C’est un concept qui revient en force depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Il y a deux semaines, au salon de l’agriculture, chaque candidat y est allé de sa proposition tendant à rendre la France souveraine en matière agricole.
Ce mercredi, la commission des affaires économiques du Sénat, le sujet était au cœur d’une table ronde. Les représentants des chambres de l’agriculture et Vincent Chatellier, économiste, ingénieur de recherche à l’Inrae ont fait part de leurs analyses sur les conséquences que devrait entrainer le conflit actuel sur l’agriculture mondiale.
Pour mémoire, dans un courrier envoyé début mars, à Ursula von der Leyen, Sophie Primas et Jean-François Rapin (LR), président de la commission des Affaires européennes du Sénat, demandaient à Bruxelles de suspendre « la mise en jachère de 4 % de nos terres agricoles prévue dès cette année dans le cadre du programme « Farm to fork ». Ce plan prévoit notamment de réduire de moitié l’usage de pesticides et de 20 % celui des engrais, à baisser de 50 % les ventes d’antimicrobiens pour les animaux d’élevage et de consacrer un quart des terres cultivées à l’agriculture biologique.
Pour la majorité sénatoriale, les conséquences de la crise en Ukraine entraînent la nécessité de « repenser notre modèle agricole au prisme de l’impératif alimentaire », pour reprendre les mots de la présidente de la commission, Sophie Primas (LR).
Vincent Chatellier a invité les élus à être « prudents » sur la remise en cause des normes environnementales. « Certains disent qu’on ne va pas assez loin, d’autres qu’on va trop loin. C’est un vieux débat […] C’est très compliqué d’en discuter parce que les gens restent dans leurs standards ».
L’économiste a également alerté « sur les marges qui n’existent plus dans l’agriculture ». « Si on ne veut pas faire payer aux consommateurs les surcoûts des intrants, il n’y a pas de solutions […] On voit bien que dans la résolution des problèmes à court terme, il est indispensable d’avoir une inflation sur les produits alimentaires. Ça permet d’éviter un effondrement de l’appareil agro-industriel […] Collectivement, nous avons le devoir de replacer la question du pouvoir d’achat des Français dans les produits alimentaires de base. On ne va pas s’en sortir sans augmentation de prix », prévient-il
Quelques minutes plus tôt lors de l’audition, Thierry Pouch, économiste en chef des Chambres d’agriculture a indiqué que l’inflation dans la zone euro allait se rapprocher des 7 % sur les produits alimentaires, citant l’alourdissement des charges pour les agriculteurs du conflit russo-ukrainien, comme l’augmentation du prix des matières premières. « La consommation de gaz à l’échelle européenne ne devrait pas reculer avant 2030. Alors que faire d’ici là ? » a-t-il souligné, rappelant que d’autres pays exportateurs comme l’Algérie ou le Brésil n’avaient pas de réserves extensibles.
Même constat pour les intrants, dont les coûts montent en flèche. Sans oublier l'augmentation des cours du blé et du colza dont dépendent les agriculteurs pour la nourriture animale. « Une verticalité des courbes qui est assez préoccupante pour les agriculteurs », constate-il.
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