Comme attendu, la sénatrice LR Muriel Jourda a été élue, ce mercredi matin, nouvelle présidente de la commission des lois du Sénat, succédant à François-Noël Buffet, nommé ministre des Outre-Mer du gouvernement Barnier. C’est la première femme élue à ce poste. La commission des lois est l’une des plus importantes. C’est elle qui suit toutes les questions régaliennes. Muriel Jourda a obtenu 27 voix, contre 14 pour son concurrent socialiste, Jérôme Durain. Mais on compte aussi 8 abstentions…
« Il semblerait qu’il y ait quelques soucis dans le socle gouvernemental, ici aussi »
L’issue ne faisait plus de doute, après le vote interne au groupe LR, la semaine dernière, pour désigner son candidat. La sénatrice du Morbihan l’a remporté au deuxième tour par 69 voix contre 59 pour Philippe Bas, qui avait déjà occupé la présidence de la commission des lois.
Sur le fond, c’est une ligne plus dure que celle de François-Noël Buffet qui sera représentée avec Muriel Jourda. Proche de Bruno Retailleau politiquement, elle s’était opposée à l’inscription de l’IVG dans la Constitution et avait été corapporteure du texte immigration au Sénat, d’où le projet de loi était ressorti considérablement durci.
Reste qu’avec 27 voix, il manque sur le papier une voix, comparé au total de la majorité sénatoriale (19 LR et 9 Union centriste). Quant aux autres abstentions, elles viendraient en partie, selon des sources parlementaires, des deux sénateurs communistes. Mais plusieurs sénateurs pensent qu’il a aussi manqué des voix du côté de la majorité gouvernementale, avec le groupe RDPI (Renaissance) et des Indépendants (qui compte notamment des Horizons). Mais tout cela reste théorique. « L’avantage de ce résultat, c‘est que tout le monde peut se cacher derrière », fait remarquer une sénatrice, « mais il semblerait qu’il y ait quelques soucis dans le socle gouvernemental, ici aussi ».
Les centristes ont « joué le jeu »
Au groupe Union centriste, certains voient d’un mauvais œil son arrivée à la tête de la commission, la jugeant trop à droite. Faut-il chercher de ce côté pour trouver les abstentions ? Chez les centristes, on assure que « le groupe a voté pour Muriel Jourda. On a joué le jeu ». Mais « par définition, on ne sait pas d’où viennent ces abstentions. Ça peut venir de n’importe quel groupe, y compris du sien », note un sénateur. Le vote est en effet à bulletins secrets.
Les sénateurs du groupe Union centriste ne pouvaient pas voter contre elle, en vertu de l’accord de majorité qui lie le groupe LR aux centristes, qui leur permet d’avoir des postes, comme la délégation aux collectivités, qui reste à un centriste, avec Bernard Delcros, après la nomination de Françoise Gatel au gouvernement. Dans le cas contraire, ce serait de nature à briser la majorité de Gérard Larcher. « On ne va pas devenir l’Assemblée. Il y a des accords de fonctionnement », lance un centriste, en référence aux bisbilles entre députés LR, Renaissance et Modem, où un accord a été mis à mal.
« Je ne suis pas sûre que Muriel Jourda était la candidate de Bruno Retailleau »
A l’annonce de sa désignation par le groupe LR, la semaine dernière, un sénateur du groupe y voyait la main du nouveau ministre de l’Intérieur, qui était jusqu’ici à la tête des sénateurs LR. « Donc Retailleau tient toujours le groupe », glissait ce sénateur à l’annonce du résultat. Une lecture qui n’est aujourd’hui pas forcément partagée par un ministre, interrogé sur le sujet. « Je ne suis pas sûre que Muriel Jourda était la candidate de Bruno Retailleau », avance ce membre du gouvernement… et ancien du Sénat. Et de rappeler au passage que « la désignation de Mathieu Darnaud, pour succéder à Bruno Retailleau, n’était pas ce qui était prévu… » Roger Karoutchi devait dans un premier temps prendre l’intérim, avant qu’une petite révolution de Palais pousse le sénateur LR de l’Ardèche à prendre son risque et à se présenter.
Muriel Jourda devrait assez vite pouvoir apporter sa marque aux travaux de la commission. Bruno Retailleau compte en effet défendre un nouveau texte immigration. Et le véhicule législatif choisi ne sera pas forcément un projet de loi, soit un texte d’origine gouvernemental. Comme nous l’expliquions, ce pourrait bien être une proposition de loi, pourquoi pas issue du Sénat.