Ça tangue pour la Nupes. Alors que Jean-Luc Mélenchon juge « possible » une fin de la Nupes, face aux discussions compliquées pour les européennes, les sénatoriales du 24 septembre prochain devraient prendre le même chemin. A moins de renommer la Nupes, la Non Union Pour Elections Sénatoriales. Car la proposition mise sur la table par La France Insoumise d’une Nupes pour le renouvellement de la Haute assemblée fait un flop. En réalité, on ne sera pas totalement surpris. Ce scrutin, où la moitié des sièges du Sénat seront renouvelés, répond aussi, et avant tout, à des logiques locales. Et le corps électoral, composé à 95% des conseillers municipaux, n’est pas en faveur de LFI, qui a très peu de grands électeurs.
Qu’importe. Le parti de Jean-Luc Mélenchon aimerait transposer sa stratégie des législatives aux sénatoriales. Mais pour l’heure, aucun accord ne se dessine entre le PS, EELV ou le PCF. Et on voit mal un retournement de situation. « On demande que nos partenaires reviennent à la raison. Et que la responsabilité l’emporte sur la tentation de la désunion. Au fond, notre proposition de faire des listes Nupes nous paraît encore plus pertinente aujourd’hui », soutient le député Paul Vannier, chargé des élections pour LFI. Il ajoute :
« Nos demandes sont très modestes : entrer au Sénat, en identifiant au moins un siège de conquête pour LFI »
Le parti n’a aujourd’hui aucun sénateur. Et LFI a conscience de son poids politique pour les sénatoriales, qui est en réalité proche de zéro. « Nos demandes sont très modestes : entrer au Sénat, en identifiant au moins un siège de conquête », résume Paul Vannier. LFI a d’abord pensé à la cinquième place du Nord en cas d’union, mais la gauche part déjà divisée, ou à un siège du côté des Français établis hors de France. Puis, LFI a tout misé du côté du Massif central. « Ce siège de conquête, on l’avait trouvé, avec la deuxième position sur la liste du Puy-de-Dôme. On avait un bon profil de candidat, avec Tony Bernard, maire LFI de Châteldon, sachant que cette seconde place n’est pas forcément éligible. Mais même ça nous a été refusé par nos partenaires, en particulier par le Parti communiste qui a bloqué la semaine dernière », pointe du doigt Paul Vannier, qui soutient que « le PS était ouvert à cette hypothèse. Et le PCF, qui l’envisageait dans un premier temps, a rétropédalé. Ils veulent maintenant d’abord un accord national entre le PCF, le PS et EELV, avant de continuer les discussions avec nous. Il y a une volonté de nous marginaliser ». Du côté du Parti communiste, on ne souhaite pas faire de commentaire. « On est en discussion avec eux. Rien n’est clos », se limite-t-on à dire du côté du PCF.
Dans le Puy-de-Dôme, le sortant PS Jacques-Bernard Magner ne se représentant pas, c’est la socialiste Marion Canales, adjointe au maire PS de Clermont-Ferrand, qui mènera la liste. Elle connaît déjà bien le Sénat pour avoir été la collaboratrice de François Rebsamen, quand l’ex-socialiste était sénateur. Et la seconde place de sa liste revient finalement au… Parti communiste, avec Eric Dubourgnoux, comme l’a annoncé La Montagne dimanche dernier.
« Le PS fait de nombreux efforts »
Du côté de la direction du PS, on n’a jamais cru à l’idée d’une Nupes sénatoriales, car elle ne serait « pas transposable » à ce scrutin spécifique. Mais on assure croire encore à l’union, là où cette dernière est possible. « Je cherche et je vais chercher jusqu’au bout, à ce que nous ayons pour ces sénatoriales un accord de la gauche, de toute la gauche et des écologistes, qui permet de faire progresser le groupe socialiste au Sénat, c’est ma priorité numéro 1. Ensuite, ma priorité numéro 2, c’est de permettre par l’implantation territoriale du PS, de faire progresser l’ensemble de la gauche et des écologistes, pour avoir un objectif de 100 sénateurs de gauche. Et pour cela, je regarde dans l’ensemble des départements quelles sont les configurations politiques en termes de réalité électorale », avance Pierre Jouvet, secrétaire général du PS et chargé des élections.
« Dans les propositions faites par le PS aux écolos et au PCF, le PS fait de nombreux efforts. Si nos partenaires de gauche faisaient les mêmes efforts, nous arriverions à cet objectif partagé. Je vais continuer de pousser pendant tout le week-end. Et là-dedans, LFI peut avoir une place dans des endroits où ils ont des élus », ajoute le Monsieur élections du PS.
« Ce qu’ils méritent potentiellement, c’est zéro sénateurs »
Mais cette place, certains au PS aimeraient la voir la plus petite possible. « LFI ne peut pas réclamer un sénateur sur la base de ses grands électeurs, nulle part en France. C’est un constat objectif », affirmait début février à publicsenat.fr Patrick Kanner, à la tête du groupe PS du Sénat.
Certains ont aujourd’hui la même vision. « C’est assez extraordinaire d’avoir voulu imposer aux législatives un rapport de force en disant on vous donne ce que vous méritez et pas plus. Et pour les sénatoriales, ce qu’ils méritent potentiellement, c’est zéro sénateur », soutient un socialiste, qui renvoie « au corps électoral des municipales de 2020, qui font qu’il n’y a pas de sénateur LFI. C’est comme ça ». Le même rappelle au passage que Jean-Luc Mélenchon voulait dans son programme présidentiel « supprimer le Sénat »…
Pour EELV, il « semble légitime que LFI puisse être représenté au Sénat », mais…
Du côté des écologistes, on se montre plutôt ouvert. Du moins sur le papier. « Depuis le début, on a été très clair avec LFI. Il nous semblait légitime que LFI puisse être représenté au Sénat, au regard de leur poids, ce qu’ils représentent à l’Assemblée, du score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. Mais le problème, c’est qu’ils ont fait l’impasse sur les élections locales. De fait, ils ont très peu d’élus locaux et donc de grands électeurs. Et on ne peut pas imposer aux grands électeurs de voter LFI », souligne Olivier Bertrand, chargé des élections chez Europe Ecologie-Les Verts (EELV), qui ajoute l’importance d’avoir « un candidat légitime, donc un élu local qui a un peu d’envergure ».
Si personne à gauche n’est prêt à faire cadeau d’un siège de sortant à LFI – ce que la formation assure n’avoir jamais demandé – EELV affiche encore quelques pistes d’accord possibles. « Maintenant, ils essaient de voir avec nous ce qu’on peut faire en Ile-de-France. Ils ont compris que la négociation générale va être compliquée, mais il faut voir où on peut avoir des listes communes avec eux. Cela dépendra aussi des discussions avec le PS et le PCF », avance Olivier Bertrand, qui évoque une autre piste : « LFI demande le Jura et nous, on est prêt à faire un effort ». De son côté, le socialiste Pierre Jouvet se dit « favorable à ce que nous ayons un accord avec LFI pour les Français de l’étranger par exemple » mais aussi « dans le département du Jura », département au scrutin majoritaire où la gauche n’a aucun sortant.
Fumée blanche ? Pas vraiment. « Nos partenaires sont gentils, ils sont prêts à nous soutenir partout où on est sûr que nous n’y arriverons pas. C’est bien ça le problème », rétorque Paul Vannier, avant d’ajouter :