Les Républicains le martèlent depuis la sortie de leur bureau politique, mardi soir, qui s’est conclu par l’envoi d’un communiqué, dévoilé presque simultanément avec l’annonce du nom du Premier ministre. Ils veulent poser les termes de leur participation au gouvernement de Sébastien Lecornu, par écrit, à travers un « contrat de gouvernement ». Le Premier ministre, qui a entamé sa fonction par des entretiens bilatéraux avec les partis politiques amenés à soutenir son action, se montrerait favorable à ce principe, selon les patrons des deux groupes LR qui l’ont rencontré mercredi soir.
L’objectif du parti de droite est simple : poser un cadre clair dès le début, une feuille de route qui a manqué sous François Bayrou. Juste avant de tomber à l’Assemblée nationale en début de semaine, l’ex-Premier ministre avait affirmé que son gouvernement n’avait connu « pas une seule crise ». Un propos loin d’être exact, quand on connaît les sujets de divergences qui sont apparus au sein du socle commun. « Avec lui, on s’est fait trimbaler, avec la loi PLM (Paris Lyon Marseille), ou encore la proportionnelle », n’a pas oublié le sénateur LR Max Brisson.
« Jusqu’à maintenant, on a fait tout à l’envers » : LR ne veut pas reproduire l’expérience Bayrou
« Avant de parler du casting, on va parler d’un contrat de gouvernement. On a considéré que jusqu’à maintenant, on a fait tout à l’envers », juge rétrospectivement la porte-parole du parti, la sénatrice LR Agnès Evren, invitée de Public Sénat ce 11 septembre. « On nous aurait dit, le gouvernement de François Bayrou va avoir comme bilan et comme feuille de travail, comme principale loi, la loi sur la fin de vie et rien d’autre, je pense que la position des députés de la Droite républicaine aurait été autre », s’est également plaint hier matin sur Europe 1, leur patron Laurent Wauquiez. Ce dernier demande un contrat pour, notamment, éviter les « compromissions ».
Le parti dirigé par Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur sortant, imagine une feuille de route organisée autour de trois grands axes : la réduction de la dépense publique, des mesures en faveur de la sécurité et de la lutte contre l’immigration, et pour finir, un accent mis sur la revalorisation du travail, afin que ce dernier paye mieux que « l’assistanat », selon la formule utilisée par LR.
« Je pense qu’en quelques jours, nous pouvons lister les cinq ou six dossiers sur lesquels nous pouvons nous mettre d’accord, travailler, exécutif et législatif », a décliné Gérard Larcher, ce matin sur BFM-TV et RMC. Le président du Sénat suggère également de se pencher sur « l’organisation de l’État, la décentralisation, la déconcentration ».
Le budget 2026, la priorité des priorités, avec quelques assouplissements au programme
Le contrat de gouvernement devra aborder en premier lieu la question brûlante du budget 2026. C’est l’urgence du moment, le projet de loi doit être présenté début octobre au Conseil des ministres, pour pouvoir tenir les délais d’examen fixés par la Constitution. « C’est ce qui est au-dessus de la pile. Les Français nous demandent, et souhaitent ardemment que le Parlement vote un budget pour le 31 décembre », insiste le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson (LR). LR a une exigence principale : que la future loi de finances « priorise la baisse de la dépense publique ».
Pour le reste, les Républicains semblent disposés à mettre de l’eau dans leur vin et à prendre quelques distances avec l’ébauche budgétaire présentée à la mi-juillet par l’ancien Premier ministre. La question du quantum d’efforts budgétaires à réaliser l’an prochain a d’ailleurs été évoquée ce jeudi, lors d’une réunion de groupe en visioconférence, regroupant sénateurs et députés LR, avec la participation du président du parti, Bruno Retailleau. « La période est tellement confuse, il y a une telle colère fiscale, qu’aujourd’hui on se dit que tout est remis à plat pour aboutir à un budget dès le 13 octobre. On va se poser la question : 44 milliards d’euros, pourquoi ? Est-ce qu’on peut faire moins, et si c’est possible, on le fera », annonce la sénatrice Agnès Evren.
Une mue s’opère également sur le terrain des recettes fiscales. L’idée d’aller dans le sens d’une plus grande contribution des foyers fiscaux les plus aisés n’est plus un tabou. Le débat sur la justice fiscale « ne date pas d’aujourd’hui », veut toutefois rappeler Jean-François Husson. « On va essayer de voir jusqu’où on peut aller, sur quel type de réponse, mais ce n’est pas la réponse de la taxe Zucman », prévient-il, en référence à ce projet de taxe de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches, porté par la gauche.
Certains LR semblent avoir intégré qu’un mécanisme devra en tous les cas être trouvé. « Sébastien Lecornu va probablement essayer de faire plaisir aux socialistes avec une mesure fiscale. On ne va pas forcément cautionner une hausse fiscale, sauf éventuellement de façon très sporadique ou temporaire », pressent un sénateur du groupe LR.
La droite toujours attachée au projet d’une allocation sociale unique
En matière d’écart entre les revenus tirés du travail et les allocations de solidarité, LR en fait également un marqueur fort. « Il faut plafonner les allocations. Les revenus du travail doivent toujours être supérieurs d’au moins 30 % aux revenus de l’assistance », déclarait leur président Bruno Retailleau le 7 septembre, à l’université d’été du parti au Port-Marly (Yvelines). Pour faciliter ce travail de comparaison, LR défend la création d’une allocation sociale unique, qui fusionnerait tous les dispositifs existants.
Le contrat de gouvernement devrait aussi, à leurs yeux, être catégorique sur le refus d’un épouvantail institutionnel. « Je ne veux pas qu’on renoue avec les vieux démons de la IVe République. Et donc dans la feuille de route du premier ministre il doit être très clair qu’il n’y a pas la proportionnelle. La proportionnelle, c’est ce qui garantit l’instabilité politique dans un pays », déclarait hier sur Europe 1 Laurent Wauquiez.
Sur le front de la sécurité, les Républicains réclament notamment une loi pénale, pour sanctionner les premiers délits par des peines minimales, ou encore la reprise du projet de loi par François-Noël Buffet (Intérieur) pour étendre les prérogatives des polices municipales. LR demande également de la fermeté sur la maîtrise des flux migratoires, ou encore une réforme en profondeur de l’Aide médicale d’État (AME), pour en restreindre le panier de soins, sur la base des préconisations du rapport Évin-Stefanini.
Mais ce totem pourrait très bien ne plus en être un demain. « Ils sont prêts à s’asseoir sur certaines choses, notamment l’AME », affirme un membre du groupe. « Ils ne sont plus aussi arc-boutés, plus personne ne parle de lignes rouges, on parle plutôt de lignes vertes », poursuit cette source.