Secret de l’instruction: amende requise contre la juge Prévost-Desprez
Une condamnation de principe à une peine d'amende a été requise jeudi contre la magistrate Isabelle Prévost-Desprez, rejugée en appel à Bordeaux...

Secret de l’instruction: amende requise contre la juge Prévost-Desprez

Une condamnation de principe à une peine d'amende a été requise jeudi contre la magistrate Isabelle Prévost-Desprez, rejugée en appel à Bordeaux...
Public Sénat

Par Régine LAMOTHE

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Une condamnation de principe à une peine d'amende a été requise jeudi contre la magistrate Isabelle Prévost-Desprez, rejugée en appel à Bordeaux pour "violation du secret professionnel" lors de son enquête sur l'affaire Bettencourt, ce qu'elle a toujours nié.

La juge "iconique", comme l'a décrite dans son réquisitoire le procureur Pierre Nalbert, encourt une peine maximale d'un an de prison et 15.000 euros d'amende. Elle sera fixée sur son sort le 23 mars.

La juge Prévost-Desprez a envoyé un SMS au journaliste du Monde Jacques Follorou, ici à Bruxelles le 5 septembre 2013, pendant une perquisition chez Liliane Bettencourt
La juge Prévost-Desprez a envoyé un SMS au journaliste du Monde Jacques Follorou, ici à Bruxelles le 5 septembre 2013, pendant une perquisition chez Liliane Bettencourt
AFP/Archives

Mme Prévost-Desprez est soupçonnée d'avoir révélé, dans des SMS, les détails d'une perquisition effectuée au domicile de la milliardaire Liliane Bettencourt, héritière du groupe de cosmétiques L'Oréal, le 1er septembre 2010. Une opération relatée le jour même dans Le Monde par le journaliste Jacques Follorou, ami de la magistrate.

Au procès en première instance, en juin 2015, le procureur Pierre Aldigé avait requis une amende de 5.000 euros contre l'ex-juge de Nanterre. Elle avait finalement été relaxée, faute de preuves suffisantes, l'enquête n'ayant jamais pu établir la teneur des SMS incriminés.

Mais le parquet avait fait appel de cette relaxe, relançant ainsi ce volet judiciaire de la tentaculaire affaire Bettencourt.

En concluant son réquisitoire jeudi, M. Nalbert souligne qu"il faut qu'une juridiction dise que Mme Prévost-Desprez a fauté". "Nous sommes convaincus de sa culpabilité", et d'autant plus "convaincus" que Mme Prevost-Desprez "a été prise la main dans le sac", assène-t-il.

"Il y a des éléments précis, datés, et même horodatés, qui mettent en cause Mme Prévost-Desprez", explique le procureur. Allusion notamment à un SMS envoyé par la juge au journaliste du Monde à 9H13, en pleine perquisition.

Le jugement de relaxe évoquait en première instance "des coïncidences troublantes", rappelle le magistrat: "moi, je dis qu'il y a une correspondance factuelle" entre les SMS envoyés à M. Follorou pendant la perquisition et sa divulgation "quasi instantanée" dans un article du Monde.

Il ne se satisfait pas des "explications embrouillées" de la magistrate sur ce point, et demande une condamnation de principe pour sanctionner "un système où l'on peut penser qu'un juge cherche à se protéger avec l'aide de la presse".

- 'Je n'ai jamais cédé' -

"Depuis quand des +explications embrouillées+ ont valeur de preuve?" s'indigne Me François Saint-Pierre, en plaidant la relaxe pure et simple pour Mme Prévost-Desprez.

"Reconnaître sa culpabilité serait une décision en violation du principe constitutionnel de la présomption d'innocence!", lance-t-il.

Le résultat des investigations autour de cette procédure? "Néant! Rien de rien n'a été établi!" insiste Me Saint-Pierre. Et de rappeler avec force que "l'on n'a pas pu établir le contenu des SMS", et notamment celui envoyé pendant la perquisition à M. Follorou. Un SMS crucial, que l'ex-juge de Nanterre décrit depuis le début de la procédure comme une "discussion privée et très légère", sans aucun lien avec ses investigations sur l'affaire Bettencourt.

Invitée par le président de la cour d'appel, Michel Régaldo Saint-Blancard, à s'exprimer une dernière fois à la barre, Mme Prévost-Desprez, aujourd'hui âgée de 57 ans, assure, émue, qu'elle n'a "ni les capacités ni les compétences de manipuler la presse".

"Je suis écoeurée des propos que j'entends car ce n'est pas la vérité." Elle dit avoir vécu "huit ans d'enfer" et se dit "très atteinte", notamment par les "pressions" exercées durant toute son enquête sur l'affaire Bettencourt, visant à l'"achever".

La juge, qui s'intéressait à l'époque aux liens éventuels entre Liliane Bettencourt et le financement de l'UMP (devenu Les Républicains), avait déclaré mercredi à la barre que "toute la procédure était une machination pour obtenir mon dessaisissement" de l'affaire Bettencourt, "avec des objectifs politiques".

Mais "je n'ai jamais cédé", "j'ai exercé toutes mes fonctions en respect de la procédure", a-t-elle insisté jeudi.

Aujourd'hui présidente de la 16e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, elle "ne regrette rien de ce qu'(elle) a fait". "Je suis une femme libre, un magistrat indépendant et je le resterai", assure-t-elle encore d'une voix claire et ferme.

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