Les dirigeants de la SNCF avaient rendez-vous lundi au ministère des Transports pour une « réunion de travail » visant à tirer les leçons des incidents qui ont affecté les gares parisiennes en décembre, provoquant la colère de dizaines de milliers de passagers.
La SNCF a fait face à une succession de pannes à Montparnasse et Saint-Lazare, et à une grande pagaille due à un afflux inattendu de voyageurs à Bercy la veille de Noël. Fin juillet déjà, une défaillance de la signalisation avait paralysé Montparnasse pendant trois jours, en plein chassé-croisé estival. Pendant la période des fêtes, la ministre des Transports Élisabeth Borne avait publiquement fait part de son mécontentement, convoquant le patron de la SNCF Guillaume Pepy et le responsable du réseau, Patrick Jeantet, pour un grand débriefing. Pour la direction de la SNCF, il s’agit aussi de consolider une relation de confiance avec le gouvernement comme avec le grand public, avant le lancement des grands chantiers de la réforme des retraites des cheminots et de l’ouverture du rail à la concurrence.
Un audit technique pour les grandes gares françaises
À l’issue de cette réunion, la ministre a annoncé, dans un communiqué, un audit technique pour les grandes gares françaises : « SNCF Réseau lancera un diagnostic complet sur l'ensemble des systèmes d'alimentation électrique, de signalisation et sur les postes informatiques de toutes les grandes gares parisiennes, ainsi que sur les principales gares en région. » Cet audit devra être finalisé d'ici à la fin mars, et des « propositions d'actions, notamment sur les investissements prioritaires dans ces grandes gares, proposées pour fin avril 2018. »
Des travaux de modernisation nécessaires mais sous surveillance
L’accent est également mis sur l’entretien et la modernisation du réseau ferroviaire, afin de compenser la priorité donnée au TGV ces dernières années. « Un sous-investissement depuis plusieurs décennies dans l’entretien et la modernisation du réseau ferroviaire, au détriment en particulier des trains du quotidien pourtant essentiels pour des millions de voyageurs. » Ainsi, selon le ministère des transports, dès 2018, ce sont 5,2 milliards d’euros qui seront consacrés à l’entretien et la régénération du réseau ferroviaire, soit près du double d’il y a dix ans. Sur ces grands chantiers de modernisation du réseau, la SNCF a également présenté « un projet de réorganisation interne en cours visant à fiabiliser davantage les travaux. »
Vers une communication plus transparente ?
Autre reproche récurrent fait à la SNCF, l’information des voyageurs. Sur ce point, la SNCF a promis lundi un « affichage systématique et lisible dans toutes les gares concernées » de tous les travaux ayant des conséquences sur la circulation des trains. La SNCF va aussi tester dans la seconde quinzaine de janvier un « indicateur de gravité des incidents d'exploitation du réseau affectant les voyageurs », sur le modèle des échelles existant dans d'autres secteurs.
« Cette échelle permettra notamment aux voyageurs de disposer d'une indication claire et objective sur la teneur d'un incident affectant le réseau ferroviaire et d'en mesurer l'impact », a précisé le ministère des Transports. Par ailleurs, la SNCF a proposé de publier quotidiennement, la régularité des trains TER, Transilien, Intercités et TGV ayant circulé la veille, « répondant ainsi à un objectif de transparence et de confiance vis-à-vis des voyageurs et de toutes les parties prenantes ». Enfin, sur ce volet communication, « Les résultats par lignes, par régions et par axes seront accompagnés d'informations sur les causes des principaux incidents. »
Une opération de communication ?
Face à ces annonces, le sénateur Hervé Maurey n’est pas franchement convaincu. « Clairement, ce ne sont pas des annonces extraordinaires, rien de nouveau ici. On est face à une opération de communication plus qu’autre chose. » Sur l’audit, le sénateur de l’Eure est tout aussi partagé : « Ça va dans le bon sens, mais cet audit aurait dû être annoncé beaucoup plus tôt, dès les premières défaillances de cet été. »
Pour expliquer, en partie, ces défaillances, Hervé Maurey, auteur d’une proposition de loi visant à l’ouverture à la concurrence du rail français, pointe la situation de monopole de la SNCF : « Le monopole de la SNCF permet aussi d’expliquer cette situation. Une entreprise en monopole n’est pas stimulé par l’exposition à la concurrence, elle n’est pas dans une logique de remise en question et de réactivité. C’est pour ça que l’ouverture à la concurrence de ce marché permettrait de donner un boost à la SNCF, de l’encourager à améliorer la qualité de son service au bénéfice des usagers. »
Pour autant, le sénateur de l’Eure admet, lui aussi, une part de responsabilité des politiques ferroviaires successives de ces dernières décennies : « Ce n’est pas uniquement la faute de la SNCF, il faut aussi rappeler que derrière la situation d’aujourd’hui, il y a des décennies de décisions politiques en faveur du TGV au détriment du transport quotidien, au détriment de ces usagers. Ce changement de priorité est bienvenu, mais il faudra au moins 10 ans avant d’en voir les résultats. »