Séparatisme : le Sénat adopte l’amendement « mosquée de Strasbourg » du gouvernement
Les sénateurs ont introduit, à l’initiative du gouvernement, un nouveau dispositif dans le projet de loi sur le respect des principes de la République. Cette réponse presque assumée, à la subvention controversée d’une mosquée par la ville de Strasbourg, a suscité un long débat en séance.

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Les sénateurs ont introduit, à l’initiative du gouvernement, un nouveau dispositif dans le projet de loi sur le respect des principes de la République. Cette réponse presque assumée, à la subvention controversée d’une mosquée par la ville de Strasbourg, a suscité un long débat en séance.
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L’affaire de la subvention de la mairie de Strasbourg à la construction d’une mosquée continue de défrayer la chronique. Depuis mars, le gouvernement, et notamment le ministère de l’Intérieur, est aux prises avec la municipalité écologiste de Strasbourg après le vote sur le principe d’une subvention municipale de plus de 2,5 millions d’euros, destinée au chantier d’une mosquée de la Confédération islamique Millî Görüs, une association d’origine turque. La préfète du Bas-Rhin, a d’ailleurs décidé de saisir le tribunal administratif sur cette « délibération litigieuse ».

La polémique a eu un retentissement jusque dans les débats parlementaires, marquant le contenu du projet de loi sur le respect des principes de la République, en cours d’examen au Sénat. L’hémicycle, à majorité de droite, a adopté le 8 avril un amendement, déposé par le gouvernement. Il prévoit d’instaurer, pour les collectivités territoriales, une obligation d’information du préfet trois mois au préalable, avant toute garantie publique pour un emprunt destiné à la construction d’un édifice cultuel, ou la conclusion d’un bail emphytéotique (bail de longue durée).

Les socialistes dénoncent des lois faites « à partir de la revue de presse »

Si le gouvernement n’a fait aucune allusion durant la présentation de son amendement, plusieurs sénateurs n’ont pas manqué de relever la coïncidence avec l’exemple strasbourgeois. « Vous le savez très bien, cet amendement est dû à l’actualité. Or, Monsieur le ministre, je ne suis pas sûr que l’on fasse de bonnes lois, quand on les fait à partir de la revue de presse », s’est exclamé le sénateur (PS) Jean-Pierre Sueur. « Voter des mesures sous le coup de l’actualité ne pose aucun problème, surtout lorsque celle-ci nous taraude ou nous bouscule. Parfois, l’actualité nous oblige même à agir », est intervenue la sénatrice LR Valérie Boyer.

« Avec cet amendement, nous ne cédons pas à la tyrannie de l’instant, même si ce qui s’est passé à Strasbourg m’a beaucoup incité à vous proposer une mesure », a reconnu ensuite le ministre. L’amendement offrira la possibilité, selon lui, au préfet d’intervenir « pour vérifier la qualité cultuelle de l’association » ainsi que « les éventuels financements étrangers et l’intérêt public local ». La mesure a reçu un avis favorable de la commission des lois. « Elle permettra un meilleur contrôle des constructions des nouveaux lieux de culte par les fidèles et par les pouvoirs publics », a approuvé la rapporteure (Union centriste), Dominique Vérien.

« Tout ce qui va dans le sens d’un meilleur contrôle est intéressant », selon Philippe Dallier (LR)

La droite a soutenu l’amendement, adopté à mains levées. « Tout ce qui va dans le sens d’un meilleur contrôle, d’une meilleure coordination avec les services de l’État, est intéressant », a salué le sénateur LR de Seine-Saint-Denis Philippe Dallier. Cette information des préfets est une façon de « protéger » les élus, selon son collègue Gérard Longuet. Le communiste Pascal Savoldelli a également indiqué que son groupe soutiendrait la mesure, pour une question de « principe ». « Nous sommes opposés à tout financement public à destination cultuelle. »

De leur côté, les socialistes ont émis de sérieuses réserves sur la solidité et la portée du dispositif soutenu par le gouvernement. « Je rappelle que les actes des collectivités ne font aujourd’hui l’objet que d’un contrôle a posteriori », s’est opposée la sénatrice PS Marie-Pierre de La Gontrie, inquiète d’une atteinte au principe de libre administration des collectivités. « Nous ne prévoyons pas de réformer la décision de la collectivité, mais le préfet pourra, le cas échéant, retirer la qualité cultuelle à l’association en question », a expliqué Gérald Darmanin.

« La mode est à l’écolo-bashing », s’insurge Esther Benbassa (Europe Ecologie-Les Verts)

C’est entre le ministre et le groupe écologiste que les échanges ont été vifs. « Un maire ne dispose évidemment pas des mêmes sources de renseignement qu’un préfet », a fait valoir Esther Benbassa (EELV). Citant des articles de presse, la sénatrice de Paris a souligné que l’association d’origine turque en question avait bénéficié de subventions d’Etat. « On a fait de cette affaire toute une histoire parce que la mode est à l’écolo-bashing, en espérant ainsi affaiblir les écologistes. Vous feriez mieux d’examiner les choses de près », a-t-elle rétorqué.

Selon Gérald Darmanin, ces subventions concernaient la vidéoprotection des lieux de culte. Rappelant que l’association Millî Görüs avait refusé de signer la charte des principes pour l’islam de France, le ministre de l’Intérieur a ensuite qualifié la défense de la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian, de « fort mauvaise ». « Il est absolument faux de dire que la maire de Strasbourg n’a pas été informée directement. Je l’ai fait personnellement », a-t-il répondu à la sénatrice Esther Benbassa. « Il est quand même curieux, vous en conviendrez, qu’il n’y ait aucune trace des avertissements préalables dont vous parlez », s’est étonné l’écologiste Jacques Fernique, affirmant qu’aucune opposition n’était montée lors de la pose de la première pierre en 2017.

Au cours des débats, Gérald Darmanin ne s’est pas caché qu’il aurait pu aller plus loin sur le sujet des subventions. « J’avais dans un premier temps envisagé d’insérer dans ce projet de loi une disposition ôtant aux maires le pouvoir de délivrer un permis de construire, lorsqu’il s’agit d’un édifice cultuel », a-t-il confié aux sénateurs.

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