La procédure est inédite. C’est peu dire que la première communication du Conseil constitutionnel, sur la collecte de soutiens nécessaires pour que puisse se tenir un référendum d’initiative partagée (RIP), sur l’opportunité de privatiser Aéroports de Paris, était attendue. Depuis l’ouverture de la plateforme gérée par le ministère de l’Intérieur le 13 juin, ce sont 480.300 soutiens qui ont été officiellement enregistrés, en date du 1er juillet. Le chiffre comprend aussi bien les dépôts à distance, par les internautes, que les formulaires recueillis et saisis par les agents en mairie.
Mais tous ne sont pas pour autant valides. « 97 % de ces soutiens, soit 465 900 soutiens, ont franchi avec succès le stade des vérifications administratives auxquelles il incombe au ministère de l’intérieur de procéder dans les cinq jours suivant le dépôt de la demande », précise dans un communiqué le Conseil constitutionnel. 3 % des soutiens déposés ont donc été rejetés, soit un peu plus de 14.400. Le pourcentage est loin d’être négligeable. La raison principale raison tient à des problèmes de justificatifs de papiers d’identité (comme des documents périmés), nous indique-t-on au Conseil constitutionnel. Rien n’empêche ces personnes déboutées de redéposer un recours puis de reformuler une demande par la suite.
En 18 journées pleines de collecte, un peu moins de 10 % des signatures nécessaires ont donc été recueillies. Pour rappel, outre le soutien de 185 parlementaires requis (ils étaient 248, bien plus que nécessaire), un référendum ne pourra être organisé que si la procédure recueille le soutien, en 9 mois, de 10 % des Français inscrits sur les listes électorales : soit très exactement 4.717.396 soutiens. Il faut également que l’une des deux chambres du Parlement refuse de se saisir de la question.
« Un vrai problème d’accès au site »
D’un point de vue purement arithmétique, le coup d’envoi de la collecte satisfait les initiateurs du projet. « Je suis très satisfait, c’est une moyenne de 24.000 par jour au lieu de 17.000 nécessaires. Je ne suis pas naïf, je sais que ce rythme il faudra le maintenir jusqu’au bout pour obtenir les 4,7 millions signatures. C’est extrêmement encourageant », salue Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat, à l’origine du plus gros contingent chez les soutiens d’origine parlementaire.
465.900 signatures pour le RIP sur ADP : un début « encourageant » (Patrick Kanner)
465.900 signatures pour le RIP sur ADP : un début « encourageant » (Patrick Kanner)
Le sénateur PS Martial Bourquin, qui était chef de file de son groupe sur le projet de loi Pacte dans laquelle figurait la privatisation d’ADP, considère également qu’il s’agit d’un bon départ. « C’est pas mal, car il y a un vrai problème d’accès au site », souligne l’élu du Doubs. Depuis le 13 juin, de nombreux internautes signalaient sur les réseaux sociaux avoir rencontré des difficultés divers et techniques pour enregistrer leur soutien au processus référendaire. Un certain nombre s’en est d’ailleurs plaint auprès du Conseil constitutionnel : la majorité des réclamations portent sur le fonctionnement du site. Les socialistes estiment, comme d’autres familles engagées dans la promotion du RIP (Parti communiste, France insoumise, Rassemblement national, mais aussi une partie des Républicains), que le nombre de signataires aurait pu être bien plus important avec une procédure informatique moins complexe.
Dans leur communication, les Sages rappellent que la plateforme a été améliorée, compte tenu de ses demandes, notamment pour faciliter la saisie des informations. Cela va de la présence d’un tutoriel à des précisions sur les éléments requis sur le formulaire en ligne.
Si le rythme de collecte est pour l’heure supérieur au minimum requis par un jour sur une période de neuf mois, la moyenne journalière pourrait décliner, et la progression du total ralentir, avec l’effet des congés d’été. La marche des 4,7 millions de signatures nécessaires est haute. À titre de comparaison, la pétition lancée contre l’État et son inaction climatique – « l’Affaire du siècle » – a réuni deux millions de signataires depuis décembre 2018, sans que l’opération ne se limite au corps électoral.
« La campagne n’a pas encore commencé », selon Martial Bourquin
Les choses sérieuses débuteront à la fin du mois d’août, promettent les partisans du référendum. « La campagne n’a pas encore commencé, on n’a encore rien vu », estime Martial Bourquin, selon qui, ces trois premières semaines de collecte ont essentiellement été tirée par un « appui spontané ».
Si à l’échelle de leurs circonscriptions, beaucoup de parlementaires à l’origine du RIP, encouragent les électeurs à soutenir le processus, d’autres meetings devraient avoir lieu. « Ce qui est important, c’est que ce soit une bataille unitaire », insiste le sénateur du Doubs. Le 19 juin à Saint-Denis, un même évènement avait réuni des élus socialistes, communistes, insoumis, mais aussi issus des rangs des Républicains.
Contrairement à une élection classique, la loi n’a pas prévu de dispositif de communication pour faire connaître l’opération sur le service public audiovisuel, rappelle le Conseil constitutionnel. Les Sages se content de préciser que c’est aux télévisions et radios elles-mêmes de définir les modalités d’information, sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Le prochain décompte officiel du Conseil constitutionnel aura lieu d’ici la fin du mois de juillet. D’ici là, certaines initiatives individuelles, basées sur la consultation publique des noms des soutiens, devraient continuer d’estimer chaque jour la progression du nombre de signatures.
La loi organique, définissant les modalités d’organisation d’un référendum d’initiative partagé, n’impose rien sur la communication du nombre de signatures en temps réel. Une absence frustrante, pour beaucoup de parlementaires, selon qui cet élément aurait pu enclencher une dynamique. « Ce qui est extrêmement agaçant, c’est le fait que nous n’ayons pas de compteur officiel. Pourquoi le gouvernement, le ministère de l’Intérieur, se refuse -t-il à nous donner au fil de l’eau des éléments qui soient probants et qui nous permettent, département par département, où en est la mobilisation des Français ? » s’interroge Patrick Kanner.