Séparatisme : des annonces tardives ou timorées, selon les sénateurs
Les annonces du président de la République pour lutter contre le « séparatisme » sont saluées mais jugées trop tardives ou timorées, au Sénat. Le chef du groupe LR, estime qu’Emmanuel Macron « ne va ni au bout ni au fond des choses ».
Par Héléna Berkaoui
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Plusieurs fois reporté le discours du président de la République sur la lutte contre le « séparatisme » s’est finalement tenu aux Mureaux (Yvelines), ce vendredi 2 octobre. Le terme imposé dans le débat public depuis quelques mois a été sujet à polémiques, tant à droite qu’à gauche. Les uns dénonçant la « naïveté » du président de la République, les autres s’insurgeant contre sa dérive droitière.
Un long discours a encadré les quelques mesures annoncées par le chef de l’État où il a tenté de définir la politique qu’il entend mener à travers ce terme aux contours flous. « Nous avons-nous même construit notre propre séparatisme, c’est celui de nos quartiers, c’est la ghettoïsation que notre République a laissé faire (…) Nous avons créé des quartiers où la promesse de la République n’a pas été tenue », a-t-il déclaré avant de définir la cible de son action : « Ceux à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste ».
« Le premier séparatisme qui existe en France, c’est le séparatisme social, tance le président du groupe socialiste, Patrick Kanner. L’inventaire est proche de zéro politiquement, la politique de la ville n’a pas été incarnée politiquement, il n’y a pas eu de crédits supplémentaires (…) Nous avons perdu trois ans dans ce dossier parce que le séparatisme n’a pas été pris en considération comme étant une priorité politique de ce gouvernement. » (Voir la vidéo ci-dessous).
Le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, estime que le plan présenté par Emmanuel Marcon est insuffisant. « Malgré quelques mesures allant dans le bon sens et que d’ailleurs nous proposions, comme la possibilité pour les Préfets de se substituer à des élus ayant des pratiques communautaristes, Emmanuel Macron ne va ni au bout ni au fond des choses », juge le sénateur vendéen. « Moins d’immigration et plus d’assimilation : ce sont les deux digues que nous devons élever si nous ne voulons pas être submergés par la marée islamiste », écrit-il dans un communiqué.
La sénatrice écologiste, Esther Benbassa, dénonce les inégalités persistantes dans les territoires visés par Emmanuel Macron : « Si on veut faire reculer l'islamisme, il ne suffit pas d'assurer "une présence républicaine au bas de chaque tour" (juste des mots...) mais que la République traite tous ses enfants à égalité et leur garantisse vraiment les mêmes chances pour réussir ».
École : instruction obligatoire à l’école dès l’âge de trois ans
Sur le fond, l’arsenal de mesures présentées concerne le culte musulman, l’école, les associations et la neutralité du service public. Parmi les annonces les plus marquantes, Emmanuel Macron a déclaré que l’instruction à domicile serait « strictement limitée », notamment aux impératifs de santé. Un renforcement encore plus poussé du contrôle des écoles privées hors contrat est aussi à prévoir. La sénatrice centriste d’Ille-et-Vilaine, Françoise Gatel, qui avait porté la loi pour un meilleur contrôle de ces établissements, salue cette décision. Sur les 1 300 écoles hors contrat recensées sur le territoire, 300 se déclarent confessionnelles (près de 160 établissements catholiques, 50 juifs, 40 musulmans et 30 protestants).
« C’est judicieux d’avoir un suivi renforcé », estime la sénatrice qui adhère aussi aux restrictions sur l’instruction à domicile. « C’est audacieux au sens où ça va certainement soulever un tollé. Indépendamment du radicalisme, je pense qu’il est important que les enfants soient intégrés à la société le plus rapidement et qu’ils sortent du vase clos familial », apprécie-t-elle. En France, on compte quelque 50 000 enfants scolarisés à domicile.
Emmanuel Macron a également annoncé la fin du dispositif ELCO (Enseignements langues et cultures d'origine) et son remplacement par le système des enseignements internationaux en langues étrangères (EILE). Une mesure déjà annoncée en février dernier et qui devait être mise en place « d’ici la rentrée 2020 » (lire notre article).
Culte musulman : la fin du système des imams étrangers détachés
La centriste, Nathalie Goulet qui avait co-rédigé un rapport d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France, estime que les annonces du président de la République « vont dans le bon sens ». « Il reprend beaucoup des propositions que nous avions faites sur la formation des imams », assure la sénatrice. Emmanuel Macron a confirmé la fin, sous quatre ans, du système des imams étrangers détachés, des imams dont la formation est assurée et financée par leurs pays d’origine. Nathalie Goulet n’est toutefois « pas sûre qu’on y arrive si on ne règle pas le problème du financement de la formation des imams. Comment et qui va payer ces formations ? », s’interroge Nathalie Goulet. Le chef de l’État entend également accroître le contrôle sur le financement des mosquées.
Dans son discours, le président de la République a aussi fait part de sa volonté d’accompagner l’émergence « d’un Islam des lumières ». 10 millions d’euros seront, par exemple, reversés à la fondation pour l’islam de France afin de créer un institut scientifique pour l’islamologie.
Laïcité : les préfets pourront suspendre certains actes municipaux
Dans les cas où certaines communes tenteraient « d’imposer des menus confessionnels » dans les cantines ou d’instaurer des créneaux différenciés à la piscine pour les hommes et les femmes, les préfets pourront suspendre les actes municipaux et même « se substituer à l’autorité locale avec l’accord du juge » si leur décision n’était pas appliquée. Une mesure qui est censée épauler les élus locaux qui seraient soumis aux pressions de la part de leurs administrés, selon le chef de l’État.
« Les enfants vont être contents, le poisson le vendredi, c’est fini », ironise Nathalie Goulet tout en soulevant un point très sérieux : le principe d’égalité devant la loi. La sénatrice centriste note que, comme cela s’est produit par le passé, certaines résistances à ce projet de loi pourraient émaner de la communauté chrétienne.
Les mesures annoncées par le président de la République sont donc globalement saluées mais jugées trop tardives ou timorées. Nouvellement élue, la sénatrice LR Valérie Boyer regrette que la majorité présidentielle ait rejeté les amendements et propositions de loi émanant de son parti pour en reprendre une partie à son compte aujourd’hui. « On a perdu deux ans », souffle-t-elle. La sénatrice des Bouches-du-Rhône déplore, par ailleurs, qu’Emmanuel Macron n’est ni parlé « de la déchéance de nationalité » ni de « la Turquie ».
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