Après de longues semaines de débats, le gouvernement a finalement dévoilé, ce mercredi, son projet de loi pour lutter contre le séparatisme. Un texte composé de 57 articles, destiné à promouvoir l’ordre de la République contre les séparatismes pointés du doigt depuis des mois par Emmanuel Macron. Dans un entretien accordé au Figaro, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti affirment leur volonté, à travers ce texte, de « lutter contre ceux qui veulent rompre avec la République ». Le projet de loi, qui doit être présenté au mois de décembre, contient différents volets destinés à « renforcer les principes républicains » et a laissé de côté, dans son intitulé, le terme « séparatisme » jusqu’alors en usage.
Un revirement sémantique symbolique, alors que le débat sur le texte fracture les assemblées depuis le discours d’Emmanuel Macron aux Mureaux, le 2 octobre. Sur Franceinfo, ce mardi, le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, affirmait : « La vision que l’on présente de la France est une vision de repentance. On présente notre pays comme un anti-modèle. Comment combattre le séparatisme avec une telle vision des choses ? ». Les sénateurs socialistes, en revanche, voient d’un bon œil l’abandon du terme. « Le fait que le nom initial de ce texte ait été abandonné est plutôt une bonne chose », assure le porte-parole du groupe David Assouline. « Car notre principale crainte vis-à-vis de ce texte est qu’il soit instrumentalisé à d’autres fins, pour pointer du doigt une catégorie de la population. »
Une remise en cause de la loi de 1881 qui inquiète les sénateurs
Le projet, porté par les ministres de l’Intérieur et de la Justice, contient donc plusieurs mesures pour renforcer l’arsenal républicain. La possibilité, d’abord, de lutter de façon plus efficace contre les auteurs de violence et de harcèlement en ligne, qui divulgueraient de informations privées, en créant le délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations relatives à la vie privée, et permettant l’envoi de ces auteurs en comparution immédiate. « Après le fiasco de la loi Avia, j’attends de voir quel mécanisme nous proposera le gouvernement, d’autant plus que le texte n’évoque pas un sujet central sur la question : l’anonymat en ligne », commente, sceptique, le chef de file des sénateurs écologistes Guillaume Gontard. « C’est une bonne chose que le juge intervienne rapidement », soutient le sénateur centriste Loïc Hervé. « Cela va permettre de trouver un bon équilibre entre le respect des libertés fondamentales et la nécessité d’endiguer ces comportements de plus en plus fréquents. »
« Nous débattrons de ces dispositions de droit pénal, dont je voudrais m’assurer qu’elles sont réellement utiles pour combler des angles morts de notre dispositif répressif », complète le sénateur Les Républicains Philippe Bas « S’agissant de ce délit spécifique, il faut s’assurer qu’on ne pourra pas s’en servir contre la liberté de la presse. » Par ailleurs, Eric Dupond-Moretti l’a confirmé devant les sénateurs : un travail a bel et bien été engagé sur la révision de la loi de 1881 . Le but étant « de réguler […] les immixtions de ceux » qui diffusent « la haine en ligne », « qui ne sont pas journalistes et qui ne méritent pas d’être protégés par cette loi ». Une démarche qui inquiète les sénateurs. « Ce n’est pas le premier qui a cette intention, et nous ne le laisserons pas faire en douce, car la loi de 1881 sur la liberté et les responsabilités de la presse est justement en France un pilier de la liberté d’expression en général, de toutes et tous » soutient, sur son compte Twitter, David Assouline.
Vigilance sur les libertés
La liberté d’expression n’est d’ailleurs pas le seul principe fondamental que comptent défendre les sénateurs. Un certain nombre de mesures du projet de loi portent sur les associations, et visent à faciliter la dissolution, ou la suspension d’activités associatives qui ne respecteraient pas « le pacte républicain ». « Le texte prévoit d’autoriser les préfets à interdire des subventions associatives, c’est très problématique » réagit Guillaume Gontard. « Il ne faut pas que la lutte contre l’islamisme justifie une régression générale de la liberté associative. Nous serons très vigilants sur le sujet », avertit Philippe Bas. Car la nécessité de protéger les libertés fondamentales fait consensus au sein de la Haute chambre. « Nous aurons au Sénat une volonté de renforcer les moyens de la lutte contre le communautarisme et l’islamisme radical, mais nous veillerons à la faire dans la tradition sénatoriale du respect des libertés fondamentales », assure Philippe Bas. « Nous sommes cependant présents pour combattre l’islamisme politique », complète David Assouline. « Et le principal rempart reste la laïcité et l’égalité de traitement pour tous les citoyens. »