Le Sénat a lancé il y a un an la possibilité de déposer et de signer des pétitions pour tenter de faire bouger les lignes législatives. La condition ? Récolter 100 000 signatures minimum en six mois. C’est justement le cas de la pétition pour « individualiser l’allocation aux adultes handicapés (AAH) des revenus du conjoint et supprimer la majoration de son plafonnement ». Car, on ne le sait pas forcément, mais cette indemnité de 902 euros mensuelle est calculée actuellement en fonction des revenus du ménage. Or, si le plafond des revenus du couple dépasse très précisément 19 607 euros par an, cette allocation n’est plus versée à la personne conjointe handicapée. Une « injustice » dénoncée dans cette pétition déposée sur le site du Sénat en septembre par une citoyenne très engagée, et qui pourrait donc enfin devenir de l’histoire ancienne.
En fait pas si sûr. Auditionnée ce matin devant la commission des affaires sociales, Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées, a rappelé qu’elle n’était « pas favorable » à cette proposition de loi qui propose également dans son article 4 de reporter la barrière d’âge de 60 ans pour solliciter le bénéfice de la prestation de compensation du handicap.
« En supprimant toute notion au plafond et le principe même d’allocation, la présente proposition de loi fait sortir du droit commun 1,2 million de bénéficiaires de l’allocation adulte handicapés. En adoptant cette proposition de loi, nous les excluons de fait de cette notion de partage des ressources, et en individualisant une allocation sans condition de ressources, nous réduisons à néant le fondement même de notre solidarité : soutenir ceux qui en ont le plus besoin », a lancé la ministre en rappelant que si ces nouvelles dispositions venaient à être adoptées, elles représenteraient pas moins de « 20 milliards d’euros de dépenses nouvelles ».
Un constat donc très critique sur cette PPL dont le sénateur Philippe Mouiller est le rapporteur. Pour l’élu LR des Deux-Sèvres, le problème est d’abord la définition que l’on fait de l’allocation handicapée. « On est sur une allocation avec deux jambes. A la fois considérée comme un minima social, mais aussi en même temps comme une compensation par rapport à des gens très éloignés de l’emploi. Donc, deux approches complètement différentes qu’il faut clarifier, et c’est justement très bien que nous ayons ce débat de fond le mois prochain au Sénat ».
« L’individualisation de l’AAH serait un acte fort »
Plusieurs sénateurs ont aussi expliqué à la secrétaire d’Etat pourquoi, selon eux, l’individualisation de cette allocation handicapés (AAH) était très importante à leurs yeux notamment pour lutter contre les violences physiques et économiques que vivent les personnes handicapées. « Des associations nous font remonter des témoignages qui viennent confirmer que cette allocation ne revient pas toujours à la personne qui est handicapée et est malheureusement l’enjeu de violences au sein du couple. Donc cette individualisation serait un acte fort de reconnaissance et de la dignité de la personne handicapée », a expliqué la sénatrice Michèle Meunier.
Cette proposition de loi qui sera examinée le 9 mars prochain en séance publique au Sénat devrait donc donner lieu à de vifs débats entre pro et anti individualisation de cette allocation pour adultes handicapés que de nombreuses associations réclament depuis de nombreuses années aux gouvernements successifs.