La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Sondage : les Français indifférents à la nomination d’Élisabeth Borne
Par Public Sénat
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Un effet d’attente trompé. Emmanuel Macron aura mis plus de vingt jours, après sa réélection, pour choisir sa nouvelle cheffe de gouvernement. Un délai particulièrement long, qui a donné libre cours aux pronostics, avant qu’Élisabeth Borne, dont le nom circulait déjà avant la présidentielle, ne soit finalement choisie. Une personnalité discrète, encore inconnue il y a cinq ans, et qui ne semble pas motiver d’attente particulière chez les Français au regard du niveau d’indifférence suscité par son arrivée à Matignon. Près de 4 Français sur 10 (38 %) déclarent ne pas avoir d’avis particulier à son égard, selon la 11e vague de l’enquête électorale française 2022, réalisée avec Ipsos Sopra Steria* pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) la Fondation Jean Jaurès et le quotidien Le Monde. 34 % des personnes interrogées se montrent satisfaites par cette nomination, et 28 % mécontentes.
Les principaux opposants à cette nomination se trouvent chez les soutiens de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen (43 % de mécontents au sein des insoumis, contre 40 % au Rassemblement national, des scores équivalents à la proportion d’indifférents chez ces deux types d’électorats). Inversement, la part de personnes satisfaites est plus importante chez les électeurs d’Emmanuel Macron (72 %) et ceux de Valérie Pécresse (41 %).
Un contexte de « dépolitisation des élections législatives »
Ce manque d’intérêt s’explique en partie par l’enjeu moindre que revêt désormais la nomination du chef du gouvernement, dans un système où le chef de l’Etat a tendance à concentrer l’essentiel de l’attention médiatique. « L’hyper-présidentialisation du régime politique français produit un déplacement de l’attention politique du gouvernement vers le président de la République. La marge de manœuvre et l’autonomie politique du chef de gouvernement s’en trouvent d’autant réduites », explique dans un communiqué le politologue Martial Foucault, directeur du Cevipof. Autres éléments d’analyse : sept semaines séparent les législatives de la présidentielle, un délai inédit. Par ailleurs, Élisabeth Borne n’a pas encore endossé le rôle de chef de file de la majorité, traditionnellement attribué au Premier ministre.
À ce stade, seules 47 % des personnes interrogées ont l’intention d’aller voter le 12 juin prochain. « Face à ce contexte de dépolitisation des élections législatives, la position d’Élisabeth Borne consiste à se tenir à distance de toute implication trop intrusive dans le débat législatif », observe encore Martial Foucault.
Par ailleurs, 58 % des Français estiment que le chef de l’Etat devrait consacrer les premiers mois de son quinquennat à « rassembler les Français même si cela signifie remettre à plus tard certaines réformes importantes, mais clivantes ». Pour ce début de mandat, ils ne sont que 42 % à attendre le lancement de grands chantiers législatifs, « même si cela peut provoquer des mouvements sociaux de grande ampleur ».
Une opposition massive au recul de l’âge de départ à la retraite
L’équation semble donc complexe pour la nouvelle Première ministre, qui s’apprête à poser les jalons de ce qui s’annonce comme l’une des réformes les plus importantes du quinquennat : les retraites, avec à la clef un recul de l’âge légal de départ à 64, voire 65 ans. « Des principes ont été posés, et nous devons maintenant consulter, concerter et coconstruire », a déclaré Élisabeth Borne lundi matin, en remettant les clefs du ministère du Travail, qu’elle a occupé pendant 22 mois, à son successeur Olivier Dussopt. L’objectif : « Faire en sorte que les jeunes générations puissent bénéficier d’une retraite et que chacun ait une pension digne », a-t-elle rappelé, alors qu’Emmanuel Macron s’est engagé durant la campagne à mettre en place une pension minimum de 1 100 euros dès janvier 2023. Ce lundi, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, reçoit les acteurs patronaux à Bercy, pour évoquer les priorités du quinquennat en matière d’économie.
Le pouvoir d’achat, l’environnement et la santé sont en tête des principales préoccupations des Français. La retraite n’arrive qu’en cinquième position, derrière la guerre en Ukraine. Malgré tout, 76 % des Français se disent opposés à un nouveau recul de l’âge légal de départ à la retraite, toujours selon la même enquête Ipsos Sopra Steria. Néanmoins, parmi cette proportion, 33 % estiment qu’« il faudra bien en passer par là pour sauvegarder le système des retraites ». Seuls 24 % se disent favorables à la réforme, il s’agit très majoritairement des électeurs de la majorité sortante (55 %), et ceux de l’alliance LR-UDI (47 %). Sans surprise, l’opposition à cette réforme est particulièrement marquée chez les partisans de la NUPES, l’union des principaux partis de gauche qui s’est mise en place autour de Jean-Luc Mélenchon pour les législatives, avec 94 % de personnes contre (dont 22 % qui estiment néanmoins qu’une telle réforme est inévitable).
De 290 à 330 députés pour la majorité présidentielle
Pour rappel, la NUPES propose dans son programme un retour de la retraite à 60 ans à taux plein, avec 40 annuités de cotisation contre 42 actuellement. S’appuyant sur des projections pour le premier tour des législatives, Ipsos Sopra Steria accorde à cette alliance entre 165 et 195 sièges à l’Assemblée nationale, face à l’attelage Renaissance-MoDem-Horizon, qui devrait conserver la majorité absolue avec 290 à 330 sièges. LR-UDI n’est crédité que de 35 à 65 sièges, et le Rassemblement national de 20 à 45.
* Méthodologie : cette enquête a été menée du 16 au 19 mai 2022, sur 11 247 personnes, interrogée par Internet, et constituant un échantillon national représentatif de la population française, inscrite sur les listes électorales, âgée de 18 ans et plus. Élisabeth Borne est entrée en fonction le 16 mai.