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Soumission chimique : 50 propositions pour mettre fin à une « errance collective » sur ce phénomène

La députée Modem, Sandrine Josso et la sénatrice RDSE, Véronique Guillotin ont remis 50 propositions à la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes, Aurore Bergé pour prévenir et lutter contre le procédé de la soumission chimique. Des propositions qui sont issues de la mission gouvernementale initiée il y a un an et demi, dans la foulée de l’affaire Joël Guerriau.
Simon Barbarit

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Fin 2023, la députée Modem de Loire-Atlantique, Sandrine Josso déposait plainte contre le sénateur de sa circonscription, Joël Guerriau et appelait « le gouvernement à faire quelque chose par rapport à ce fléau » de la soumission chimique. La demande de la députée à l’exécutif avait bien été entendue et une mission gouvernementale avait été lancée dans la foulée sur le sujet, avec à sa tête Sandrine Josso et la sénatrice RDSE, Véronique Guillotin.

Pour mémoire, Joël Guerriau est soupçonné d’avoir dilué de la MDMA à 91,1 % pure dans le verre de champagne de la députée qu’il avait invité chez lui. Mis en examen pour « administration de substance afin de commettre un viol ou une agression sexuelle » et pour « détention et usage de substances classées comme stupéfiants, le parquet de Paris a requis un procès contre le sénateur qui reste présumé innocent.

« Malgré quelques aléas, nous sommes parvenus à aller au bout de nous travaux qui formulent 50 propositions dont quinze peuvent être prises à court terme », indique Véronique Guillotin, qui remet son rapport ce lundi, à la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes, Aurore Bergé. La dissolution de l’Assemblée nationale avait, en effet, conduit à un arrêt des travaux pendant plusieurs mois, l’année dernière. Alors qu’au même moment, le procès retentissant des viols de Mazan faisait prendre conscience au monde entier de l’ampleur du phénomène de la soumission chimique.

62 condamnations en 2023

De crainte d’être une « mauvaise » victime en raison d’une description incomplète des faits due à la prise de substance, le nombre de plaintes est loin de correspondre au nombre de situations, rendant le procédé de la soumission chimique difficilement quantifiable.

Les rapporteures citent les données du Centre de référence des Agressions facilitées par les substances (CRAFS) qui a analysé en 2022, 1 229 soumissions et vulnérabilités chimiques vraisemblables. « En 2023, 127 personnes ont été mises en cause au titre de la seule soumission chimique : parmi les 65 procédures poursuivables, 62 l’ont été effectivement, donnant lieu à des peines de réclusion ferme d’une durée moyenne de 8,9 années », ajoutent les élues. Elles précisent néanmoins qu’il s’agit « d’une estimation infinitésimale des situations ».

Il faut ici distinguer la soumission chimique, de la vulnérabilité chimique. La première, réprimée dans le code pénal, se caractérise « par l’administration à des fins criminelles (viols, actes de pédophilie) ou délictuelles (violences volontaires, vols) de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace ». La vulnérabilité chimique « désigne l’état de fragilité d’une personne induit par la consommation volontaire de substances psychoactives la rendant plus vulnérable à un acte délictuel ou criminel ».

Intégrer la vulnérabilité chimique dans le code pénal

Concernant la vulnérabilité chimique, la mission recommande d’intégrer au code pénal la circonstance aggravante « pour la victime en cas d’état d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants », « pour les infractions de viols et d’agressions sexuelles ».

Pour renforcer le traitement judiciaire, le rapport recommande d’élargir la levée du secret médical aux cas de soumission et de vulnérabilité chimiques « si la victime ne souhaite pas déposer plainte, du « fait de l’altération temporaire de son discernement ou du contrôle de ses actes par un tiers ».

« L’affaire Pelicot a démontré qu’il y avait une méconnaissance et même une forme d’errance collective sur le sujet de la soumission chimique », estime Véronique Guillotin. Il y a quelques mois, Leïla Chouachi, pharmacienne, membre du centre d’addictovigilance de Paris et rapporteure d’une enquête annuelle sur la soumission chimique auprès de l’ANSM (l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) expliquait à publicsenat.fr « que dans la majorité des cas, la prise du produit a eu lieu dans un contexte privé et les auteurs étaient connus des victimes ». De ce point de vue, l’affaire des viols de Mazan a cassé le préjugé du portrait type de la victime qui aurait laissé son verre sans surveillance dans un lieu festif. La mission recommande l’organisation d’une « Conférence nationale annuelle relative à la lutte contre les violences, intégrant les faits croissants de soumission et de vulnérabilité chimiques, afin de rassembler les professionnels, les associations et les victimes expertes ».

Les parlementaires demandent également le lancement, à un rythme annuel, d’une vaste campagne de sensibilisation de l’ensemble de la population, ainsi qu’ « un renforcement des moyens » au bénéfice de l’éducation à la vie affective et sexuelle (Evars) dans les établissements scolaires.

Généralisation du remboursement des prélèvements biologiques

Il y a un an et demi, sur le plateau de « C à Vous » sur France 5, Sandrine Josso avait donné quelques conseils aux personnes suspectant d’avoir été droguées à leur insu. « Allez faire une prise de sang, relever vos urines. Peut-être quand vous sortez, emportez un petit récipient pour récolter vos urines au cas où ».

Rappelons que jusqu’à présent, en dehors du circuit judiciaire et du dépôt de plainte, le coût des analyses toxicologiques dans un laboratoire est à la charge de la victime et il peut être très élevé. La mission recommande donc la généralisation de l’expérimentation du remboursement des prélèvements biologiques sans dépôt de plainte dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2026. Actuellement, cette mesure doit simplement faire l’objet d’une expérimentation au 1er juillet dans trois régions et pour trois ans.

La mission plaide aussi pour intégrer les victimes de soumission ou de vulnérabilité chimiques à la procédure de recueil des preuves sans dépôt de plainte au sein des hôpitaux afin de « garantir aux victimes la conservation des preuves du délit ou du crime en vue d’une éventuelle judiciarisation ultérieure ».

Caroline Darian, fille de Gisèle Pelicot et fondatrice de l’association « M’endors pas » a estimé, auprès de l’AFP, que ces mesures allaient « dans le bon sens ». « La question maintenant c’est : quelle échéance, quelles ressources et quel budget va mettre à disposition le gouvernement », a-t-elle ajouté.

« Il va falloir déployer les moyens adaptés comme on le fait depuis 2017 », a promis Aurore Bergé dans Libération, sans donner de chiffres.

 

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