Dès le début de son second mandat, Donald Trump a nommé son fidèle allié à un poste dans son administration créée tout spécialement pour lui : le Département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE). L’objectif de la mission confiée au milliardaire ? Réduire les dépenses de l’Etat pour faire des économies. Pour ce faire, Elon Musk n’a pas hésité à couper dans de nombreux budgets. S’affichant avec une tronçonneuse, à l’image de Javier Milei, le président argentin, le milliardaire a réduit drastiquement les programmes sociaux et éducatifs. Au total, plusieurs dizaines de milliers d’employés fédéraux ont été brutalement licenciés. Cependant, loin des 2 000 milliards de coupes budgétaires promises, Elon Musk n’est parvenu à trouver « que » 140 milliards d’économies. Il y a six jours, le programme a pris fin et Donald Trump l’a même félicité dans le Bureau ovale, saluant son sacrifice.
« Donald Trump figure dans les dossiers Epstein »
« Elon Musk est déçu, car il n’a pas l’impression d’avoir eu tous les appuis pour mener à bien sa mission », analyse Romuald Sciora. « Il est déçu du soutien du président et, comme Musk est quelqu’un de fantasque, qui se drogue énormément, il attaque désormais frontalement le président américain sur son réseau social ». Et les attaques sont pour le moins virulentes. Le milliardaire a qualifié d’ingrat le comportement du président américain soulignant que sans lui il n’aurait jamais été élu. Il s’en est également pris aux mesures douanières de Donald Trump en redoutant une récession de l’économie américaine au prochain semestre. Mais c’est via un dernier message que l’attaque a été la plus extrême : « Donald Trump figure dans les dossiers Epstein. C’est la raison pour laquelle ils n’ont pas été rendus publics. Bonne journée, DJT ! (Les initiales du président) ». Ancien milliardaire, qui s’est suicidé en prison en 2019, Jeffrey Epstein a été condamné pour trafic de mineur. Très mondain et proche du pouvoir américain, il fait l’objet de nombreuses théories conspirationnistes.
De son côté, Donald Trump a réagi en menaçant de cesser les commandes gouvernementales à SpaceX, l’entreprise spatiale d’Elon Musk. « La façon la plus simple d’économiser de l’argent dans notre budget, des milliards et des milliards de dollars, est de mettre un terme aux subventions et aux contrats gouvernementaux d’Elon », a-t-il écrit sur son réseau Truth Social. « J’ai toujours été surpris que Biden ne l’ai pas fait ! ». Au cours de la journée, Elon Musk s’est dit favorable à la destitution de Donald Trump, lui préférant comme remplaçant le vice-président J.D. Vance.
« Il devrait être expulsé des Etats-Unis immédiatement »
Etonnant pourtant de le voir soutenir le vice-président lorsque l’on sait que l’administration Trump n’a jamais porté le milliardaire dans son cœur. « Il le considérait comme l’idiot utile, c’est clair », souligne Romuald Sciora. « Il leur était très utile lorsqu’il finançait la campagne ou lorsqu’il commettait des ingérences dans les démocraties européennes. Mais ils l’ont toujours pris pour un électron libre et à raison ».
Que ce soit Marco Rubio, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, J.D. Vance le vice-président ou encore Susie Wiles, la cheffe de cabinet de la Maison-Blanche, tous méprisent le milliardaire. Selon plusieurs sources, le secrétaire au Trésor, Scott Bessent l’aurait traité « d’imposteur » dans les couloirs de la Maison-Blanche. Pour Romuald Sciora, cette situation permet en partie d’expliquer la frustration du milliardaire. « Ils ont considéré Elon Musk comme ils ont considéré Donald Trump avant son premier mandat. Il a beaucoup souffert de cette situation », analyse-t-il. L’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon a réclamé aujourd’hui que Elon Musk soit expulsé des Etats-Unis « immédiatement ».
Le calme après la tempête ?
Malgré tout, une relative accalmie semble se profiler à l’horizon. Dans un entretien accordé à Politico, le président américain a évoqué une possible détente avec le milliardaire déclarant ne pas trouver leur querelle « grave ». Selon l’agence de presse Reuters, il a malgré tout annoncé ne « pas souhaiter s’entretenir » avec Elon Musk.
Selon Romuald Sciora, Donald Trump cherche à tout prix à calmer la situation. « Il met de l’eau dans son vin depuis le début », souligne-t-il. « Trump n’a absolument aucun intérêt à faire de Musk son ennemi. C’est l’homme le plus riche du monde avec une puissance de feu médiatique impressionnante. S’il le voulait, il pourrait racheter des organes de presse ou même créer une chaîne de télévision. Pour les prochaines élections, Elon Musk pourrait bien fragiliser le parti Républicains ». Dans un message posté hier sur X, le milliardaire a même proposé la création d’un « nouveau parti politique en Amérique » pour représenter les « 80 % du centre ».
Une fortune diminuée de 100 milliards
La frustration du milliardaire s’explique aussi par la baisse importante de sa fortune. En trois mois elle a diminué de 100 milliards d’euros. À la suite de leur querelle numérique, les actions de Tesla ont reculé de 14 % faisant perdre à l’entreprise près de 150 milliards d’euros. De plus, sur la hausse des droits de douane voulue par le président américain, le milliardaire n’a pas réussi à convaincre le président de temporiser. Son entreprise Tesla, qui produit une grande partie de ses véhicules en Chine, s’apprête à souffrir des nouvelles mesures douanières.
« C’est un illuminé au sens littéral du terme »
« Il est clair que les quelques mois de la présidence Trump n’ont pas du tout été favorables d’un point de vue économique à Elon Musk », reconnaît Romuald Sciora. « Mais Musk c’est plus qu’un homme d’affaires. C’est un illuminé au sens littéral du terme. Il se considère comme un croisé avec deux missions. La première est de sauver l’humanité d’une planète en perdition en tentant de coloniser mars. La seconde, c’est de prévenir du danger que représente l’intelligence artificielle en augmentant la capacité cérébrale de l’homme. Finalement, la chute de l’action Tesla n’est pas son principal problème même s’il va tout faire pour tenter de redresser la barre ». Pourquoi pas une nouvelle opération marketing sur le parvis de la Maison-Blanche ?