[Série] Petites et grandes histoires des campagnes présidentielles : les trahisons de la droite (1/5)
Entre anecdotes, coups tordus, propositions loufoques ou répliques culte, à l’approche de la présidentielle, Public Sénat vous propose une plongée dans les coulisses de la course à l’Elysée sous la Vᵉ République. Dans ce premier épisode, retour sur trois campagnes durant lesquelles des personnalités issues des rangs de la droite, binômes de circonstance ou véritables alliés, ont fini par s’affronter pour tenter de décrocher l’investiture suprême.
La route vers le pouvoir est jalonnée d’obstacles, mais les coups les plus durs ne viennent pas toujours de là où on les attend. Les ambitions refoulées, les rancœurs mal digérées, ou tout simplement une certaine forme d’arrivisme peuvent pousser le confident, l’ami, le soutien, l’allié, à évincer celui qui semblait tout désigné pour occuper la première place.
Les trahisons politiques revêtent une saveur particulière par temps de campagne présidentielle, sans doute parce que l’enjeu – l’investiture suprême – et l’attention médiatique placent une loupe sur les coups portés. Bien souvent, c’est sous l’œil des caméras et la plume des commentateurs que se joue la mise à mort (politique) de la victime.
À quatre mois de l’élection présidentielle, Public Sénat revient sur trois trahisons, survenues dans les rangs de la droite, et qui ont chamboulé la course à l’Élysée sous la Vᵉ République. Et force est de constater qu’en la matière, un nom revient plus souvent que les autres : celui de Jacques Chirac.
1974 : la valse-hésitation des gaullistes
2 avril 1974. La mort de Georges Pompidou, avant le terme de son septennat, agite l’appétit des gaullistes historiques, mais aussi d’une jeune génération de responsables politiques à droite. La scène ferait presque penser aux généraux d’Alexandre le Grand, se disputant le corps et l’héritage du roi, le panache et les cothurnes en moins.
Pour cette présidentielle anticipée, au moins cinq personnalités ayant occupé une place au gouvernement sous de Gaulle et/ou Pompidou se placent sur la ligne de départ. Premier à se lancer dans la course : le fringant maire de Bordeaux, et ex-Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas. Son parcours de résistant et la (très) longue liste des portefeuilles ministériels qu’il a occupés font de Chaban-Delmas un poids lourd pour porter la voix du gaullisme.
Premier couac : le communiqué qui annonce sa candidature tombe au moment de l’éloge funèbre de Georges Pompidou, prononcé à l’Assemblée nationale par Edgar Faure. Le télescopage des deux événements passe très mal dans les rangs de la droite, notamment auprès de Jacques Chirac, alors ministre de l’Intérieur, et protégé du défunt avec lequel il entretenait une relation quasi-filiale.
Afin de mettre un terme à la cacophonie dans les rangs de la droite, le Corrézien et ses deux éminences grises, les conseillers Pierre Juillet et Marie-France Garaud, poussent Pierre Messmer à annoncer sa propre candidature. En tant que chef du gouvernement, Messmer passe pour un dauphin naturel de Georges Pompidou, il réclame toutefois le ralliement des autres postulants. Peine perdue, Messmer se retire au bout de quelques heures, faute de résultat.
Mais, ce ballon d’essai a le mérite de clarifier les positions à droite : Jacques Chaban-Delmas sera bien la voix du gaullisme historique, il a d’ailleurs obtenu le soutien de l’UDR et des parlementaires étiquetés. Face à lui, une autre personnalité s’impose dans les enquêtes d’opinion : celle de Valéry Giscard d’Estaing (VGE), l’ancien ministre des Finances, défenseur d’une ligne plus libérale.
Jeune loup de la droite pompidolienne, Jacques Chirac, que l’ancien président surnommait « mon bulldozer », a conscience que ses ambitions politiques pourraient se voir freiner par un retour aux fonctions de l’arrière-garde gaullienne. Tacitement, il accorde son soutien à VGE, d’autant qu’une certaine animosité l’oppose à Chaban-Delmas. En 1971, lorsqueLe Canard enchaîné avait publié la feuille d’impôt du Bordelais, les regards s’étaient tournés vers le ministère des Finances… que venait de quitter Jacques Chirac.
À mesure qu’avance la campagne, le « bulldozer » entame un minutieux travail de sape qui culmine avec « l’appel des 43 ». Lancé à quelques semaines du premier tour, signé par quatre ministres et 39 parlementaires, ce texte appelle de manière assez laconique au rassemblement de la droite afin de faire barrage à la gauche. Chaban-Delmas n’y est pas cité. Un véritable désaveu, alors que sa campagne s’essouffle. À l’image de cette séquence télévisée, où il fait intervenir à ses côtés un Malraux bafouillant et lunaire.
Mais, c’est la journaliste de L’Express, Françoise Giroud, qui semble devoir lui porter le coup de grâce dans un éditorial assassin, publié le 24 avril, et dont le seul titre dispense d’en dire plus long : « On ne tire pas sur une ambulance ». Au soir du 5 mai, le verdict est sans appel : Giscard se qualifie avec 32,6 % des suffrages, soit plus du double de Chaban-Delmas, relégué à la troisième place avec 15,11 % des voix. La classe politique et les commentateurs en garderont une formule choc : « Se faire chabaniser ! »
1981 : Chirac, faiseur de roi
Conscient qu’il doit son arrivée à l’Élysée aux manœuvres de Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing l’a nommé Premier ministre. Mais deux ans plus tard, en 1976, rien ne va plus entre les deux hommes. Un remaniement sur lequel il n’a pas réussi à imposer ses choix, des élections cantonales décevantes, et par-dessus tout un séjour humiliant à Brégançon avec le moniteur de ski de Giscard… pour Jacques Chirac, la coupe est pleine. Il claque la porte du gouvernement.
Jacques Chirac demeure malgré tout un poids lourd de la majorité : il entreprend une profonde rénovation du parti gaulliste, devenu le RPR. En 1978, dans « l’appel de Cochin », Chirac (hospitalisé après un accident de voiture) dénonce l’européanisme de Giscard. Et c’est tout naturellement qu’il se présente à l’élection présidentielle de 1981. On vous recommande chaudement cet ovni sonore que constitue sa chanson de campagne « Jacques Chirac maintenant ! ». Largement susceptible, en cette période de fêtes, d’éclipser dans votre tête l’indéboulonnable « All I want for Christmas ». Vous êtes prévenu (e).
Après une campagne largement orientée sur la critique du bilan du président sortant, Jacques Chirac finit à la troisième place (18 %). Valéry Giscard d’Estaing est largement en tête du premier tour, devant le socialiste François Mitterrand (28,32 % des suffrages contre 25,85 %). Le report des voix du RPR lui semble naturellement acquis face à la menace que représente la gauche. Mais, c’était sans compter le grain de sel de Chirac : après avoir indiqué qu’il voterait Giscard « à titre personnel », il refuse de donner une consigne claire à ses militants.
Deux semaines plus tard, les Français élisent le premier président socialiste de la Vᵉ République. Dans ses mémoires, Giscard rapporte que François Mitterrand lui aurait avoué avoir conclu un « pacte électoral » avec Jacques Chirac. Toujours selon VGE, les permanences du RPR auraient appelé les adhérents à voter pour le socialiste. La détestation entre les deux hommes ne s’éteindra jamais, bien au contraire : elle est ravivée dans les couloirs du Conseil constitutionnel, près de trois décennies plus tard.
1995 : duel fratricide à droite
Les législatives de 1993 portent la droite au pouvoir. Jacques Chirac semble tout désigné pour revêtir – une fois de plus – le costume de Premier ministre. Mais une cohabitation particulièrement houleuse à la fin du premier septennat de François Mitterrand le dissuade de renouveler l’expérience. Le patron du RPR refile la patate chaude à Édouard Balladur. En sous-main, un accord pour la présidentielle de 1995 : Jacques Chirac entend préparer sa future candidature, pendant qu’Édouard Balladur, à la tête du gouvernement, servira de paravent.
Mais voilà, ce dernier traverse « l’enfer de Matignon » sans encombre. François Mitterrand, largement diminué par la maladie, lui laisse le champ libre. Balladur bénéficie d’une importante cote de popularité, et le dénouement de la prise d’otages du vol Air France 8969, à Noël 1994, confirme sa stature de présidentiable.
Le 18 janvier 1995, il franchit le Rubicon, et annonce sa candidature. Le soutien des giscardiens et de plusieurs personnalités du RPR, tels que Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy, relègue aussitôt Jacques Chirac au rang d’outsider. Ironie du sort, plus de vingt ans après la présidentielle de 1974, le Corrézien est en train de se faire… chabaniser ! Il entame alors une campagne de terrain, porté par un thème qui fait mouche auprès des électeurs, celui de la « fracture sociale ».
C’est finalement de justesse qu’il passe le seuil de qualification pour le second tour, avec 20,84 % des suffrages, contre 18,58 % pour Édouard Balladur.
Une phrase prononcée par Balladur après sa défaite est passée à la postérité. Alors qu’il s’adresse à ses partisans, les sifflets s’élèvent lorsqu’il mentionne Jacques Chirac : « Je vous demande de vous arrêter ! », lâche-t-il par deux fois avec agacement. Surtout, la scène trahit la cicatrice profonde laissée au sein du RPR par le duel Chirac-Balladur, encore mal refermée sous l’UMP.
Au moment où le chef de l’Etat s’apprête à nommer un nouveau premier ministre, Emmanuel Macron a reçu ce mercredi à déjeuner les sénateurs Renaissance, à l’Elysée. Une rencontre prévue de longue date. L’occasion d’évoquer les collectivités, mais aussi les « 30 mois à venir » et les appétits pour 2027…
Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, réclame un Premier ministre de gauche, alors que LFI refuse de se mettre autour de la table pour travailler sur la mise en place d’un gouvernement, préférant pousser pour une démission du chef de l’Etat. Ce mercredi, députés et sénateurs PS se sont réunis alors que le nom du nouveau chef de gouvernement pourrait tomber d’un instant à l’autre.
Si une semaine après le renversement du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron est sur le point de nommer un nouveau Premier ministre, la situation politique française inquiète particulièrement les eurodéputés à Bruxelles que certains comparent à celle en Allemagne.
La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».