S’engager pour faire le monde, pas la révolution

S’engager pour faire le monde, pas la révolution

Où sont passés nos militants ? Nos combattants ? Face à un prétendu désengagement et à un individualisme croissant, certains Français continuent pourtant de porter des causes essentielles sur la scène publique et politique. Chaque jour, des milliers d’individus s’engagent pour « faire le monde » plus que la révolution. Mais le désir d’autonomie a éloigné la solidarité des organisations traditionnelles, comme les syndicats ou les partis, pour se tourner davantage vers les associations. Qui sont les hommes qui se mobilisent aujourd’hui ? Quels sont les ressorts de leurs engagements ?
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Le processus familial comme l’histoire personnelle livrent les premières armes de la mobilisation. Franck Papazian, coprésident du Conseil de coordination des associations arméniennes de France, revient sur ce capital militant, né de son passé et projeté vers l’avenir. Pour celui qui s’engage pour la cause arménienne : « il faut se révolter contre les injustices ». Pour ce petit-fils de victimes du génocide arménien, il s’agit moins de se venger au nom de ses grands-parents que de lutter contre un sentiment d’injustice. Ainsi, par la transmissibilité des expériences, les luttes d’aujourd’hui font écho à celles d’hier pour s’inscrire aussi bien dans la petite Histoire que dans la grande.

La construction d’une société plus altruiste

Pour Jean-François Serres, Délégué Général de la Mobilisation Nationale contre l’Isolement des Âgés, « s’engager » rime avec « respirer ». Pour lui, l’essentiel est de lutter chacun à notre échelle, ici et maintenant, dans des situations concrètes. Au sujet de l’aide à la personne âgée, il nous confie qu’ « ensemble, dans un quartier, dans un village on va se sentir concerné par ce lien social qui se vit entre nous et principalement autour de ces personnes qui ont besoin de retrouver leur place car elles sont mises à part et subissent une solitude qu’elles n’ont pas choisie ».

Mais qui sont ces citoyens qui s’organisent aujourd’hui en myriades d’associations souvent discrètes ? Bien qu’une part de la jeunesse soit dépolitisée, les jeunes restent les premiers à se mobiliser. Roger Sue, sociologue, regrette néanmoins que le cursus scolaire n’apparaisse pas comme un espace d’engagement associatif. Ce manque d’ « initiation »  à l’entraide favorise un sentiment d’incompétence. Il faudrait intégrer un temps associatif au temps scolaire et initier les jeunes à la question de la solidarité pour qu’ils ne doutent plus de leur pouvoir d’agir.

Notons cependant un désir accru de ces générations de s’émanciper des organisations traditionnelles pour s’auto-organiser autour d’initiatives plus individualisées mais aussi plus ciblées. Roger Sue interroge d’ailleurs la pertinence du mot « engagement » qu’il remplacerait plus volontiers par « implication », « participation » ou encore « mobilisation » :

« L’engagement est un terme très lourd. S’engager veut dire donner sa personne en gage. Je ne suis pas persuadé que ce soit une problématique tout à fait contemporaine […] Il y a des changements dans les formes d’engagements […] Aujourd’hui, je pense que les gens veulent être beaucoup plus dans l’affirmation de leur individualité, dans l’affirmation de ce qu’ils savent faire, de ce qu’ils peuvent faire et dans une volonté de participer concrètement ».

Si on se prend à imaginer un renouveau de mobilisation citoyenne, la pérennité de la mobilisation est encore à questionner à l’heure des réseaux sociaux. Universelle et sans leader, la toile est devenue le berceau de convergences des luttes mondiales et bouleverse le jeu classique des institutions. Mais s’il suffit de cliquer pour agir, la solidarité peut-elle se zapper aussi vite ? L’optimiste Roger Sue perçoit, lui, une nouvelle forme d’« intensité » dans le caractère éphémère de la mobilisation :

« Les gens peuvent s’engager de manière plus courte mais cela n’empêche pas que ce soit extrêmement intense, extrêmement volontaire. Ce qu’il faut bien voir aujourd’hui c’est que l’individualité est le contraire de l’identité. C'est-à-dire qu’aujourd’hui,  l’individualité est dans la multi-appartenance. Les individus appartiennent à plusieurs communautés et […] précisément ça permet d’éviter les communautarismes, d’être enfermé dans une seule communauté et cela crée des sociétés en réseaux et des sociétés qui se parlent ».

La leçon de cet altruisme silencieux est sans doute qu’il convient de « vivre en intelligence avec le système mais en révolte contre ses conséquences » selon la formule du sociologue Jean Baudrillard. L’enjeu de demain est de se déprendre du monde pour mieux le réécrire. L’enjeu de demain est de se déprendre du monde pour mieux le réécrire.

 

 

Retrouvez l’émission Un Monde en Docs consacrée à l’engagement politique le samedi 22 avril à 22h, le dimanche 23 avril à 9h et le dimanche 30 avril à 18h sur Public Sénat. 
 

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