Rome Laurence Rossignol French Minister of Families

Sénatoriales 2023 : Laurence Rossignol sera-t-elle candidate dans le Val-de-Marne… ou les Hauts-de-Seine ?

La sénatrice PS de l’Oise, qui n’a pas reçu le soutien des militants locaux pour les sénatoriales, se cherche une terre de réélection. Cette militante du droit des femmes pourrait se retrouver à la seconde place dans le Val-de-Marne, qui revient théoriquement au PS. Mais l’idée passe mal chez les socialistes locaux. Et EELV réclame aussi la seconde place… Dans ce jeu de chaises musicales, l’hypothèse des Hauts-de-Seine est maintenant évoquée.
François Vignal

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« Le mécano ne marche pas très bien ». Ce que lâche pudiquement cet élu du Val-de-Marne, un autre le dit plus crûment : « C’est le bordel ». On parle ici du mécano politique, celui qui doit mener à la constitution de la liste pour les sénatoriales. Dans cette élection au scrutin indirect, où ce sont les grands électeurs qui élisent les sénateurs, la composition des listes n’est pas toujours simple. Mais dans ce département, où les 6 sénateurs remettent leur siège en jeu le 24 septembre, comme dans toute l’Ile-de-France, c’est particulièrement vrai.

Dans ce bastion historique du Parti communiste, la gauche dispose de trois sièges. Deux pour le PCF – c’est le sortant communiste, Pascal Savoldelli, qui mènera la liste de la gauche – et un pour le sénateur EELV Daniel Breuiller. Mais la Place du Colonel Fabien ayant perdu des villes, les communistes auront un siège de moins. La gauche peut compter sur deux élus. Le troisième siège est beaucoup plus compliqué et nécessite une bonne dynamique.

Une seconde place théoriquement réservée au Parti socialiste dans le Val-de-Marne

Dans le Val-de-Marne, la deuxième force politique, ce sont les socialistes. Vient ensuite Europe Ecologie-Les Verts. Le PS ayant accepté l’union avec Pascal Savoldelli, la seconde place de la liste est théoriquement réservée au Parti socialiste, suivi des écologistes. Quel socialiste occupera la seconde place éligible ? C’est là que ça se complique et qu’entre en jeu le nom de Laurence Rossignol.

La sénatrice PS sortante de l’Oise, qui souhaite se représenter, pourrait en effet atterrir dans le Val-de-Marne. Car les militants de l’Oise ont désigné Alexandre Ouizille, premier fédéral du département, pour être candidat aux sénatoriales à sa place. Ce soutien du premier secrétaire, Olivier Faure, n’a pour l’heure pas été « débranché » pour laisser la place à Laurence Rossignol, et ce malgré le soutien de caciques du parti. Après que l’hypothèse de Paris a été évoquée dans un premier temps, l’idée que l’ancienne ministre de François Hollande, reconnue sur la question du droit des femmes, soit candidate dans un département de la petite couronne a commencé à germer, comme publicsenat.fr l’écrivait début mai. Et ce département, c’est le Val-de-Marne et sa seconde place réservée à une femme socialiste. CQFD ? Non, l’histoire serait trop simple.

Les téléphones vont sûrement chauffer tout le week-end

Car le possible parachutage de Laurence Rossignol dans le Val-de-Marne est très mal ressenti par les militants socialistes locaux. Surtout qu’ils ont désigné… un homme. Il s’agit de Jonathan Kienzlen, premier fédéral du département depuis 8 ans, également à la tête du groupe PS à la région Ile-de-France. Soutien d’Olivier Faure, il est aussi secrétaire national du PS, chargé des statuts.

Le choix va très vite être arrêté. Et les téléphones vont sûrement chauffer tout le week-end. Car une commission électorale du PS, où toutes les tendances sont représentées, se réunit lundi et prendra une décision sur les investitures. Elles seront entérinées le lendemain lors d’un bureau national. A l’heure qu’il est, tout n’est pas encore gelé. Certains prédisent une fin favorable à Laurence Rossignol, quand d’autres évaluent ses chances à « 4 sur 10 ». Contactée, la sénatrice n’a pas répondu à nos sollicitations.

« On est pour la paix dans le monde, mais faut pas se foutre de notre gueule »

Jonathan Kienzlen, qui est membre de la commission électorale, n’a peut-être pas dit son dernier mot. « Je n’ai rien contre Laurence Rossignol, c’est une bonne sénatrice », explique le responsable socialiste local, mais on comprend que cette option ne fait pas sens, à ses yeux. « J’attends les décisions de la commission électorale et du bureau national mardi », soutient Jonathan Kienzlen, qui rappelle qu’il a « été désigné à 72 % par les militants pour être chef de file socialiste. Moi, j’attends que le national prenne ses responsabilités. Je souhaite le respect du vote des militants », soutient le premier fédéral du Val-de-Marne. Du fait que les communistes ont désigné Pascal Savoldelli, il reconnaît que « c’est difficile de mettre en concordance le poids politique des partis, les listes chabadabada (alternance d’une femme et d’un homme, ndlr) et l’union ». C’est pourquoi il propose de mettre à la seconde place « Sarah Taillebois, deuxième adjointe au maire de Vitry, énarque, 32 ans et seconde sur la liste PS désignée par les militants ». Il ajoute :

 Je suis prêt à me retirer pour que Sarah Taillebois soit deuxième. Je ne fais pas de ma candidature un casus belli, un préalable. 

Jonathan Kienzlen, premier fédéral PS du Val-de-Marne

Sous couvert d’anonymat, certains socialistes locaux disent tout le mal qu’ils pensent d’un parachutage. « Si c’est Laurence Rossignol en 2, ce sera une levée de boucliers en interne, avec des élus qui disent qu’ils ne voteraient pas pour la liste. On est pour la paix dans le monde, mais faut pas se foutre de notre gueule et de la gueule des militants. Tout ça va mal se passer… » prévient un élu PS. « Tout ça, c’est n’importe quoi », ajoute ce militant, qui n’exclut pas « des conséquences politiques dans la fédération du Val-de-Marne… »

EELV menace de lancer sa propre liste dans le Val-de-Marne

L’histoire ne s’arrête pas là. Car les écologistes ont aussi leur mot à dire. Pas forcément des mots doux. Car eux aussi revendiquent maintenant la seconde place. « Les écologistes demandent la place de numéro 2 pour une femme, compte tenu des accords nationaux, que dans les Hauts-de-Seine, le PS est numéro 2, derrière le PCF, bien que nous ayons plus d’élus qu’eux. Si on veut une stratégie gagnant-gagnant pour toute la gauche, il convient que la seconde place nous soit attribuée », nous affirme le sénateur EELV Daniel Breuiller, qui a « proposé en 1 Pascal Savoldelli, en 2 Nadine Herrati (qui a été désignée comme lui par les militants, ndlr) et en 3 Jonathan Kienzlen ». Il reconnaît que « dans le Val-de-Marne, ce ne serait pas illogique que le PS soit en 2 et EELV en 3, en raison du poids politique, mais compte tenu des accords dans les autres départements au détriment d’EELV, nous demandons cette place, faute de quoi, il n’y aura pas de liste d’union », menace le sénateur écologiste sortant. EELV sera-t-il prêt, à défaut, de lancer sa propre liste ? « Sans doute, c’est probable », prévient Daniel Breuiller, qui ajoute :

 Ce n’est pas acceptable que les écologistes soient toujours la variable d’ajustement. 

Daniel Breuiller, sénateur EELV du Val-de-Marne

Des menaces formulées aussi dans un communiqué des militants EELV du Val-de-Marne, paru jeudi, affirmant que « le risque est grand que les forces qui ne seraient pas respectées déposent leur propre liste », jugeant au passage l’arrivée de Laurence Rossignol « totalement inacceptable ». Un coup de pression opportun, au moment où les choses s’apprêtent à être décidées.

Laurence Rossignol dans « le 92 » derrière Pierre Ouzoulias ?

Pour sortir de cette situation de blocage, une troisième option sort du chapeau, a appris publicsenat.fr : la candidature de Laurence Rossignol dans les Hauts-de-Seine cette fois. « Une des hypothèses pourrait être que ce soit une femme verte en 2 dans le Val-de-Marne, avec Jonathan Kienzlen en 3. Et Laurence Rossignol irait sur la liste des Hauts-de-Seine, à la deuxième place, derrière le communiste Pierre Ouzoulias », raconte un socialiste d’Ile-de-France. « J’entends que les écolos seraient prêts à soutenir Laurence Rossignol en 2 dans les Hauts-de-Seine, s’il y a un accord global avec eux », glisse aussi un élu du Val-de-Marne.

« Ce qui est clair, c’est qu’entre les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne, il faut un écologiste à la deuxième place, d’un côté ou de l’autre », soutient de son côté un parlementaire EELV. Un socialiste corrobore l’idée : « Il n’y a rien de stabilisé encore dans le Val-de-Marne. Car ça se joue aussi avec les écolos. Le mécano est global. Et pour qu’ils acceptent, il faut leur donner autre chose autre part ».

« Olivier Faure devrait laisser Laurence Rossignol dans l’Oise, car on met le feu dans d’autres fédérations »

Mais ce choix d’une candidature Rossignol dans « le 92 » déplacerait le problème, car il se ferait au détriment de la socialiste Fatoumata Sow, première adjointe de Colombes, qui a déjà été désignée par les militants et qui est censée occuper la seconde place… « Olivier Faure devrait laisser Laurence Rossignol dans l’Oise, car on met le feu dans d’autres fédérations », pointe du doigt un parlementaire socialiste de la région. Il continue :

 Comme le problème n’est pas traité à l’origine, c’est le feu partout. Mais on déplace le feu. 

Un parlementaire socialiste

« Tout le monde dit à Olivier Faure et à Pierre Jouvet, qui est chargé des élections, « vous nous dites qu’il faut respecter le vote dans l’Oise ». Donc acte. Donc il faut le respecter ailleurs », ajoute le même, qui n’a pas soutenu la direction lors du congrès. Et de glisser que « Fatouma Sow a voté Faure, Jonathan Kienzlen aussi. Donc ça les fatigue ».

Akli Mellouli, qui veut lancer une liste dissidente, tirera-t-il profit de la situation ?

Celui qui pourrait peut-être tirer son épingle du jeu de ce sac de nœud, c’est Akli Mellouli. Cet élu socialiste, adjoint de Bonneuil-sur-Marne, compte lancer sa liste dissidente dans le Val-de-Marne, en dépit de sa défaite lors de la consultation des militants, comme nous vous l’annoncions il y a un mois. Il est aujourd’hui toujours décidé à y aller, misant sur les mécontents socialistes, communistes et écologistes. Et ces temps-ci, le camp des mécontents grossit…

Un élu communiste du département y voit surtout un risque de désunion. « Celui qui fait une liste dissidente, il veut faire perdre le troisième siège. Il y a une question de dynamique ou pas », souligne ce communiste. Mais selon un observateur local, « des socialistes vont voter pour Akli Mellouli. Il a une dynamique, ça fait 30 ans qu’il est dans le parti ». Une chose est sûre au moins : comme le souligne un élu de longue date du département, « les choses vont se décanter. Car l’élection des délégués supplémentaires des grands électeurs est le 9 juin. Donc on aura les réponses d’ici là ».

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