La cour d'appel de Paris a récemment suspendu l'enquête du juge d'instruction sur des soupçons de détournements de fonds publics entre 2009 et 2014, qui vise plusieurs élus ou anciens élus de l'ex-UMP au Sénat, a-t-on appris jeudi de sources proches du dossier.
Le 14 juin, la cour a ordonné au juge d'instruction de suspendre son enquête, le temps qu'elle se prononce sur les recours de cinq sénateurs ou ex-élus qui contestent la régularité de leur mise en examen avec un argument juridique qui rappelle l'affaire Fillon.
Ces derniers mois, l'enquête s'était accélérée avec les mises en examen de sept actuels ou anciens sénateurs, notamment Les Républicains (ex-UMP) Jean-Claude Carle, ex-trésorier du groupe UMP sénatorial, et Henri de Raincourt, ex-président du groupe, pour "recel de détournements de fonds publics".
Les dernières en date sont intervenues le 26 avril et le 16 mai: l'ex-sénateur Pierre Martin et Bruno Sido, élu de la Haute-Marne, ont été mis en examen. Trois autres sont par ailleurs placés sous le statut intermédiaire de témoins assistés.
Les enquêteurs s'intéressent à un possible système occulte de compléments de revenus avec des sommes d'argent remises à des sénateurs depuis deux comptes du groupe UMP à la chambre haute, et par le biais notamment de l'URS, un sous-groupe rallié par d'anciens giscardiens et centristes à la fondation de l'UMP en 2002.
Les juges s'interrogent notamment sur la légalité de la "ristourne" qui permettait aux sénateurs de reverser au groupe les fonds non utilisés pour l'embauche d'assistants parlementaires puis d'en récupérer une partie.
Au total, neuf personnes ont été mises en examen dans l'information judiciaire ouverte fin 2013 après une enquête du parquet de Paris, suite à un signalement Tracfin.
Alors que d'autres convocations étaient à prévoir, l'avocat de cinq élus, dont Jean-Claude Carle et Henri de Raincourt, a saisi la chambre de l'instruction d'une requête pour faire annuler leur mise en examen tout en réclamant la suspension des investigations. Ils contestent tout détournement.
Dans leur requête du 21 avril, ils soutiennent que les groupes parlementaires "disposent librement des fonds publics qu'ils reçoivent", selon une source proche du dossier.
"Au regard de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut s’immiscer dans la gestion des groupes parlementaires qui s’administrent librement", a déclaré Me Antoine Beauquier à l'AFP.
Ils font valoir également que le détournement de fonds public est applicable aux personnes "chargées d'une mission de service public", mais pas aux parlementaires, qui eux sont investis d'un "mandat électif".
Cet argument rejoint celui développé par les avocats de François Fillon, au début de l'affaire des emplois fictifs présumés de sa femme et de ses enfants au Parlement qui lui vaut d'être mis en examen notamment pour "détournements de fonds publics".
"La justice considère que les questions posées sont trop importantes pour laisser l'information judiciaire se poursuivre sans que les recours ne soient tranchés", a expliqué une source proche du dossier.
Les sénateurs perçoivent 5.300 euros nets d'indemnités mensuelles, et quelque 6.000 euros par mois pour les frais de mandat (IRFM) et une autre indemnité pour leurs collaborateurs.