Sarkozy, un boulimique de la politique aux prises avec la justice
Nicolas Sarkozy, 63 ans, mis mardi en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur les soupçons de financement libyen de sa campagne...
Par Baptiste PACE
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Nicolas Sarkozy, 63 ans, mis mardi en garde à vue dans le cadre de l'enquête sur les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, est un boulimique de la politique resté incontournable à droite malgré les défaites politiques et les épreuves judiciaires.
"Il prépare son retour, c'est évident", glissait la semaine dernière une source au sein des Républicains (LR). A droite, chaque déclaration de l'ancien président est scrutée à la loupe et les spéculations ont repris de plus belle après sa réaction ulcérée aux déclarations du nouveau patron du parti, Laurent Wauquiez.
Dans un cours enregistré à son insu, son ancien ministre laissait entendre, avant de s'excuser publiquement, que Nicolas Sarkozy faisait écouter ses ministres à l'Elysée. Une "grotesque" affaire aussitôt démentie par son entourage, mais qui est venue s'ajouter aux nombreux épisodes entourant l'ancien chef de l'Etat, par ailleurs renvoyé en correctionnelle dans l'affaire Bygmalion sur le financement de sa campagne présidentielle de 2012.
Moins d'un an et demi après sa défaite sans appel au premier tour de la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy a multiplié les apparitions ces dernières semaines: discours au Sénat sur sa révision constitutionnelle de 2008, interventions médiatiques en soutien d'une campagne contre le cancer des enfants, sur ses goûts littéraires ou encore sa passion pour le sport. "Pas mal pour un retraité", avait-il glissé avec gourmandise à un cadre LR.
"Ce ne sont plus des cartes postales mais des parchemins", commentait une autre source au sein du parti en référence à la stratégie post-2012 de l'ancien président, qui avait repris l'UMP (rebaptisée Les Républicains) pour tenter sa revanche face à François Hollande, avant le séisme de la primaire puis de l'élection d'Emmanuel Macron.
Nicolas Sarkozy et le vice-président des Républicains, Laurent Wauquiez (d), le 8 décembre 2017 à Lyon
AFP/Archives
Malgré la sobriété impeccable de ses discours de défaite, tant en 2012 qu'en novembre 2016, Nicolas Sarkozy n'a jamais vraiment renoncé à peser dans le jeu politique dans lequel il s'est invité avec fracas dès 1983.
- Toujours premier à l'applaudimètre à LR -
Ce "petit Français de sang-mêlé" -son expression de la campagne victorieuse de 2007- n'a alors que 28 ans lorsqu'il réussit à s'emparer de la mairie de Neuilly-sur-Seine, à la barbe de Charles Pasqua, pourtant politicien aguerri.
Doté d'un enthousiasme communicatif, d'une fougue verbale liée à une gestuelle saccadée, M. Sarkozy a eu, tout au long de sa carrière politique (maire, député, ministre, président de parti, chef de l'Etat), le don de se faire autant aimer par les uns que détester par les autres.
Exclu du jeu à droite après son soutien à Edouard Balladur en 1995, il sut redevenir incontournable pour la réélection de Jacques Chirac en 2002, avant de défier l'ancien président depuis les rangs du gouvernement et de s'ouvrir les portes de l'Elysée dès sa premier tentative en 2007.
"Président bling-bling" pour les uns, gestionnaire méritant de la crise financière de 2008 pour les autres, il devint ensuite le premier président de la République à être battu en sollicitant un second mandat depuis Valéry Giscard d'Estaing.
Mais les luttes fratricides à droite, notamment entre Jean-François Copé et François Fillon lui ouvrirent la voie pour un premier retour. Il avait pu, dès 2013, mesurer combien sa cote était restée forte auprès des militants de son parti: un "sarkothon" avait permis d'engranger 11 millions d'euros, compensant l'invalidation de ses comptes de campagne par le Conseil constitutionnel.
En 2018, encore, son nom déclenche des records à l'applaudimètre dans les réunions publiques de LR, traumatisées par l'échec à la présidentielle de François Fillon. Lequel n'avait pas hésité à l'attaquer sur le thème de la probité, avant de chuter sur l'affaire de l'emploi de son épouse comme collaboratrice parlementaire révélée par Le Canard enchaîné.
"Moi, j'ai un lien particulier avec les Français. Il peut se distendre, il peut se retendre, mais il existe", affirmait en 2013 cet homme petit et râblé, châtain aux yeux bleus qui prend soin de sa ligne, "addict" -le mot est de lui- au vélo et au jogging, marié en 2008 à l'ex-mannequin et chanteuse Carla Bruni et père d'une petite fille, après trois enfants de deux précédents mariages.
Le ministre de l’Intérieur est officiellement candidat à la présidence des LR. Il peut compter sur « une très large adhésion majoritaire du groupe LR », selon le sénateur Marc-Philippe Daubresse. Mais les soutiens de Laurent Wauquiez, comme le sénateur Laurent Duplomb, l’accusent de relancer une « dramatique guerre des chefs ». L’enjeu pour Bruno Retailleau est maintenant d’obtenir un congrès au plus vite, car « les sondages, ça va, ça vient »…
Le sénateur socialiste des Landes met en cause le manque d’expertise de l’ancien président de la République sur le terrain du droit. « Emmanuel Macron est spécialiste des erreurs institutionnelles », ajoute-t-il.
Alors que Bruno Retailleau vient de déclarer sa candidature à la présidence des Républicains, les regards se tournent vers 2027. « Toutes les ambitions sont légitimes », observe le président du groupe Renaissance au Sénat. Mais pour François Patriat, seule une candidature unie de la droite et des macronistes permettra de l’emporter.
Dans un courrier adressé aux militants Les Républicains, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau indique qu’il briguera la présidence de son parti. Alors que l’ancien sénateur a le vent en poupe dans les enquêtes d’opinion depuis sa nomination au gouvernement, cette annonce pourrait contrarier les ambitions présidentielles de Laurent Wauquiez, le patron des députés de la Droite républicaine, qui a pris en main la refondation du parti.