Sécurité globale : l’article 24 était « mal rédigé, bien sûr » reconnaît Gérald Darmanin

Sécurité globale : l’article 24 était « mal rédigé, bien sûr » reconnaît Gérald Darmanin

Auditionné par les sénateurs sur le texte au cœur de la polémique fin 2020, le ministre de l’Intérieur, pour qui le temps de la navette parlementaire tombe à pic, est prêt à réécrire l’article 24, tant qu’il assure la protection des policiers. Il souligne cependant les inconvénients d’un dispositif qui s’appuierait sur le Code pénal.
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A la fin de l’année dernière, il était au cœur de la polémique avec l’article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale. Depuis, la tempête est passée. Et c’est un ministre de l’Intérieur au ton presqu’assagi, posé, qui est apparu devant la commission des lois du Sénat, ce mardi soir. Fini le costume du cow-boy.

« Le temps de la navette parlementaire n’aura jamais été aussi bénéfique »

Gérald Darmanin a été auditionné en vue de l’examen par la Haute assemblée du texte qui prévoit un « continuum de sécurité », pour donner un cadre légal à l’utilisation des drones par la police ou renforcer la sécurité privée et la police municipale. Il a surtout poussé des milliers de Français dans la rue. Devant la fronde contre un article 24 accusé de risquer de mettre à mal, du fait de son écriture, la liberté de la presse, le gouvernement a reculé et concédé de revoir sa copie. Ça tombe bien, c’est aussi l’ambition des sénateurs : réécrire « avec les mains » un texte « écrit avec les pieds » avait tancé le sénateur LR Philippe Bas, ancien président de la commission des lois, aujourd’hui remplacé par François-Noël Buffet.

Déjà adoptée par les députés, la proposition de loi (PPL) ne sera examinée dans l’hémicycle du Sénat qu’en mars prochain. « Le temps de la navette parlementaire n’aura jamais été aussi bénéfique, sans doute, à une disposition d’un texte de loi », apprécie le ministre de l’Intérieur, qui saura s’appuyer sur la majorité sénatoriale de droite et du centre. Au cœur du tumulte, les sénateurs expliquaient leur souhait de « faire redescendre la température ». Si le Sénat et la macronie se sont souvent opposés depuis 2017, les deux parties savent être aussi être constructives.

« J’entends que c’est la solution mais le Code pénal sera plus dur que les dispositions qui relèvent du Code de la presse »

Le ministre a rappelé son objectif avec cet article 24 : « Le gouvernement souhaite ardemment que nous puissions continuer à protéger nos forces de l’ordre, d’une manière ou d’une autre ». Reste à voir la meilleure voie. « Que l’article 24 eut été mal rédigé, bien sûr, sinon nous ne serions pas dans cette discussion » a reconnu Gérald Darmanin.

Tel que l’article 24 était rédigé, il y avait « un vrai problème d’équilibre entre les libertés fondamentales et le renforcement de l’autorité de l’autre côté » rappelle le corapporteur du texte, le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse. On connaît déjà la solution proposée : « Nous arrivons à la conclusion qu’il vaut mieux entrer par le Code pénal » pour mieux protéger les policiers, et non passer par la loi de 1881 sur la liberté de la presse, comme le prévoit le texte sorti de l’Assemblée.

Selon le ministre de l’Intérieur, cette solution aurait ses avantages et ses inconvénients. « Si je comprends l’idée du Sénat, d’aller vers le Code pénal, je m’étonne » réagit-il d’abord. « Ça ne veut pas dire que je ne souscrirai pas, éventuellement, à la rédaction proposée par le Sénat ou l’Assemblée. Car le Code pénal a comme énorme avantage de sortir du Code de la presse et de sortir de l’idée, qui n’est pas réelle, mais perçue, que les journalistes puissent être concernés. Le Code pénal permet la garde à vue, que ne permet pas le Code de la presse, et la comparution immédiate, ce que ne permet pas le Code de la presse. J’entends que c’est la solution mais le Code pénal sera plus dur que les dispositions qui relèvent du Code de la presse », met en garde Gérald Darmanin, qui justifie ainsi la première version du texte qui s’appuie sur la loi de 1881. « C’était une cohérence avec la protection des identités des policiers et gendarmes dans l’antiterrorisme ou la grande criminalité. […] Leur protection, quand ils interviennent, est déjà dans le Code de la presse ». Gérald Darmanin ajoute : « Quand j’ai dit ça, je comprends bien que je n’ai pas fait beaucoup de politique mais j’ai fait beaucoup de droit ». Le problème était peut-être là, en novembre dernier. Vouloir en rajouter en provoquant, montrant ses muscles de pilier droit du gouvernement. Bref, faire de la politique.

Darmanin « très défavorable » à une fusion entre l’article 24 et l’article 18 du projet de loi sur le séparatisme

Si le texte sera examiné en mars, du côté du Palais bourbon, les députés plancheront dès janvier sur un autre, le projet de loi sur le séparatisme. Or il comporte un article 25, devenu article 18, qui ne semble pas si éloigné de l’article 24. Il prévoit des peines aggravées quand des fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique sont visés. « Le gouvernement fait-il un lien entre l’article 24 et l’article 18 ? » demande Marc-Philippe Daubresse. Autrement dit, une fusion entre les articles est-elle la porte de sortie trouvée par l’exécutif ? « J’y suis très défavorable » évacue d’emblée le ministre de l’Intérieur. L’article 18 du texte sur le séparatisme a une visée plus large, couvrant aussi les élus ou magistrats. « Il s’agit d’un article Samuel Paty » résume Gérald Darmanin, et pas une mesure seulement pour les policiers, « ce sont deux articles différents ».

Le gouvernement en restera donc à l’article 24. « Quelle que soit la rédaction, ce qui m’intéresse, c’est qu’on puisse continuer à protéger les policiers et les gendarmes » insiste le ministre. Et « tant que le but est atteint, et que tout le monde est rassuré, le gouvernement ne pourra y être que favorable ».

Drones : le Sénat veut « une plus grande protection des libertés publiques »

Un autre article a moins fait parler de lui jusqu’ici. Il n’en est pas moins important. C’est celui sur les drones, l’article 22. Il entend donner un cadre légal à leur utilisation, alors que la Préfecture de police de Paris, déjà équipée depuis des mois, ne s’était pas gênée pour les utiliser bien qu’aucune loi ne l’y autorise… Devant l’insistance du préfet de police de Paris, Didier Lallement, à faire voler ses engins, le Conseil d’Etat a interdit en décembre l’usage de ces joujoux pour la surveillance des manifestations. La loi entend combler ce vide juridique pour que le préfet puisse faire redécoller ses drones.

« En montagne, comme sur les littéraux, ils sont utiles pour des questions de sauvetage ou de surveillance des frontières, ou pour le Raid et le GIGN », souligne le sénateur UDI Loïc Hervé, autre corapporteur. Mais pour leur utilisation dans la gestion de l’ordre public, il est moins emballé. « Quand vous regardez le texte, on a une liste à la Prévert qui met tout dans le même sac. La liste est impressionnante » s’étonne le sénateur centriste de la Haute-Savoie. Loïc Hervé attend du gouvernement « un minimum de garanties pour préserver les questions de liberté publiques et privées, avec des garanties de contrôle et d’encadrement ». Les sénateurs « réfléchissent » encore à la formule, mais ils veulent apporter « une plus grande protection des libertés publiques » dans « l’ancrage législatif » des drones.

Beauvau n’entend pas se priver de ces nouvelles technologies. « Je serai étonné que seuls les forces de l’ordre n’aient pas le droit d’utiliser les drones » souligne le ministre. Mais « je suis tout à fait prêt à mettre davantage de garanties » assure un Gerald Darmanin qui a, pour le moment, laissé le gyro au vestiaire.

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