24 heures avant l’ouverture du Salon de l’agriculture, la tension est encore montée d’un cran entre l’exécutif et les agriculteurs. Ce jeudi 22 février, l’Élysée a fait savoir que le chef de l’Etat souhaitait organiser un grand débat avec les acteurs du monde agricole, des exploitants aux patrons de la grande distribution.
Une initiative d’abord bien accueillie par le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, invité de l’émission Extra Local : « Ce mouvement vient de loin, l’idée que le président de la République procède à un échange pour entendre les agriculteurs, ça avait du sens. »
« Pour qu’un dialogue puisse se créer, il faut qu’il y ait les conditions de la confiance »
Un enthousiasme rapidement éteint, avec l’annonce de l’invitation au débat des Soulèvements de la Terre, collectif écologiste – qualifié d’éco-terroriste par le ministre de l’Intérieur – dont l’exécutif avait demandé la dissolution, avant une annulation de la décision par le Conseil d’État. « Pour qu’un dialogue puisse se créer, il faut qu’il y ait les conditions de la confiance. La communication politique, qui consiste à dire qu’on va mettre tout le monde autour de la table, y compris des gens qui ne respectent pas le cadre républicain, c’est totalement incompréhensible », dénonce Arnaud Rousseau.
Le président de la FNSEA reste campé sur sa position, avant une réunion du conseil d’administration du syndicat dans la journée, il ne sera quoi qu’il arrive pas présent à ce débat. « Non seulement je ne vais pas y aller, mais depuis hier soir il y a un niveau de tension probablement supérieur à celui qu’il y avait au moment du blocage des routes », prévient le syndicaliste. Dans la foulée, le conseil d’administration du syndicat a acté qu’« aucun représentant » de la FNSEA ne participerait à cette rencontre. « La dignité des agriculteurs est bafouée par cette démarche qui porte le sceau de la provocation », a fustigé Arnaud Rousseau dans un tweet.
Derrière Arnaud Rousseau, c’est désormais le patron de l’enseigne de grande distribution Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, qui a annoncé sur les réseaux sociaux qu’il ne se rendrait pas à un tel débat, dénonçant « un coup de com’ pas vraiment au niveau de la situation ». Depuis l’annonce du grand débat, l’Élysée a fait marche arrière, annonçant d’abord que les Soulèvements de la Terre n’étaient plus invités, puis a plaidé l’erreur, sans parvenir pour le moment à éteindre l’incendie.
« Entre la parole publique et sa déclinaison sur le terrain, il y a des doutes »
S’il ne cache pas sa colère avant l’ouverture du Salon, Arnaud Rousseau reconnaît tout de même qu’un certain nombre d’annonces faites par le gouvernement ces dernières semaines tendent à répondre à la crise. « L’annonce d’une loi sur les troubles du voisinage va dans le bon sens », « l’exonération de la taxe sur le foncier non-bâti, des exonérations de charges sociales, des dotations pour les jeunes agriculteurs », salue-t-il. Mais le syndicaliste préfère tout de même rester prudent : « Entre la parole publique et sa déclinaison sur le terrain, il y a du jeu, il y a des doutes. »
Parmi les dernières annonces, Gabriel Attal a indiqué que l’indicateur Nodu – utilisé pour mesurer la baisse de l’utilisation des pesticides et apprécié des associations environnementales – allait être remplacé par un indicateur européen, plus avantageux. Depuis la mise en pause du plan de réduction des pesticides Ecophyto, le gouvernement est accusé de sacrifier l’écologie pour sortir de la crise. Une accusation réfutée par Arnaud Rousseau : « On est dans le pays avec le niveau d’exigence et de durabilité parmi les plus élevés de la planète. Non, on ne renonce pas à l’écologie, mais en même temps il ne faut pas nous mettre dans des impasses de production. »
Pour le président de la FNSEA, une urgence reste sur la table, celle de la reconnaissance de l’agriculture « comme intérêt général majeur ». Attendu d’ici l’été, le projet de loi d’orientation agricole prévoit déjà, selon le Premier ministre, l’inscription « d’un objectif de souveraineté agricole et alimentaire ». Une déclaration insuffisante pour Arnaud Rousseau, « on a vu des bribes de texte, mais cela ne fait pas une vision globale ».