Depuis la démission de Sébastien Lecornu lundi 6 octobre, les partis du « socle commun » traversent une zone de turbulences. Alors que le « socle commun » est désormais devenu une « plateforme d’action », les partis se déchirent en interne pour déterminer la ligne à adopter et la nature du soutien à apporter ou non à Sébastien Lecornu, de nouveau nommé à Matignon par Emmanuel Macron. Pour Les Républicains, la journée de samedi a été marquée par les réunions des différents groupes parlementaires puis par un bureau politique qui aura duré près de trois heures. Plus tôt dans la journée, le patron du parti, Bruno Retailleau avait fait savoir qu’il ne participerait pas au gouvernement.
Pour rappel, Bruno Retailleau avait été reconduit au ministère de l’Intérieur il y a une semaine dans le premier gouvernement de Sébastien Lecornu, avant de déclencher sa chute quelques heures plus tard, en estimant que sa composition ne reflétait pas la « rupture » annoncée et en pointant tout particulièrement la nomination du macroniste Bruno Le Maire au ministère des Armées.
Dans l’après-midi, le secrétaire général des Républicains, Othman Nasrou, s’est présenté devant le siège de LR pour dévoiler la position du parti. Comme l’UDI, et vraisemblablement Horizons, Les Républicains ont décidé de soutenir le gouvernement sans y participer. « Le Bureau politique a considéré dans une large majorité que les conditions n’étaient pas réunies pour une participation de LR au gouvernement », a déclaré Othman Nasrou avant d’ajouter que LR ne serait « jamais un facteur de désordre ».
Réunions sous tension
« Le bureau politique affirme un soutien texte par texte au gouvernement », tout en soulignant « qu’à ce stade, la confiance et les conditions ne sont pas réunies pour que Les Républicains participent au gouvernement », peut-on lire dans le communiqué publié par LR à l’issue de la réunion de son bureau politique. Quelques heures plus tôt, les députés du groupe Droite Républicaine, présidé par Laurent Wauquiez, avaient pourtant voté, à une écrasante majorité, en faveur d’une participation au gouvernement. A noter que Michel Barnier, ancien Premier ministre et architecte du socle commun, revenu récemment au Palais Bourbon, fait partie des quelques élus ayant voté contre la participation au gouvernement.
Dans la foulée de cette première réunion, les sénateurs LR, groupe le plus important de la chambre haute, ont voté contre la participation au gouvernement, préférant conditionner leur soutien au contenu des textes déposés au Parlement. Le président du groupe LR au Sénat a fait savoir à l’AFP que les sénateurs s’étaient largement exprimés en faveur d’un « soutien sans participation, texte par texte ».
Une division entre les groupes parlementaires au Sénat et à l’Assemblée nationale et leurs leaders qui laissait présager un bureau politique animé. « C’était un bureau tendu dans la mesure où deux lignes se sont affrontées », résume Max Brisson, porte-parole des sénateurs LR. Un autre sénateur LR qualifie la séquence de « cirque ». Malgré une réunion sous haute tension, Les Républicains tentent de faire redescendre la pression et relativisent les risques de scission. « C’était tendu, ils étaient un peu chauds, il y a eu une forme de familiarité, mais comme cela peut arriver entre collègues », tempère une sénatrice LR.
« Certains députés étaient prêts à lâcher sur la réforme des retraites »
Au cours des échanges, une véritable ligne de crête est apparue entre députés et sénateurs, ces derniers refusant de participer au gouvernement pour ne pas avoir à soutenir une éventuelle remise en cause de la réforme des retraites. « Il y avait des positions très clivantes et clairement une ligne de fracture entre les députés qui ont leurs propres contraintes, leurs propres risques », continue la sénatrice.
Concrètement, certains députés LR, sous la pression d’une dissolution en cas de censure du futur gouvernement Lecornu, ont poussé pour faire évoluer la position du parti sur la réforme des retraites. Une concession jugée essentielle pour la survie du gouvernement alors que les socialistes ont clairement fait savoir qu’en l’absence de suspension de la réforme des retraites de 2023, ils censureraient le gouvernement de Sébastien Lecornu. Par ailleurs, en cas de dissolution, de nombreux députés LR pourraient être battus par des candidats du RN. En 2024, un certain nombre de candidats LR avaient bénéficié du front républicain pour s’imposer face au RN au second tour.
« Certains députés ont demandé des concessions sur la réforme des retraites, notamment sur la pénibilité et sur les carrières des femmes sans que l’on puisse véritablement rentrer dans les détails », explique une sénatrice ayant participé au bureau. « Certains députés étaient prêts à lâcher sur la réforme des retraites, je n’imagine pas que l’on puisse s’aligner sur la position des socialistes sur les retraites », pointe Max Brisson qui refuse de revenir sur une position historique du groupe LR au Sénat. Un point partagé, selon son entourage, par Michel Barnier pour qui une remise en cause de la réforme des retraites empêche toute participation de LR au gouvernement. Malgré l’expression de ces divergences, le bureau politique ne s’est pas exprimé sur la position à adopter en cas de remise en cause de la réforme des retraites.
Le retour de la guerre des chefs ?
Si le bureau politique a voté à une large majorité le soutien sans participation du parti (74 voix pour sur 104 participants), les divergences se sont clairement exprimées, confirmant les tensions entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau. Hier, lors de la réunion organisée par Emmanuel Macron, les deux hommes étaient arrivés séparément à l’Elysée. Plusieurs soutiens du président du groupe Droite Républicaine (DR) à l’Assemblée ont d’ailleurs quitté la réunion du bureau politique pour exprimer leur mécontentement.
Pour asseoir la décision du bureau, le président du parti Bruno Retailleau a sollicité un vote des militants tandis que Laurent Wauquiez doit, selon le Figaro, s’entretenir avec les députés DR ce soir. Une division qui fragilise le leadership de Bruno Retailleau pourtant largement élu président des Républicains face à Laurent Wauquiez en mai dernier. L’ancien président du parti et responsable de la dernière crise majeure au sein du parti, Éric Ciotti, a en tout cas voulu attiser les braises de la rivalité en appelant ces anciens collègues à le rejoindre et à s’allier avec Marine Le Pen. « Vous serez accueilli au sein de l’UDR avec la bienveillance d’une famille qui n’aurait jamais dû se séparer », écrit Éric Ciotti.