[Série] Petites et grandes histoires des campagnes présidentielles : ces candidats inattendus au premier tour (5/5)
Entre anecdotes, coups tordus, propositions loufoques ou répliques culte, à l’approche de la présidentielle, Public Sénat vous propose une plongée dans les coulisses de la course à l’Elysée sous la Vᵉ République. Dans ce dernier épisode, retour sur les candidats inattendus des présidentielles qui, contre toute attente, ont réussi à glaner les 500 parrainages et à se positionner pour le premier tour.
Par Public Sénat
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La construction d’un pont de 300 mètres pour abriter des clochards, le prolongement du boulevard Saint-Michel à Paris jusqu’à la mer (dans les deux sens), le versement d’une pension à la femme du soldat inconnu, l’extinction du paupérisme après 22 heures… Ces mesures ne sont pas tirées d’un inventaire de Prévert ou d’un spectacle de Raymond Devos, mais du programme d’un candidat (oublié) à la présidentielle : Ferdinand Lop.
Ce Marseillais, ancien assistant parlementaire, fut un candidat récurrent aux législatives et à l’investiture suprême jusqu’en 1974, année de son décès. Les réunions publiques qu’il organisait dans le quartier, latin - sorte de one man show avant l’heure - ont fait l’amusement de générations d’étudiants. Il y énumérait ses propositions, absurdes et surréalistes, restant volontairement flou sur le fond de son programme qu’il ne voulait pas dévoiler avant d’être élu… de peur de se le faire piquer.
À en croire Alain Peyrefitte, dans la série qu’il a consacrée à de Gaulle, c’est pour éviter qu’un Ferdinand Lop, ou d’autres personnages tout aussi extravagants, ne puissent se présenter à la présidentielle que le général a voulu imposer un parrainage des candidats, sorte de mécanisme de filtrage destiné à garantir le sérieux du scrutin. Mais également à éviter une pléthore de participants.
« La présentation des candidats à l’élection présidentielle », selon la formule officielle, a ainsi été soumise à la collecte de cent signatures d’élus - parlementaires, conseillers généraux ou membres des conseils municipaux - au moment de l’instauration du suffrage universel direct en 1962.
Un chiffre porté à 500 en 1976. Depuis, le dispositif est régulièrement critiqué, notamment par les petits candidats ou ceux issus de formations politiques au nombre limité d’élus, qui peinent à atteindre le seuil fatidique. Mais à chaque scrutin, des personnalités que l’on n’attendait pas réussissent tout de même à franchir la marche, souvent de justesse.
Public Sénat revient sur quelques-unes de ces candidatures surprises et surprenantes, qui sont venues pimenter l’affiche des dernières présidentielles.
Quasiment inconnu du grand public, François Asselineau est parvenu à déposer in extremis 524 parrainages en 2017. Depuis plusieurs mois, les Français pouvaient croiser au détour d’une rue, sous un pont, derrière un abribus, le visage du président fondateur de l’Union populaire républicaine (UPR), apparu sur des affiches bleu canard placardées en nombre aux quatre coins du pays grâce à la (sur) mobilisation de ses soutiens, très actifs sur les réseaux sociaux.
En 2014, François Asselineau avait déjà bénéficié d’un bref coup de projecteur médiatique lors d’une apparition sur le plateau d’« On n’est pas couché », sur France 2.
Ancien collaborateur de Gérard Longuet et Charles Pasqua, ce haut fonctionnaire se revendique du gaullisme et affiche des positions ultra-souverainistes, qui lui valent d’être régulièrement étiqueté à l’extrême droite, ce dont il se défend. Par ailleurs, Conspiracy Watch, le site qui répertorie et décortique les différentes formes de complotisme, le considère comme conspirationniste.
Candidat du « Frexit » (contraction du mot « France » et du terme anglais « Exit », en référence au Brexit), François Asselineau a profité de la déferlante eurosceptique sur la dernière présidentielle : cinq candidats sur onze au premier tour appelaient à quitter l’Union européenne. Durant les débats, il fait partie des personnalités qui tirent leur épingle du jeu, se distinguant par sa capacité à citer précisément les traités européens – qu’il entend dénoncer –, et la Constitution.
Sa réplique : « Vous êtes toujours d’accord avec tout le monde ! », lancé à Emmanuel Macron sur le plateau de BFMTV et CNews, a soulevé l’hilarité de ses concurrents. Il termine avec 0,92 % des suffrages exprimés.
Depuis, François Asselineau a été mis en examen pour « agressions sexuelles ». Ces accusations ont été portées par deux anciens collaborateurs, mais elles ne l’ont pas empêché d’annoncer sa candidature pour 2022.
Reste à savoir s’il parviendra encore à faire le plein de parrainages. Le défi pourrait s’avérer plus complexe à relever pour cette présidentielle, dans la mesure où l’ancien bras droit de Marine Le Pen, Florian Philippot, fait campagne sur une ligne similaire.
Jacques Cheminade (1995-2012-2017), jamais deux sans trois
Depuis 1981, il tente régulièrement sa chance à la présidentielle, mais n’a réussi à décrocher les 500 signatures que trois fois, en 1995, en 2012 et en 2017. Jacques Cheminade, le fondateur du parti Solidarité et Progrès, défend lui aussi un projet eurosceptique : il souhaite quitter la zone euro et l’Union européenne pour refonder une Europe des Nations, recentrée sur les six pays fondateurs.
Celui qui se définit souvent comme un « gaulliste de gauche », propose également de sortir la France de l’Otan. Mais ce sont surtout ses visées spatiales - une colonisation de la Lune et une conquête de Mars - qui ont attiré l’attention des commentateurs.
Ses ambitions électorales lui ont aussi valu quelques déconvenues. En 1995, ses comptes de campagne ont été rejetés par le Conseil constitutionnel, au motif que les prêts qu’il avait contractés à taux zéro s’apparentaient à des dons déguisés. En 2005, un rapport de la Miviludes (la mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) a épinglé la tendance de son parti à recruter dans les milieux universitaires, jouant ainsi « sur la fibre engagée et idéaliste des étudiants ».
En 2017, le candidat est, à 75 ans, le doyen de la campagne. Il assure qu’il se présente pour la dernière fois à l’investiture suprême. Durant les débats, il cherche à se défaire de son image de candidat loufoque et des accusations de complotisme.
Avec 0,18 % des suffrages exprimés, il finit bon dernier, certainement concurrencé par la candidature de François Asselineau avec lequel on l’a beaucoup comparé.
Jean Lassalle (2017), un berger dans la course à l’Elysée
Un fort accent béarnais et un phrasé bien à lui font de Jean Lassalle, ancien berger et technicien agricole de formation, un personnage atypique dans le paysage politique français. En 2017, son aventure personnelle pour la présidentielle - ancien proche de François Bayrou, il a quitté le MoDem à l’été 2016, sur un désaccord avec le maire de Pau qui entendait soutenir Alain Juppé -, manque d’échouer avant même le premier tour : le député des Pyrénées-Atlantiques obtient ses 500 parrainages deux jours seulement avant la date limite du dépôt.
Avant cette campagne, Jean Lassalle bénéficiait déjà d’une certaine notoriété. Il avait attiré l’attention en 2003, en entonnant un chant béarnais dans l’hémicycle. Surtout, sa grève de la faim, en 2006, pour éviter la délocalisation de l’usine japonaise Toyal installée dans la vallée d’Aspe, avait été largement médiatisée, tout comme son tour de France à pied en 2013, à la rencontre des électeurs.
À la présidentielle de 2017, Jean Lassalle ne récolte que 1,21 % des voix. Il refuse de donner une consigne pour le second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
« C’est l’affaire des Français ! », balaye-t-il.
En revanche, il conserve son siège de député, et continue de se démarquer : affublé d’un gilet jaune pendant une intervention du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, il provoque une suspension de séance.
L’élu a été, entre 2017 et 2018, accusé de harcèlement sexuel par plusieurs femmes. Il a annoncé en mars dernier son intention de repartir en campagne pour 2022.
Gérard Schivardi (2007), un slogan devant la justice
Son nom, certainement, ne vous dit plus grand-chose, mais son slogan vous parle peut-être un peu plus : « Le candidat des maires ». Gérard Schivardi, artisan maçon, maire de Mailhac, un petit village de l’Aude, obtient en 2007 le parrainage de 554 élus pour pouvoir se présenter au nom du Parti des travailleurs, formation trotskiste, et d’un collectif d’environ 300 maires. Il prend la suite de Daniel Gluckstein, qui avait lui aussi réussi à se qualifier cinq ans plus tôt.
Mais rapidement, le slogan du candidat soulève l’agacement de ses concurrents dans la course à l’Elysée. L’Association des maires de France (AMF), réputée pour sa neutralité politique et forte de ses 34 000 adhérents, lui contexte le qualificatif de « candidat des maires » et saisit la justice :
« Même après avoir été invité par l’association à mettre fin à cette confusion, Gérard Schivardi continue de se prévaloir d’une qualité et d’un mandat auquel il ne peut prétendre ».
En parallèle, la Commission nationale de contrôle de la campagne lui demande de revoir sa copie, et c’est finalement en tant que « candidat présenté par des maires » que Gérard Schivardi enregistre sa profession de foi.
Dans son programme, l’édile prônait avant l’heure « une rupture » avec l’Union européenne, se posait en défenseur du service public et réclamait la nationalisation de plusieurs entreprises, dont Airbus, pour préserver l’emploi. Il promettait, sitôt investi, de laisser les pouvoirs à une « assemblée constituante ».
Gérard Schivardi termine dernier, avec 0,34 % des suffrages exprimés. Il n’a jamais retenté l’aventure présidentielle et, en 2020, a renoncé à briguer un quatrième mandat de maire.
Alain Madelin (2002), un magicien en campagne
C’est sous un chapiteau de cirque, en plein bois de Boulogne, au milieu des funambules et entre les stands de friture, qu’Alain Madelin a lancé dès novembre 2000 sa campagne pour l’élection présidentielle de 2002. Un cadre qui détonne pour le président de Démocratie libérale, une formation issue du giscardisme et avalée depuis par l’UMP, qui a été quatre fois ministre.
La presse de l’époque ne manque pas de railler le côté strass et showbiz de sa communication. On le verra même s’essayer à un numéro de magie chez Drucker. Coté parrainages, le candidat collecte ses 500 signatures « sans trop de peine », son parti disposant d’un nombre important d’élus, dont une quarantaine à l’Assemblée nationale.
C’est plutôt la démarche qui soulève l’étonnement. Alain Madelin se montre relativement indulgent vis-à-vis du président sortant, des formules sibyllines trahissent l’ambiguïté de son positionnement.
« Je veux être le choix alternatif à Chirac, pas un troisième homme pour une troisième voie », déclare-t-il au Monde.
D’aucuns le soupçonnent de jouer les rabatteurs pour Jacques Chirac, avant un ralliement à l’issue du premier tour. L’objectif serait de parasiter les ambitions présidentielles d’un autre centriste, François Bayrou. Le candidat bénéficie de soutiens non négligeables, comme celui du très droitier Charles Million, ancien ministre de la Défense – qui, en 2021 a rejoint l’équipe de campagne d’Éric Zemmour –, ce qui interroge sur son profil libéral.
À rebours, lors d’une séance de questions-réponses avec des auditeurs de RTL, Alain Madelin se dit prêt à tendre la main à l’écologiste Brice Lalonde, qu’il veut voir revenir aux fonctions.
Sa candidature, qui ne décolle pas, semble définitivement neutralisée à la fin du mois de février 2002, lorsqu’une tribune, cosignée par l’UDF et de nombreux élus de Démocratie libérale, appelle à soutenir Jacques Chirac.
Alain Madelin, avec 3,9 % des suffrages exprimés, ne parvient pas à franchir la barre fatidique des 5 %. Il finit également derrière François Bayrou (6,8 %)
Mais aussi…
Une liste de toutes les candidatures plus ou moins décalées - mais non abouties, faute des 500 signatures - à l’élection présidentielle serait particulièrement fastidieuse à dresser. Toutefois, quelques noms se démarquent : ceux qui, à chaque échéance, retentent leur chance.
À l’image de la strip-teaseuse Cindy Lee, fondatrice du Parti du Plaisir, et candidate à la présidentielle depuis 2002. En mars 2017, elle a été arrêtée après un happening contre la corruption devant les grilles de l’Assemblée nationale.
Antoine Waechter, candidat qualifié des Verts en 1988, a lui aussi retenté l’aventure en 1995 et en 2017, mais sans succès. Le fondateur du Mouvement écologiste indépendant (MEI) est à nouveau candidat pour 2022.
Citons encore Charlotte Marchandise, qui avait remporté une primaire citoyenne en ligne en 2016. Pour 2022, elle est l’une des candidates de la primaire populaire qu’entendent organiser des militants de gauche fin janvier. Ou bien l’ancien socialiste Gérard Filoche, qui n’avait pas pu réunir le nombre de parrainages suffisants pour participer à la primaire à gauche en 2016. Comme Charlotte Marchandise, il participe cette fois à la primaire populaire en ligne.
Après la nomination de François Bayrou à Matignon, tout le monde, au sein du bloc central, salue la décision d’Emmanuel Macron. Mais hors micro, on comprend que le président du Modem n’a pas que des soutiens au sein de l’ex-majorité présidentielle. Pour durer, il devra aussi savoir convaincre son propre camp.
La présidente des députés RN attend de voir comment se construit le futur budget avant de se positionner vis-à-vis du prochain gouvernement de François Bayrou. Assurant de pas avoir pris d’engagement, elle « ne renonce pas » à l’outil de la motion de censure.
Après l’annonce de la nomination de François Bayrou à Matignon, les sénateurs LR du Sénat sont dans l’expectative. La participation de la droite au prochain gouvernement, dépendra de l’engagement du Premier ministre sur les priorités qu’il a fixé notamment sur la maîtrise de l’immigration et bien sûr du maintien en poste du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Emmanuel Macron vient de nommer François Bayrou Premier ministre. Le président du MoDem devient ainsi le premier centriste de la Vème République à accéder à Matignon, il doit désormais composer son gouvernement et se protéger du risque de censure. Allié fidèle mais critique d’Emmanuel Macron, il devra réussir à parler aussi bien aux socialistes qu’à la droite. Analyse sur le plateau de Public Sénat.
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