Soupçons de financement libyen: Sarkozy dénonce “l’enfer de la calomnie”

Soupçons de financement libyen: Sarkozy dénonce “l’enfer de la calomnie”

L'ancien président français Nicolas Sarkozy, inculpé mercredi et placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une enquête sur des soupçons de...
Public Sénat

Par Baptiste PACE, Sophie DEVILLER

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L'ancien président français Nicolas Sarkozy, inculpé mercredi et placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne électorale de 2007, a invoqué devant les juges l'absence de "preuve matérielle" et affirmé vivre "l’enfer de la calomnie".

L'ancien chef de l'Etat, 63 ans, a été mis en examen (inculpé) pour "corruption passive", "financement illégal de campagne électorale" et "recel de fonds publics libyens", ce qui marque un coup d'accélérateur dans cette affaire instruite par des magistrats français depuis près de cinq ans.

Nicolas Sarkozy sera l'invité jeudi du journal de 20H00 sur la chaîne française TF1, sa première interview depuis sa mise en examen, a annoncé à l'AFP un porte-parole de la chaîne.

L'ex-président nie les faits qui lui sont reprochés. Sa garde à vue, qui avait débuté mardi dans les locaux de l'office anticorruption (Oclciff) à Nanterre, près de Paris, s'était terminée mercredi en fin d'après-midi. Elle a duré en tout 26 heures.

"Depuis le 11 mars 2011, je vis l’enfer de cette calomnie", a affirmé M. Sarkozy, selon sa déclaration aux magistrats reproduite jeudi sur le site internet du journal Le Figaro. Il dit avoir "déjà beaucoup payé pour cette affaire" sur le plan politique: "j’ai perdu l’élection présidentielle de 2012 à 1,5% (face à François Hollande, ndlr). La polémique lancée par Kadhafi et ses sbires m'a coûté ce point et demi".

L'avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog arrive au domicile de son client, le 22 mars 2018 à Paris
L'avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog arrive au domicile de son client, le 22 mars 2018 à Paris
AFP

Il dit être "accusé sans aucune preuve matérielle" par les déclarations de l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi et de plusieurs de ses proches, ainsi que par l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine. "Il est avéré à de multiples reprises qu'il (Ziad Takieddine, ndlr) a touché de l'argent de l'État libyen", poursuit M. Sarkozy.

"À propos de M. Takieddine, je voudrais vous rappeler qu'il ne justifie durant cette période 2005-2011 d'aucun rendez-vous avec moi", ajoute l'ancien président.

"Pendant les 24 heures de ma garde à vue, j'ai essayé avec toute la force de conviction qui est la mienne de montrer que les indices graves et concordants qui sont la condition de la mise en examen n'existaient pas compte tenu de la fragilité du document ayant fait l'objet d'une enquête judiciaire et compte tenu des caractéristiques hautement suspectes et du passé lourdement chargé de M. Takieddine", a notamment déclaré M. Sarkozy.

"Les faits dont on me suspecte sont graves, j'en ai conscience. Mais si, comme je ne cesse de le proclamer avec la plus totale constance et la plus grande énergie, si c'est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande, ou de de ses affidés (...) alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer la profondeur, la gravité, la violence de l'injustice qui me serait faite", a-t-il ajouté.

Les affaires judiciaires de Nicolas Sarkozy
Les affaires dans lesquelles Nicolas Sarkozy a été impliqué
AFP

En mai 2012, le site d'information français Mediapart avait publié entre les deux tours de la présidentielle un document libyen accréditant un financement d’environ 50 millions d’euros, dont M. Sarkozy et ses soutiens ont constamment affirmé qu'il s'agissait d'un faux.

- 'Mis en examen ne vaut pas culpabilité' -

Par la suite, "M. Takieddine a toujours affirmé ne m'avoir jamais remis de liquide jusqu'au mois de novembre 2016. Très exactement trois jours avant le plus important débat qui opposait les candidats de la droite à la primaire. J'ai perdu la primaire et les déclarations de M. Takieddine n'y sont pas pour rien", poursuit M. Sarkozy, en référence à sa tentative de reconquête de l’Elysée de 2016.

"Mis en examen ne vaut pas culpabilité", a réagi de son côté mercredi soir Laurent Wauquiez, ancien ministre et successeur de Nicolas Sarkozy à la présidence du parti Les Républicains (droite).

Quels sont les nouveaux éléments rassemblés par les magistrats pouvant mettre directement en cause l'ancien chef de l'Etat? Selon le journal Le Monde, plusieurs anciens dignitaires du régime Kadhafi auraient livré de récents témoignages confirmant les soupçons de financement illicite.

Ziad Takieddine a lui-même assuré avoir remis entre fin 2006 et début 2007 trois valises contenant 5 millions d'euros en provenance du régime de Kadhafi à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant.

D'autres dignitaires libyens ont démenti tout financement de la Libye de Mouammar Kadhafi, que M. Sarkozy avait reçu en grande pompe à l'Elysée en 2007.

Autre élément qui pourrait être compromettant pour Nicolas Sarkozy, un rapport de l'office anticorruption, daté de septembre, qui pointe une circulation importante d'espèces dans son entourage durant la campagne 2007.

Les investigations ont aussi mis en lumière plusieurs opérations suspectes, notamment un virement de 500.000 euros perçu par Claude Guéant en mars 2008.

Nicolas Sarkozy fut l'un des artisans de la chute de Mouammar Kadhafi, tué en 2011 par les rebelles libyens.

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