Chateauneuf sur Isere: Jean-Luc Melenchon at the 3rd day of the Amfis summer university LFI

Sénatoriales 2023 : LFI a-t-elle fait perdre des sièges à la gauche, et combien ?

En présentant des candidats aux élections sénatoriales dans tous les départements, faute d’avoir trouvé un accord avec le PS, EELV et le PCF, LFI a mécaniquement fait perdre deux sièges au PCF, et un voire deux à EELV. « LFI punit la gauche de 10 sièges », lance le communiste Pierre Ouzoulias. « Ils tiennent LFI pour responsable. Il ne faut quand même pas renverser l’histoire », recadre la sénatrice EELV Raymonde Ponce Monge, qui pointe l’absence d’accord.
François Vignal

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La gauche est toute proche d’atteindre son objectif d’un total de 100 sénateurs, contre 92 aujourd’hui, après les élections sénatoriales. Il faut attendre de voir la composition définitive des groupes pour savoir combien pèsent exactement les socialistes, les écologistes et les communistes (lire notre article sur la composition des groupes). Mais sans les candidats de La France Insoumise, présentés dans tous les départements, la gauche aurait-elle déjà atteint ce seuil des 100 sénateurs ? Autrement dit, LFI a-t-il fait perdre des sièges à la gauche ?

« Notre demande, c’était un sénateur. Franchement, accepter de se faire passer dessus comme ça, c’est compliqué »

Pour comprendre comment la gauche en est arrivée là, il faut remonter un peu le fil. Avant l’été, PS, EELV et PCF discutent des sénatoriales. LFI est d’abord dans la boucle. Mais rapidement, les discussions se font sans les Insoumis. PS et PCF concluent les premiers un accord national, à la mi-juin, dans une série de départements. Trois semaines plus tard, même chose avec EELV, qui rentre dans l’accord. Et avec LFI ? Rien. La faute à leur très faible poids en termes de grands électeurs.

Si LFI caracole en tête, au sein de la gauche, lors de la présidentielle, c’est un poids plume au niveau local. LFI a délaissé son implantation dans les communes et le paie cash à l’heure des sénatoriales. Résultat, LFI n’a pas assez de grands électeurs pour faire élire un seul sénateur. Conscient de leur faiblesse, Paul Vannier, responsable des élections chez les Insoumis, nous expliquait que son parti avançait avec de faibles prétentions : avoir un seul siège de sénateur, gagné sur la droite. Ils demandaient le Puy-de-Dôme, où socialistes et communistes se sont finalement entendus de leur côté.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais LFI ne l’entend pas ainsi. Au dernier moment, dans les jours qui précédent la date limite de dépôt, le parti de Jean-Luc Mélenchon décide de présenter des candidats insoumis partout. Au risque de faire perdre des sièges à la gauche. Et c’est bien ce qu’il s’est passé. Du moins mathématiquement. « Notre demande, c’était un sénateur. Franchement, accepter de se faire passer dessus comme ça, c’est compliqué », confiait deux jours avant le scrutin un responsable de LFI, qui assumait le risque de faire perdre des sièges aux alliés de la Nupes :

 La prochaine fois, ils réfléchiront… 

Un responsable de LFI.

La gauche perd un siège à 2 voix près dans les Hauts-de-Seine et à 9 voix en Essonne

C’est le cas dans les Hauts-de-Seine, où après recomptage, la gauche perd un siège à seulement deux voix près ! Le sénateur sortant communiste, Pierre Ouzoulias est réélu. Mais sa seconde de liste, Catherine Candelier, membre d’EELV, reste devant les portes du Palais du Luxembourg. La liste de gauche fait 439 voix, contre 441 pour celle du centriste Hervé Marseille. Quant à la liste LFI, elle fait 56 voix. Mais il existe une autre liste de gauche, qui totalise 17 petites voix.

En Essonne, la liste menée par le socialiste David Ros loupe aussi de très peu le deuxième siège. C’est ici la communiste Sara Ghenaïm qui en fait les frais, « à neuf voix près ». « Le choix de LFI de monter une liste, a eu un double effet pervers : empêcher une jeune femme, féministe, militante syndicale, issue des quartiers populaires, de devenir la plus jeune sénatrice de France, tout en offrant sur un plateau à Jean Raymond Hugonet, sénateur sortant LR, sa réélection », a écrit sur X (ex-Twitter) celle qui aurait été la benjamine du Sénat, à 28 ans.

Perte en Isère et dans le Nord

Le PCF, avec qui la tension est à son comble avec LFI au plan national, perd un autre élu en Isère. Derrière le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard, figurait Frédérique Penavaire. La liste fait 714 voix, quand celle de LFI fait 133 voix. Ce qui a profité au sortant Renaissance, Didier Rambaud, qui sauve finalement son siège « à 40 voix près », glisse Guillaume Gontard.

Quatrième cas, cette fois à nouveau au détriment d’Europe Ecologie Les Verts : dans le Nord. La liste écologiste de Céline Scavennec loupe l’élection… à 5 voix seulement, au profit du sortant UDI, Olivier Henno. Or la liste LFI menée par le député Ugo Bernalicis fait 91 voix. Mais la situation est plus complexe dans le Nord, car la liste de la dissidente PS, la sénatrice Martine Filleul, fait 292 voix. Si elle les prend surtout au président du groupe PS, Patrick Kanner, elle en a peut-être fait perdre quelques-unes aussi aux écolos. Sans oublier la liste du divers gauche Luc Waymel, qui totalise 126 voix.

LFI renvoie la responsabilité sur les autres partis et l’absence d’accord pour les sénatoriales

Du côté de LFI, on récuse toute responsabilité. Et on retourne la politesse. « Le choix de division fait par les socialistes, écologistes et communistes et l’éparpillement des listes coûtent aux composantes de la NUPES une demi-douzaine de sièges et aident à la progression de l’extrême droite au Sénat », soutient le parti dans un communiqué. Sur France 3, dimanche soir, le député LFI Paul Vannier est allé plus loin dans le décompte. « On réfléchira aux conséquences de ce choix de la division. C’est la ligne de la vieille gauche qui s’est imposée ce soir. Et elle coûte aux forces de la Nupes presque 10 sièges au Sénat, dans le Nord, en Isère, dans les Hauts-de-Seine, en Essonne, dans beaucoup de départements, nous aurions pu, unis, faire mieux. C’est la proposition que nous avions mise sur la table. J’ai le regret de constater qu’elle a été écartée », affirme le Monsieur élections des Insousmis.

Des propos que récuse Patrick Kanner. « C’est faux. Au contraire, nous n’aurions pas perdu un siège, en Essonne, s’il n’y avait pas eu LFI », a répliqué le président du groupe PS, ce lundi matin, sur la matinale de Public Sénat. Le sénateur PS du Nord ajoute : « LFI est en train de nous faire un nuage, qui n’est pas la réalité ». Regardez :

« LFI fait perdre deux sièges communistes et un vert », pointe le communiste Pierre Ouzoulias

Le communiste Pierre Ouzoulias garde lui un goût amer de sa victoire de la veille, dans les Hauts-de-Seine, où il a donc manqué deux petites voix pour faire deux sièges. « Sans LFI, les écologistes auraient fait un siège de plus », dénonce le sénateur PCF, qui a fait une proposition aux insoumis. « Je peux apporter la preuve matérielle que je leur ai proposé par écrit une place sur la liste, qu’ils ont refusée. Je les ai rencontrés, ils m’ont dit que ce n’était pas le local qui allait décider, mais le national. Il y a deux logiques qui s’affrontent : une logique de terrain, proche des élus. Et une logique de politicaillerie nationale ».

« Leur problème fondamental, c’est qu’ils ne connaissent pas le Sénat. C’est la première sénatoriales à laquelle ils participent. Jean-Luc Mélenchon voulait dans son programme supprimer le Sénat. On ne peut pas, pendant 20 ans, être très dur vis-à-vis du Sénat, et arriver six mois avant et dire je veux un poste. Et après, il y a des grands électeurs. Ils ne l’ont pas compris. Ils ont abordé les sénatoriales comme des législatives, où on met un candidat, et c’est comme ça », pointe du doigt Pierre Ouzoulias

Reprenant le décompte de Paul Vannier, le sénateur communiste estime que « LFI punit la gauche de 10 sièges ». Du moins, a minima, « ils font perdre deux sièges communistes et un vert. Et au Sénat, trois ou quatre postes de sénateurs, ça se prend. On aurait été à 20, ça n’aurait pas été ridicule. Mais je pense que LFI ne le voulait pas. C’était « on va leur faire la peau » », lance Pierre Ouzoulias.

L’écologiste Raymonde Poncet-Monge pointe le refus « d’une partie du PS et du PCF » d’un accord avec LFI

Alors est-ce la faute aux méchants Insoumis ? Pour la sénatrice EELV Raymonde Poncet-Monge, c’est une lecture biaisée. « Si on dit que leur présence dans toutes les circonscriptions a fait, à la marge, perdre plusieurs sièges à la gauche et aux écologistes, c’est factuel, c’est vrai », commence la sénatrice du Rhône. Mais pour l’écologiste, c’est bien l’absence d’accord avec LFI qu’il faut blâmer. « Ils tiennent LFI pour responsable. Il ne faut quand même pas renverser l’histoire. Ils pleurent sur les effets en chérissant la cause : refuser une seule place de conquête à LFI, qui était leur demande. Mais tous les partis traités avec autant de mépris auraient fait ça ensuite », soutient Raymonde Poncet Monge. Selon l’élue du Rhône, l’accord passé à trois, sans LFI, « n’était pas la position d’EELV, qui a dû s’y soumettre pour conclure l’accord ». Elle dénonce « le fait qu’une partie du PS et une partie du PCF aient mis comme condition qu’il n’y ait pas un seul LFI au Sénat ». Raymonde Ponce Monge ajoute :

 C’est une grave erreur politique. LFI n’était nullement gourmand. 

Raymonde Ponce Monge, sénatrice EELV du Rhône.

Elle fait aussi le parallèle avec l’arrivée du RN, qui a pu profiter, dans le Nord notamment, de la multiplication du nombre de listes. Cela a pour conséquence de faire baisser le ticket d’entrée pour avoir un siège, c’est-à-dire le nombre de voix. « Ça ne gêne pas que le RN mette trois pieds dans le Sénat, alors qu’une partie du PS et du PCF ne voulait pas que LFI en mette un… » insiste la sénatrice écolo. Si LFI n’a pas d’élu à la Haute assemblée, elle a au moins trouvé une défenseure.

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