PARIS. Marine Le Pen prostest in front of French senat
Marine Le Pen, lors d'une manifestation du RN, devant le Sénat, en 2012. Crédits : CHAMUSSY/SIPA

Sénatoriales 2026 : le RN veut « tripler » son nombre de sénateurs et rêve de créer un groupe

Le RN se prépare dès maintenant pour les sénatoriales de septembre 2026. « Nous avons la volonté de doubler voire de tripler notre nombre de sénateurs », annonce à publicsenat.fr Ludovic Pajot, nommé directeur de campagne, soit frôler les dix sénateurs, permettant de créer un groupe. Mais avant cela, le parti devra réussir les municipales. Il entend, cette fois, éviter les « brebis galeuses ». Il cherche des candidats présentables, capables de « gérer une ville ».
François Vignal

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Le RN parle beaucoup de dissolution. Mais au Rassemblement national, on ne pense pas qu’à d’hypothétiques élections législatives, le matin en se rasant. Le RN a en tête un autre scrutin, qui concerne l’autre chambre du Parlement, moins médiatique et plus lointain : les élections sénatoriales. En septembre 2026, comme tous les 3 ans, la moitié des sièges de la Haute assemblée seront remis en jeu. Et cette fois, le parti d’extrême droite ne compte pas jouer les spectateurs et s’organise.

« Lancer la campagne sénatoriale juste après les municipales »

Le RN part de loin. Depuis les sénatoriales de 2023, il ne dispose que de trois sénateurs : Christopher Szczurek (Pas-de-Calais), Joshua Hochart (Nord) et Aymeric Durox (Seine-et-Marne). Ses ambitions restent modestes, mais le parti entend progresser et renforcer sa présence au Palais de Marie de Médicis.

Preuve de l’attention portée à ce scrutin : le RN a déjà nommé un directeur de campagne, en la personne de Ludovic Pajot. Ancien député, il est maire de Bruay-la-Buissière, conseiller départemental du Pas-de-Calais et préside le conseil des élus locaux du RN. « On s’y prépare maintenant pour être prêts à lancer la campagne sénatoriale juste après les municipales », explique l’élu des Hauts-de-France, qui ajoute :

 C’est important qu’on soit représenté massivement au Sénat. 

Ludovic Pajot, directeur de campagne du RN pour les élections sénatoriales de 2026.

Obtenir un groupe au Sénat, « un objectif ambitieux, mais pas inatteignable »

Le RN a déjà fixé son objectif. « Nous avons la volonté de doubler voire de tripler notre nombre de sénateurs, ce serait déjà une belle performance, une très belle victoire », annonce à publicsenat.fr Ludovic Pajot. Autrement dit, le Rassemblement national espère se retrouver entre six et neuf sénateurs, contre trois aujourd’hui. Soit, à un siège près, quasiment le nombre de sénateurs nécessaires, au Sénat, pour constituer un groupe politique. Il faut en effet être dix pour constituer un groupe, contre quinze à l’Assemblée. Le RN rêve-t-il d’un groupe au Sénat ? « C’est un objectif ambitieux, mais ce n’est pas inatteignable », soutient Ludovic Pajot. Un autre responsable du parti confirme que le but est d’« avoir un groupe ». « L’objectif a été donné par le bureau exécutif », confie ce député.

Pour atteindre le seuil fatidique, il faudra voir si le sénateur Stéphane Ravier, ancien du RN et de Reconquête, pourrait rejoindre les élus RN pour les aider à former un groupe, s’il est lui-même réélu dans les Bouches-du-Rhône, département renouvelable. A moins qu’il ait un candidat face à lui. « Le RN aura un candidat dans les Bouches-du-Rhône. Stéphane Ravier n’est plus au mouvement, il n’est plus au RN », se borne à dire le directeur de campagne…

« C’est la première fois qu’on va faire une vraie campagne »

Au sein du mouvement, on assure prendre au sérieux le scrutin. « On ne va pas juste cibler les Bouches-du-Rhône et le Var », soutient un député. « C’est la première fois qu’on va faire une vraie campagne », lance un membre du bureau politique, qui précise : « Une vraie campagne, c’est la campagne Rotary ». Comprendre, au contact direct des élus locaux, avec qui il faut nouer des liens de confiance. Dans une campagne sénatoriale, la dimension personnelle est essentielle.

Le parti recherche les bons profils, ceux capables de faire des voix, auprès des grands électeurs. L’idée est d’aller en chercher, au-delà des rangs du RN, minces chez les élus locaux. C’est justement ce qu’il s’est déjà passé lors du précédent scrutin. « En 2023, on a vu le score en progression chez les élus locaux. Dans de nombreux départements, entre le nombre d’élus étiquetés RN et le résultat, on a fortement progressé. On a ainsi des chances de victoire dans plusieurs départements en 2026, notamment ceux de PACA, dans les Alpes-Maritimes, dans le Var et les Bouches-du-Rhône », avance le directeur de campagne.

Vote caché pour le RN chez les élus locaux en zone rurale

Autrement dit, il y a un vote caché pour le RN chez les élus locaux, comme on a pu le voir dans les autres scrutins. D’autant que « le vote est secret », rappelle un responsable, qui a vu dans son département les voix « passer de 30 à 300, sans rien, la dernière fois ». « Beaucoup d’élus ruraux ont voté RN en 2023. Le meilleur exemple, c’est le département de Seine-et-Marne, où on n’a pas de municipalité et on a réussi à gagner un siège de sénateur. Ça démontre une forte poussée du vote RN chez les élus locaux et ruraux », illustre Ludovic Pajot. Ces perspectives de victoire aiguisent quelques appétits. Et l’idée de faire son entrée au Palais du Luxembourg commence à en chatouiller certains. « Il y a même des députés, de zones rurales, qui s’interrogent à être candidat », explique un cadre.

Les 123 députés RN seront justement un appui, comme en 2023. « Nous avons beaucoup de députés à l’Assemblée et évidemment, ils vont aider nos candidats à faire campagne auprès des élus locaux. Nous avons beaucoup de relais. Un député permet de tisser des liens avec les élus », explique Ludovic Pajot.

« Le nombre de victoires aux sénatoriales dépendra évidemment des municipales »

Mais avant d’espérer des victoires aux sénatoriales, il faut passer par la case élections municipales, en mars prochain. Et surtout, gagner des villes. « Le nombre de victoires dépendra évidemment des municipales », souligne Ludovic Pajot. Pour rappel, environ 95 % des grands électeurs, soit le corps électoral qui élit les sénateurs, sont composés des conseillers municipaux. C’est pourquoi certains parlent même parfois des sénatoriales comme d’une forme de troisième tour des municipales. Les deux scrutins sont, par essence, intrinsèquement liés.

Si le RN a gagné quelques villes jusqu’ici, les municipales restent un scrutin plus difficile pour le parti d’extrême droite. Ses hauts scores nationaux ne se traduisent pas toujours en gains locaux. « On a bon espoir de gagner beaucoup de villes, notamment en PACA, mais pas seulement », soutient malgré tout Ludovic Pajot, « nous aurons beaucoup de listes aux municipales ».

Ni « dingue », ni « facho » pour les municipales

Beaucoup, mais pas partout. « Pour les municipales, on préfère la qualité, à la quantité de listes », confie un cadre du mouvement, qui a vu la CNI (commission nationale d’investiture) du RN retoquer des candidats. Le RN veut non seulement éviter les « brebis galeuses », comme lors des législatives 2024, autrement dit des candidats ayant tenu des propos racistes, antisémites ou homophobes – « les dingues, les fachos », selon l’expression utilisée en personne par un député RN.

Mais le RN veut aussi des candidats sérieux, capable d’assurer, dans une optique plus « technique ». « La CNI ne veut pas de candidats qui n’ont pas le niveau pour gérer une ville », explique un responsable du Rassemblement national. Une volonté d’investiture des candidats plus présentables, directement liée à la présidentielle. Au RN, on garde toujours dans un coin de la tête le scrutin de 2027. Et rien ne doit contrarier cet objectif, en particulier des raisons internes. « Si les municipales avaient lieu à deux ans de la présidentielle, on laisserait du temps. Mais là, si on fait élire des gens qui ont une mauvaise réputation, ça se sait rapidement. Mais la vraie raison, c’est la campagne présidentielle », confie un député RN.

Toulon, Cagnes-sur-Mer, Menton ou Six-Four-les-Plages dans les gains possibles

L’un des principaux espoirs du parti repose sur la ville de Toulon, avec la députée RN du Var, Laure Lavalette, une proche de Marine Le Pen. « Toulon, c’est un vivier de grands électeurs assez important », souligne avec appétit le directeur de campagne des sénatoriales.

Le RN mise aussi sur « Cagnes-sur-Mer », dans les Alpes-Maritimes, où le député de la circonscription, le jeune Bryan Masson, sera candidat pour tenter de prendre la ville au maire LR Louis Nègre, en poste depuis 30 ans et ancien sénateur. Aux législatives de 2024, il avait été réélu dès le premier tour.

Créer la dynamique pour la présidentielle

Le parti d’extrême droite vise aussi « Six-Four-les-Plages », près de Toulon, ou « Menton ». Dans la ville que brigue Louis Sarkozy, le fils de l’ancien chef de l’Etat, le RN envoie là encore la députée locale, avec Alexandra Masson, qui vient d’officialiser sa candidature ce vendredi. L’ancienne avocate a été élue députée en 2022 avec 56,2 % des voix. A la présidentielle 2022, Marine Le Pen a fait 56,8 %. Plus à l’ouest, mais toujours dans le sud, le RN a quelques espoirs à Carcassonne, avec encore… un député. Christophe Barthès, député de l’Aude, qui sera candidat du Rassemblement national.

Chaque ville comptera pour les sénatoriales. Et le RN a en tête la succession des scrutins : des municipales réussies, enchaînées par des sénatoriales qui se passent bien, seraient aussi de bon augure, à sept mois de la présidentielle. De quoi créer la dynamique pour Marine Le Pen… ou Jordan Bardella.

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