Au Sénat, le RDSE (Rassemblement Démocratique et Social Européen) est un groupe parlementaire à part. Composé principalement (mais pas seulement) de membres de la famille des radicaux, de centre-gauche, et dans une moindre mesure de tendance valoisienne (centre-droit), le groupe se caractérise par une liberté totale de vote et d’expression. Transpartisan, il se distingue par le côté hétéroclite des tendances politiques qu’il accueille : il comprend également des anciens socialistes et des personnalités centristes. Humanisme, laïcité et tolérance font partie des grands principes auxquels il est attaché, selon sa déclaration politique.
Il est surtout l’héritier direct de la Gauche démocratique, ce groupe créé en 1892, qui a évolué dans sa dénomination au fil du temps, jusqu’à devenir en 1989, le groupe du Rassemblement démocratique européen (RDE), puis en 1995, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE). Cette ancienneté, reposant sur le radicalisme, en fait le plus vieux groupe au Parlement encore en activité.
Les sénatoriales de 2017 avaient été une bonne moisson pour le groupe RDSE, qui était passé de 16 à 21 membres, notamment à la faveur d’un rapprochement entre les radicaux de gauche et les radicaux valoisiens. Ses effectifs ont ensuite fluctué, à la hausse, grâce au renfort de sénateurs, venus notamment du groupe socialiste. Comment aborde-t-il les prochaines élections ?
Le taux de renouvellement le plus important parmi tous les groupes du Sénat
De tous les groupes du Sénat, le groupe RDSE est celui qui sera le plus concerné, proportionnellement, par les élections sénatoriales du 27 septembre prochain. Sur ses 24 membres, 14 mandats sont remis en jeu, soit 58,3 % des effectifs. Mathématiquement, c’est donc sur ce groupe singulier que pèsent potentiellement le plus de dangers. Pour exister, un groupe doit réunir au minimum dix sénateurs.
Avant même l’élection, le groupe s’attend à perdre deux de ses membres : les écologistes Ronan Dantec (Loire-Atlantique) et Joël Labbé (Morbihan). Orphelins depuis la disparition du groupe écologiste en 2017, ils devraient participer à la renaissance logique de ce dernier, rendue possible avec l’arrivée attendue de nouveaux sénateurs dans les départements marqués par la poussée des Verts aux municipales.
Pour les membres renouvelables du RDSE, la plupart vont solliciter un nouveau mandat, et pourront donc s’appuyer dans leur campagne sur leur bilan et leur notoriété. Mais trois ont décidé de ne pas rempiler : Yvon Collin (Tarn-et-Garonne), Josiane Costes (Cantal) et Joseph Castelli (Haute-Corse). Dans ces trois départements ruraux, le nombre de sièges est très réduit, l’élection s’y déroule au scrutin majoritaire à deux tours : les places seront chères. La Haute-Corse est d’ores et déjà perdue pour le groupe puisque le Mouvement radical n’a présenté aucun candidat cette année, selon le président du groupe RDSE, Jean-Claude Requier.
Des difficultés à prévoir dans certaines circonscriptions
Chez les sénateurs RDSE candidats à leur succession, l’équation apparaît compliquée dans les Bouches-du-Rhône. Dans ce département représenté par huit élus au palais du Luxembourg, le groupe RDSE y compte trois de ses sénateurs sortants. Tous se présentent sous la bannière de Jean-Noël Guérini (liste « 13 au cœur ») : Mireille Jouve est en deuxième position, Danièle Garcia (qui a succédé à Michel Amiel, démissionnaire en août) est en quatrième position. En 2014, lors des précédentes sénatoriales, la liste de Jean-Noël Guérini (La Force du 13) avait obtenu 30 % des suffrages exprimés, soit trois sièges au Sénat. La présence d’une liste d’union de la gauche de Jérémy Bacchi, où se trouve symboliquement la nouvelle maire de Marseille Michèle Rubirola, a de grandes chances de mobiliser une part importante des grands électeurs de gauche, au détriment des candidats emmenés par Jean-Noël Guérini, et par ricochet du groupe RDSE.
La situation est également difficile, à Saint-Martin, pour le sénateur sortant Guillaume Arnell, après les élections locales de 2017. « C’est compliqué car il n’est pas dans la majorité du conseil territorial », observe Jean-Claude Requier.
« Ce sont des candidats de terrain qui devraient ressortir » : l’optimisme du président du groupe
Malgré quelques inquiétudes ici ou là, et « un peu de trac » inhérent à chaque rendez-vous électoral comme il le souligne, le président du groupe affiche sa « confiance » pour l’essentiel de ses troupes. C’est notamment le cas pour des profils tels que Nathalie Delattre en Gironde (secrétaire générale du Mouvement radical), Françoise Laborde en Haute-Garonne ou Henri Cabanel dans l’Hérault. « Nos candidats sont en campagne de manière très active. Ils se battent avec beaucoup d’ardeur et de détermination. Ce sont des candidats de terrain qui devraient ressortir. Surtout dans le monde rural, les grands électeurs sont des gens indépendants », espère le sénateur du Lot, réélu dès le premier tour en 2017 pour sa part. Pas d’ambitions de progression du point des effectifs, « ce sera plus difficile » qu’un maintien, juge-t-il.
Avec 14 renouvelables sur 24, la marge de sécurité devrait être suffisante pour assurer la pérennité du groupe, malgré la perte très probable des deux sénateurs écologistes. Mais d’autres départs sont-ils à craindre ? « On espère que non. On a une bonne entente et convivialité. Il y a une liberté de vote, on se respecte », insiste Jean-Claude Requier.
Autre interrogation : le vote sur la politique du gouvernement le 13 juin 2019 (12 sénateurs RDSE ont alors voté pour) présage-t-il aussi d’éventuels retraits du groupe ? « L’évasion vers La République en marche, je n’y crois pas », réplique aussitôt Jean-Claude Requier. Le précédent de 2017 est parlant. 11 des 17 membres avaient parrainé Emmanuel Macron pour la présidentielle, ce qui n’a pas empêché la stabilité du groupe. « Il est hors de question d’aller se dissoudre ailleurs. Surtout que le ailleurs, on ne le connaît pas », expliquait alors à Public Sénat Françoise Laborde (Parti radical de gauche).
Héritier d’une longue histoire, le groupe RDSE a déjà eu des sueurs froides par le passé après des élections sénatoriales : à chaque fois, ce groupe historique s’en est sorti. En 2004, la question d'une possible disparition se posait déjà, à une époque où la barre pour former un groupe était plus haute qu’à l’heure actuelle. Jusqu’en 2011, la barre était fixée à quinze et non dix sénateurs. Sur 17 membres, 7 sièges étaient renouvelables : une menace bien plus réelle que le scénario de 2020. En 2008 également, les heures du RDSE étaient comptées à mesure qu’une sécession de l’aile du PRG était envisagée. L’abaissement d’un minimum de 10 sénateurs en 2011 lui avait permis de se maintenir.