Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Sénatoriales : déjà dans (presque) toutes les têtes
Par Public Sénat
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Les états-majors des partis sont déjà projetés vers le prochain scrutin municipal. Mais un autre scrutin anime certains esprits, à la Haute assemblée : les sénatoriales. Depuis la déroute de la droite aux européennes et le bon score de LREM, notamment dans les grandes villes, plus d’un sénateur s’est projeté.
A droite, qui détient la majorité sénatoriale avec les centristes, l’heure n’est pas à la panique. Mais on se pose pas mal de questions. « Il y a beaucoup de gens inquiets » reconnaît Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine, tout en tempérant : « Les gens sont conscients que les européennes, ce ne sont pas les municipales. Le facteur personnel joue ».
Pour rappel, les sénateurs sont élus par les grands électeurs, composés à 95% par les conseillers municipaux. On voit l’importance qu’aura le scrutin des municipales, en mars 2020, en vue des sénatoriales. Elles sont pour le moment prévues pour septembre 2020, avec un renouvellement pour moitié. La réforme institutionnelle pourrait changer la donne mais elle est pour l’instant dans l’impasse.
« En 2020, il n’y aura pas de basculement du Sénat. Il peut y avoir en 2023 »
L’ancien ministre des Relations avec le Parlement sait bien que son groupe risque de perdre des plumes. « Lors des municipales de 2014, on avait eu une vague bleue et pris beaucoup de villes moyennes. Il est évident qu’il y aura un rééquilibrage. Il y a peu de chance que ce soit quelque chose de massif. On peut perdre peut-être plus de 20% de nos grands électeurs » souligne le sénateur LR des Hauts-de-Seine. Selon Roger Karoutchi, « on pourrait perdre des sièges, mais pas de quoi perdre la majorité », mais à une condition, « si l’accord entre le groupe LR et le groupe centriste est maintenu ». Il ajoute :
« Naturellement, si les centristes basculaient vers une possible alliance plus proche d’Emmanuel Macron, ça rebat les cartes ».
Une situation dont ont bien conscience les centristes. « Ce n’est pas seulement un groupe centriste mais aussi central » glisse un sénateur du groupe UC, non sans une certaine délectation.
Le prochain renouvellement concerne de nombreux départements ruraux, en général davantage acquis à la droite. Les départements peuplés de l’Ile-de-France ou du Nord, pourvoyeurs de sénateurs, ne seront renouvelables qu’au scrutin suivant, pour le moment prévu en 2023. Si LREM réussit ses municipales, la réplique pourrait alors se faire sérieusement sentir jusqu’au Palais de Marie de Médicis. Roger Karoutchi le sait : « En 2020, à mon sens, il n’y aura pas de basculement du Sénat. Il peut y avoir en 2023. Forcément, si les municipales ne sont pas très bonnes, ils peuvent faire basculer en deux fois ».
LREM espère « une nette progression »
La droite joue-t-elle à se faire peur ? Du côté de La République En Marche, on ne veut surtout pas se lancer dans des pronostics hasardeux. François Patriat, président du groupe LREM, l’avait appris à ses dépens. Après la victoire d’Emmanuel Macron, il imaginait un groupe à 60, puis 40. Ils sont finalement 23 sénateurs LREM. « Certains sénateurs LREM ont été élus avec une charte, dont ils n’ont pas tenu la signature à l’époque. Ils sont allés siéger dans d’autres groupes. Ils pouvaient aller essaimer » a rappelé la semaine dernière, sur Public Sénat, le sénateur de la Côte-d’Or. François Patriat sait bien que LREM ne pourra pas rapidement ravir le Sénat à la droite. « On n’en est pas là aujourd’hui, compte tenu du corps électoral qui ne se renouvellerait pas moitié. Donc on peut espérer une nette progression des sénateurs LREM, que je ne saurais chiffrer ». Regardez :
« Nous avons 2000 élus locaux aujourd’hui. Ils vont nettement progresser ce qui permettra de progresser au Sénat » ajoute aujourd’hui François Patriat. En présentant la semaine dernière ses premières têtes de listes pour les municipales, le parti de Stanislas Guerini a fixé un objectif de 10.000 conseillers municipaux. Ce qui ne représente que 6,5% du corps électoral. Une vraie prudence de sioux…
Les centristes attendent de voir
Dans le genre mesuré, on trouve aussi le groupe UC. A la sagesse sénatoriale, son président Hervé Marseille y ajoute la prudence centriste. Ceinture et bretelle en somme. « Je suis très pragmatique. C’est long, les municipales. Je ne sais pas quel sera le contexte », souligne le sénateur UDI des Hauts-de-Seine. Il ajoute cependant qu’« à l’évidence, pas besoin d’être un polytechnicien pour voir que la majorité présidentielle est en situation d’améliorer ses résultats. Car ils n’avaient aucun élu lors des dernières sénatoriales ».
Il n’a pas échappé aussi à Hervé Marseille qu’« il y a un assouplissement de la majorité sénatoriale », « heureusement qu’au Sénat, il y a une ligne politique différente ». Pour éviter de diviser sa majorité, Gérard Larcher a même appelé les sénateurs du groupe LR à s’abstenir lors du discours de politique générale. Chez les centristes, 28 se sont abstenus et 23 ont même voté pour… Les centristes se retrouvent tiraillés. « A choisir entre Philippe et Jacob, j’ai beaucoup d’amis qui n’ont pas d’hésitation. Ils ne se reconnaissent pas dans ce projet là des LR » souligne un sénateur centriste.
« Il y a de quoi déprimer, mais… »
Du côté du groupe PS, les 10 abstentions lors du discours de politique générale ont laissé quelques traces. Mardi dernier, les sénateurs PS se sont expliqués pendant 1h30, en réunion de groupe. « Ces 10 abstentions sont plutôt liées aux municipales mais aussi, bien sûr, aux sénatoriales pour ceux qui sont renouvelables. Mais LREM donnerait sa bénédiction car on se serait abstenu lors du vote de confiance ? Ça me parait très aléatoire » selon Patrick Kanner, président du groupe PS. Il appelle « au sang-froid, à l’union, dans un groupe qui ne pratique pas d’obstruction systématique mais qui propose ». Le sénateur du Nord explique qu’« au niveau du groupe, on commence à travailler avec les sénateurs sortants. Et certains ne se représenteront pas, donc il faut commencer à travailler la succession ».
Au gouvernement, on fait déjà des socialistes le maillon faible de 2020. « Ceux à qui ça peut faire mal, c’est au PS » selon un ministre. Patrick Kanner reconnaît que « si on ne fait qu’appliquer de manière arithmétique le résultat des européennes, il y a de quoi déprimer. Mais (il) ne déprime pas du tout, car l’équation des municipales est à part entière. Et il y a beaucoup d’inconnues ».
« S’ils arrivent à gagner 30 ou 40 sièges pour passer à 130, ça suffit pour avoir les 3/5 »
Face à ces inconnues, le vrai enjeu pour LREM est ailleurs. « La progression ne sera pas uniquement celle du groupe LREM. La question, c’est l’augmentation des sénateurs compatibles avec le président de la République » confie le même ministre. Roger Karoutchi transcrit avec moins de pudeur la stratégie présidentielle : « Le gouvernement joue l’élargissement du nombre de sénateurs macronistes pour avoir une possible majorité des 3/5 au Congrès. Aujourd’hui, ils ne l’ont pas ».
Le sénateur LR a fait ses calculs : « Entre En Marche, RDSE, le groupe Les Indépendants et une partie des centristes, ils ont un bloc à peu près de 80/90 sénateurs. S’ils arrivent à gagner 30 ou 40 sièges pour passer à 130, ça suffit pour avoir les 3/5 ». Mais pour modifier la Constitution, il faut déjà que le projet de loi soit voté à l’identique par l’Assemblée et le Sénat. Tant que la Haute assemblée reste à droite, les sénateurs auront encore un poids institutionnel fort face à Emmanuel Macron.