C’est le moment fort de son intervention. A la hauteur du malaise social dans le pays. Emmanuel Macron a « décrété » « l’Etat d’urgence économique et social ». Après plusieurs semaines de mobilisation des gilets jaunes, Emmanuel Macron s’est enfin exprimé devant les Français. Sa parole était pour le moins attendue dans ce moment « historique », selon ses propres mots. Une allocution où il a cherché à parler parfois avec des mots plus simples, évitant les termes trop techniques, tout en mettant de l’humain (voir ses principales déclarations pour plus de détails).
Flou sur la mise en œuvre de la hausse du Smic de 100 euros
Pour avoir « une France qui vit dignement de son travail », le chef de l’Etat « demande au gouvernement et au Parlement de faire le nécessaire afin qu’on puisse mieux vivre ». L’annonce principale faite par le chef de l’Etat vise les bas salaires. « Les salariés au Smic seront augmentés de 100 euros par mois dès 2019, sans que ça coûte un euro de plus pour l’employeur ».
Emmanuel Macron n’a cependant pas donné les détails de la mise en œuvre de la mesure, que ses ministres avaient pourtant écartée jusqu’ici. Selon un journaliste du Figaro, cela passerait pas la revalorisation accélérée de la prime d'activité. Cette hausse ne serait donc en réalité pas directement celle du Smic. Mais la décision profiterait aux salariés au niveau du Smic.
Retour de la défiscalisation des heures supp’ : un coût de 4,5 milliards d’euros par an
Autre annonce économique : « Les heures supplémentaires seront versées sans impôt ni charge, dès 2019 ». Une manière plus simple de parler de défiscalisation des heures supp’, comme instaurée sous Nicolas Sarkozy. Le gouvernement avait prévu pour le moment de supprimer, pour le salarié comme pour l'employeur, les cotisations sociales liées aux heures supplémentaires. Une mesure qui rapporte moins aux salariés et coûte moins cher que celle décidée par Nicolas Sarkozy. La facture de la défiscalisation des heures supp’ était de 4,5 milliards d’euros par an. C’est l’un des arguments, avec leur effet négatif sur le chômage, qu’avait mis en avant François Hollande pour justifier leur suppression.
Autre mesure, qui était attendue, à destination des retraités : « Pour ceux qui touchent moins de 2.000 euros par mois, nous annulerons pour 2019 la hausse de CSG. L’effort demandé était trop important ». La droite n’a eu de cesse, depuis un an, de dénoncer cette hausse. Mais l’annulation ne porte que sur l’année prochaine.
Pause dans la réduction du déficit ?
Ces annonces soulèvent un point d’interrogation important : la règle européenne du maintien du déficit public sous la barre des 3% sera-t-elle respectée ? Ou y aura-t-il une pause dans le rythme de réduction des déficits ?
C’est possible, puisque le gouvernement a de la marge. La transformation du CICE en baisse de charge pérenne a alourdi le déficit. En 2019, il aurait été estimé à 1,9% du PIB, et non à 2,8%, sans cette décision. A moins que l’exécutif finance les nouvelles mesures par des économies supplémentaires. Mais où ? C’est politiquement plus risqué.
Frapper un coup fort
Pour faire adopter ces mesures, Emmanuel Macron peut encore compter sur le budget 2019. Le projet de loi de finances n’est en effet pas encore adopté. Le Sénat vient de terminer ce lundi l’examen de l’ensemble des articles. Un travail qui aura donc été fait sans la connaissance des annonces présidentielle. Le vote solennel est prévu ce mardi. Avec la « navette parlementaires » entre les deux chambres, le texte va ensuite faire son retour devant les députés, qui ont le dernier mot. Emmanuel Macron dispose de la majorité absolue à l’Assemblée et pourra, par voie d’amendements déposés par le gouvernement, modifier le budget.
L’effet d’annonce cumulé des mesures sur le Smic, les heures supplémentaires et les retraités est néanmoins important. Emmanuel Macron a clairement voulu frapper un coup fort, à la hauteur de la crise que traversent le pays et son pouvoir. Mais rien ne dit que ses propos éteindront l’incendie.