Emmanuel Macron to Visit 27th Mountain Infantry Brigade in Varces on November 27, 2025
Emmanuel Macron à Varces, en Isère/Credit:Romain Doucelin -Pool/SIPA/2511271406

Service militaire volontaire : « Je ne vois pas où on trouve les 2 milliards » réagit Cédric Perrin

Face aux menaces russes et à la mise en garde du chef d’état-major, Emmanuel Macron accélère la création d’un service national militaire volontaire. Si les sénateurs reconnaissent l’urgence stratégique, ils pointent une annonce précipitée, sans débat public ni concertation parlementaire, et des financements jugés peu crédibles.
Emma Bador-Fritche

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« La jeunesse française a soif d’engagement », a affirmé le chef de l’État. Emmanuel Macron a annoncé la création d’un service national militaire volontaire d’une durée de dix mois, destiné aux jeunes de 18 à 19 ans et appelé à monter en puissance dès l’été 2026, au moment même où l’exécutif comme l’état-major multiplient les mises en garde face aux menaces russes. Ces propos font directement écho à ceux du chef d’état-major des armées, tenus une semaine plus tôt lors du Congrès des maires et qui avaient suscité de vives réactions politiques. Il avait alors estimé que « si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, alors on est en risque ». Évoqué dès le 13 juillet le service national militaire « volontaire » par le chef des armées « sera décliné dans les semaines et mois à venir par la ministre des armées, la ministre déléguée et le CEMA ». Au Sénat, on reconnaît la gravité du moment. Tous les membres de la commission des affaires étrangères interrogés admettent la nécessité de retisser un lien entre la nation et son effort de défense. Reste à savoir comment y parvenir.

« La seule solution est d’être fort »

Sur le fond, les sénateurs ne contestent pas la gravité de la période. Hélène Conway-Mouret, sénatrice socialiste, rappelle que le chef d’état-major « avait ouvert la voie » en appelant à un sursaut national, et relève que l’exemple ukrainien « inspire désormais toute l’Europe » : « Il n’y a donc aucune surprise dans l’annonce. » Même analyse chez Cédric Perrin, sénateur Les Républicains et président de la commission des affaires étrangères, pour qui, face à la montée des menaces, « la seule solution est d’être fort ». Rachid Temal (PS) insiste, lui, sur la permanence de l’enjeu : « Les menaces évoluent, mais la responsabilité de la nation reste la même, il faut un changement de paradigme »

Mais derrière ce diagnostic partagé, les lignes se tendent dès qu’il s’agit de la méthode. Beaucoup jugent l’annonce présidentielle trop abrupte, trop solitaire. La sénatrice estime que les Français ont été « pris de court », faute d’explications. Son collègue socialiste se montre plus sévère : on ne peut plus, selon lui, diriger la défense « à la grand-papa, un homme seul dans son bureau ». Il réclame un débat public, voire une convention citoyenne. Le président de la commission des affaires étrangères dénonce, lui, « l’absence totale de concertation avec le Parlement », alors même que la réforme touche à la loi de programmation militaire : « Une fois de plus, nous avons été tenus à l’écart, alors que c’est le Parlement qui vote le budget. »

Défense trop technocratique, annonces trop verticales, pédagogie absente. « Les gens sont déjà sous le choc des propos du CEMA et du président », indique la sénatrice socialiste. Cédric Perrin convoque le général de Gaulle pour résumer l’état d’esprit d’une partie de la commission : « L’aveuglement d’une nation qui refuse de voir monter la menace prépare toujours les défaites les plus lourdes. »

2 milliards : « On n’a pas le budget, ce n’est pas sérieux »

Si l’idée d’un service national renforcé trouve un écho relativement favorable, son financement, lui, laisse sceptique. Les 2 milliards annoncés par l’exécutif semblent, pour beaucoup « pas sérieux ». « Je ne vois pas où il trouve les 2 milliards. Déjà aujourd’hui, on a du mal à se réarmer avec le budget actuel. » s’insurge Cédric Perrin. Rachid Temal juge également la trajectoire « peu crédible » : « Il annonce 2 milliards supplémentaires alors qu’on n’a pas le budget. Ce n’est pas sérieux. »

De son côté Hélène Conway-Mouret adopte un ton plus rassurant, mais insiste sur la nécessité de transparence : « On ne dit pas qu’on va prendre 2 milliards d’euros sur le budget de l’Éducation nationale », donc « si demain la France était en guerre, la préoccupation serait toute autre. Il faut une prise de conscience, même si elle a un coût. »

« Il ne faut pas croire que les jeunes ne veulent pas s’engager. »

Le nouveau service national est conçu pour accueillir 3 000 jeunes en 2026, 10 000 en 2030 et 50 000 en 2035. Là encore, les sénateurs y voient des opportunités différentes. Le sénateur LR y lit un levier de patriotisme et de résilience : « Sur le principe c’est une excellente idée, améliorer la résilience, nationale et le patriotique de nos jeunes » mais il ne faut pas croire que « les jeunes ne veulent pas s’engager. L’armée de terre recrute 15 000 personnes par an sans problème. » La sénatrice des Français établis à l’étranger insiste sur la dimension sociale du dispositif, « cela peut aider des jeunes en décrochage scolaire, leur offrir des certificats, une structure, une deuxième chance. » Elle y voit une façon de « recréer le lien entre la jeunesse et la nation ». « Si les citoyens ne sont pas associés, ils ne peuvent pas adhérer. On doit dire la vérité sans affoler : ‘nous sommes une nation de paix, mais la dissuasion est vitale’ » insiste le sénateur socialiste Rachid Temal

L’ombre d’une obligation en cas de crise

Le chef de l’État a évoqué une possibilité : qu’en cas de crise majeure, le Parlement puisse autoriser le passage d’un service volontaire à un service obligatoire pour certains jeunes dont les compétences auraient été repérées. Là encore, les réactions divergent. Cédric Perrin rappelle que « la mobilisation générale est déjà prévue par la Constitution ». Il s’étonne que le Parlement n’ait pas été associé « plus tôt à cette réflexion », qui touche au cœur même de la souveraineté nationale. Une décision aussi lourde ne peut, dit-il, être prise « dans un coin, hors du débat national » réagit Rachid Temal qui demande un cadre démocratique clair.

Un Sénat globalement favorable sur le principe, mais tous convergent sur l’absence de concertation démocratique, le Parlement réclame d’être associé en amont, et non mis devant le fait accompli et d’un financement encore opaque. Si Emmanuel Macron entend « consolider le pacte entre l’armée et la nation », les sénateurs veulent désormais consolider le pacte entre l’exécutif et le Parlement.

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