Qui peut être tenu responsable du cambriolage du Louvre du 19 octobre ? C’était l’un des enjeux de la table ronde organisée par la commission Culture du Sénat réunissant le préfet de police de Paris, le directeur général des patrimoines et de l’architecture du ministère de la culture et le chef de l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC). « On ne peut être que sidéré face à la simplicité apparente avec laquelle des cambrioleurs, même très organisés, ont pu s’introduire dans des musées », note en préambule le président de la commission, Laurent Lafon, qui a effectué hier une visite au PC de sécurité du Louvre.
Hier, devant les sénateurs, la ministre de la Culture écartait l’existence de « défaillances internes sur les dispositifs de sécurité » avant d’ajouter qu’un « tel événement ne peut pas rester sans conséquences ». Une enquête administrative est également en cours. « Il y a deux sujets dans le sujet, ce qui relève de la compétence du musée et ce qui relève de la compétence de la préfecture », précise d’emblée Patrice Faure le préfet de police de Paris.
Le préfet de police « fermement opposé » à l’ouverture d’un commissariat au sien du musée
Ce dernier rappelle que la sécurité à l’intérieur du musée est assurée par les agents du Louvre tandis que la sécurité des abords du Palais est assurée par la police nationale. Pour renforcer la protection des œuvres d’art, la présidente-directrice du Louvre, Laurence Des Cars, demandait le 22 octobre devant les sénateurs l’installation d’un commissariat au sein du musée du Louvre. Une idée rejetée par le préfet de police de Paris. « J’y suis fermement opposé, pour deux raisons, si nous donnions droit à cette demande, tous les établissements demanderaient à ce que nous installions un commissariat. Je n’imagine pas que mettre un commissariat à l’intérieur apporterait une solution pérenne aux difficultés que le Louvre connaît », estime Patrice Faure. « Je préfère rester sur la partie périmétrique », ajoute le haut fonctionnaire, rappelant l’importance de la présence policière autour du musée. En 2025, plus de mille interventions ont déjà eu lieu affirme Patrice Faure.
Compte tenu de ce niveau de sollicitation, un commissariat ne permettrait pas de réduire les risques d’atteinte au patrimoine. En effet, le préfet de police rapporte que l’alerte a été donnée à 9 h 36 par un cycliste intrigué par la présence d’un monte-charge au niveau de la galerie d’Apollon. Néanmoins, insiste la préfecture, l’alarme Ramses qui centralise les signaux de sécurité de centaines de sites publics, s’est déclenchée seulement une minute après l’appel et les policiers sont intervenus à 9 h 39.
Le préfet de police estime que l’intelligence artificielle aurait permis une poursuite plus efficace des cambrioleurs
Si le préfet de police de Paris écarte la nécessité d’installer un commissariat au sein du musée, ce dernier égratigne la qualité du dispositif de vidéosurveillance. « Il y a un pas technologique qui n’a pas été franchi, une partie des caméras n’est pas encore numérique », déplore Patrice Faure. Le dispositif est cependant conséquent avec 1 300 caméras. « Les risques d’obsolescence du système de vidéosurveillance avait été relevé par Madame Des Cars », rappelle le préfet de police qui rapporte que la rénovation du schéma directeur du Louvre pourrait durer jusqu’à 2029 ou 2030 pour un budget de 80 millions d’euros. « Les marchés publics devraient être passés dans les jours qui viennent », explique également le haut fonctionnaire
En outre, il révèle que l’arrêté préfectoral, valable 5 ans, autorisant le système de vidéosurveillance du Louvre était « caduc depuis le 17 juillet 2025 ». « Il n’y a pas eu de demande de reconduction » par la commission idoine, indique le haut fonctionnaire, soulignant toutefois que cette « infraction administrative » n’avait pas eu d’incidence sur le fonctionnement des caméras de surveillance du musée. Malgré l’ancienneté des caméras, c’est le cadre législatif qui a été critiqué par Patrice Faure et notamment l’impossibilité de s’équiper de caméras dotées d’intelligence artificielle pour suivre « les mouvements de matériaux ». « Si nous avions eu la possibilité de suivre les scooters, les matériaux, possiblement, nous aurions pu traquer ces véhicules très rapidement avec une possibilité d’interception bien plus favorable », note le préfet de police. L’utilisation de caméras de surveillance dotée de l’intelligence artificielle avait été autorisée à titre expérimental lors des Jeux Olympiques de 2024, mais l’expérimentation n’a pas débouché sur une évolution durable du cadre législatif.
« C’est sans doute cette approche globale qui a manqué au Louvre »
Au cours des échanges, les intervenants ont mis en lumière la nécessité de s’adapter à des actes peu nombreux et difficilement prévisibles. Une vingtaine de vols sont recensés chaque année dans les 1 200 musées de France. « Nous devons adapter le niveau de sûreté au mode opératoire, la sécurité technique et physique ne fait pas tout », explique Jean-Baptiste Félicité, chef de l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels qui alerte sur la possibilité d’un « effet ligne Maginot ».
Pour ces raisons, Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l’architecture du ministère de la culture, insiste sur l’importance de renforcer la coordination entre le ministère de la Culture et les centaines d’établissements publics sous sa tutelle. « En matière de sûreté, le ministère de la Culture assure une mission de conseil auprès de l’ensemble des musées de France », rappelle Jean-François Hébert qui plaide pour que « les mesures prises en matière de sûreté soient rassemblées dans un seul document ». Ce dernier demande également à ce que les audits de sûreté réalisés par le ministère de la Culture soient plus fréquents et systématiques. « C’est sans doute cette approche globale qui a manqué au Louvre. La multitude de projets d’investissements lancés en même temps a peut-être occulté le caractère prioritaire des mesures à mettre en œuvre dans ce domaine particulier », juge Jean-François Hébert. « C’est probablement une vision globale qui manque le plus. On va proposer d’avoir une vision beaucoup plus exhaustive », abonde Patrice Faure.
« Est-ce qu’il y a eu des failles ou des défaillances ? » a demandé le sénateur LR, Max Brisson qui s’étonne du défaut de coordination entre les différents services de l’Etat et regrette une organisation en « tuyaux d’orgue ». « Une enquête administrative est en cours et pourra répondre aux questions de Monsieur Brisson », s’est contenté de répondre Jean-François Hébert.